C’est l’histoire d’un colonialisme de peuplement qui n’en finit pas de vouloir s’installer.
C’est l’histoire du vol des terres et des biens de tout un peuple qui se poursuit depuis plus de 75 ans.
C’est l’histoire d’un régime d’apartheid construit méticuleusement, un régime d’oppression et de domination raciale mis en place afin de voir aboutir le projet initial.
C’est l’histoire de l’impunité totale dont jouit Israël depuis des décennies.
C’est l’histoire d’un génocide comme phase ultime pour parachever le nettoyage ethnique et la colonisation de sa terre.
Le 14 octobre 2021, Bezalel Smotrich interpellait les député·es palestinien·nes « Vous êtes ici par erreur, c’est une erreur que Ben Gourion n’ait pas fini le travail et ne vous ait pas jeté dehors en 1948. » Il préparait clairement une seconde Nakba.
Dès l’installation du gouvernement dont il est une des pièces maîtresses, fin décembre 2022, tout convergea : passer la vitesse supérieure dans le nettoyage ethnique, la confiscation des terres, les démolitions de maisons, la « légalisation » des colonies, leur accroissement, la violence des colons et leur armement, la répression de la résistance palestinienne, et particulièrement dans les camps de réfugiés : tenter de « finir le travail ».
Dans le même temps, les accords de normalisation se poursuivaient, laissant les Palestiniens en dehors du coup, comme si l’avenir d’un peuple allait se régler à coups de dollars, d’enfermement et d’effacement.
L’année 2023 restera une année record pour la colonisation et l’assassinat de Palestiniens par l’armée et les colons. En moins de trois mois en 2024, Israël a battu les records de confiscation de terres palestiniennes depuis Oslo.
Et depuis le 7 octobre, un génocide au vu et su du monde entier, filmé en direct par les victimes – ou pire par les meurtriers eux-mêmes – des images plus atroces les unes que les autres, des témoignages glaçants, et toujours l’impunité d’Israël ! Aucun acte de la France, pas d’embargo militaire ou économique, pas même le rappel de son ambassadeur. Quant à la suspension de l’accord d’association ou l’interdiction des produits des colonies qui ne serait que l’application du droit, même un génocide en cours ne permet pas d’y penser !
Non satisfait des bombardements, des tirs de drones ou de snipers, de la famine, du défaut de soins, Israël entretient le chaos en assassinant les responsables locaux qui tentent d’organiser la distribution de l’aide humanitaire, en arrêtant ou en éliminant les médecins, les enseignants, les journalistes. Tout ce qui permet à une société de fonctionner doit disparaître : les bâtiments administratifs ou culturels, les lieux de cultes, les universités, les écoles… Mention spéciale pour les hôpitaux, lieux ultimes où espérer trouver refuge.
Pour parachever le tout, Netanyahou tente de profiter de l’aubaine pour « liquider » la question des réfugiés, c’est tout le sens de l’attaque contre l’UNWRA.
En cette année olympique, on peut résumer la stratégie d’Israël ainsi : plus vite, plus haut, plus fort, sur tous les fronts, par tous les moyens, vers l’État juif de la Méditerranée au Jourdain, à l’image des cartes brandies par Netanyahou devant l’assemblée générale de l’ONU en septembre dernier.
Les 75 ans de la Nakba auront vu la seconde Nakba : nettoyage ethnique, massacre, vol de terre, et colonisation, de la vallée du Jourdain à la bande de Gaza, du Naqab à Jérusalem, de Jénine à Masafer Yatta.
Ces quelques mois où les puissants ont assisté à un génocide sans l’empêcher marqueront d’une tache indélébile l’histoire de l’humanité. L’histoire se souviendra de l’Afrique du Sud et du Sud global tentant de rappeler le droit et d’imposer la fin du génocide aux côtés des peuples manifestant leur solidarité. Elle n’oubliera pas leur écœurement face à la complicité, voir la participation du monde occidental à ce génocide en cours.
Au milieu de ce génocide, ces mêmes puissances recommencent sans vergogne à penser la solution politique à la place et sans le peuple palestinien – après avoir tenté de l’invisibiliser. Nous le redisons avec force, il n’y a pas de solution militaire, seulement une solution politique. Elle passe par la reconnaissance des droits du peuple palestinien, par la fin de l’apartheid, par l’égalité des droits, par l’autodétermination. Décidément, le démantèlement du régime d’apartheid est plus que jamais à l’ordre du jour du mouvement de solidarité.
Anne Tuaillon, présidente de l’AFPS, le 22 mars 2024