Deux sociétés israéliennes ont envoyé dimanche au Premier Ministre une lettre demandant une prolongation en urgence du délai pour les offres publiques en vue de la construction de la prochaine tranche du tramway de Jérusalem.
Les sociétés israéliennes, Dan and Electra, ont demandé un délai après qu’il est apparu que le constructeur ferroviaire français Alstom a l’intention de se retirer de leur consortium soumissionnant pour la prolongation du tramway colonial - en alléguant de préoccupations en matière de droit humains.
Ceci est la dernier signe de difficulté dans la volonté d’Israël de prolonger le tramway qui relie les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée les unes aux autres et à Jérusalem-Est occupée.
La construction par Israël de colonies en Cisjordanie occupée est un crime de guerre.
Préjudiciable pour les droits humains
« Vendredi, nous avons reçu avec étonnement la position officielle d’Alstom, qui en fait empêche Electra et Dan d’être en capacité de soumissionner dans l’appel d’offres, étant donné que c’est demain la date-limite, » déclare la lettre.
« Cette position est entièrement fondée sur le conflit israélo-palestinien, et le point de départ présenté à Electra et Dan est que l’appel d’offres et la mise en oeuvre du projet sont visiblement préjudiciables ou susceptibles de porter préjudice aux droits humains, » ajoute la lettre. « En outre, Alstom affirme que sa participation est contraire au droit français. »
La France, malgré ses politiques fortement pro-israéliennes, met en garde les sociétés contre le fait de faire des affaires dans les colonies.
Le ministère français des affaires étrangères déclare que le commerce et les affaires « dans ou au bénéfice des colonies entraînent des risques juridiques et économiques liés au fait que les colonies israéliennes, selon le droit international, sont construites sur des territoires occupés et ne sont pas reconnues comme faisant partie
d’Israël ».
Avec la rupture apparente de l’offre impliquant Alstom, une autre société européenne, l’exploitant de transports Moventia de Barcelone, serait aussi forcé de se retirer, puisqu’il fait partie du même consortium.
Débandade vers la sortie
La nouvelle du retrait programmé d’Alstom intervient juste quelques jours après que The Electronic Intifada a révélé qu’un consortium concurrent conduit par Bombardier, le géant canadien de l’ingénierie, avait aussi abandonné l’appel d’offres.
Bombardier s’est retiré après que Macquarie, le fonds australien d’investissement, a retiré son soutien du consortium.
Un autre consortium qui comprend l’Allemand Siemens a aussi renoncé à la compétition pour l’énorme contrat, en invoquant les risques liés à l’occupation israélienne.
Cela signifie que le nombre de consortiums susceptibles de participer est tombé de huit au départ à pas plus de 2 à 4, selon le journal d’affaires israélien Calcalist.
Mais même cela peut s’avérer positif, étant donné que les soumissionnaires restants font face à une foule de problèmes.
Un consortium amenant ensemble la société israélienne Shafir et le constructeur ferroviaire espagnol CAF est entravé par le fait que le conseil officiel des travailleurs de la société espagnole a voté contre la participation au projet colonial.
L’offre du consortium à direction grecque comprenant l’entrepreneur GEK Terna et la société de transport STASY propriété d’état d’Athènes est aussi dans le doute en raison de problèmes de financement.
Calcalist déclare aussi que d’autres soumissionnaires comprennent des sociétés chinoises intervenant en Iran, ce qui pourrait poser problème « par rapport au contexte des sanctions imposées à l’Iran par le gouvernement des USA et aux critiques américaines des sociétés chinoises intervenant en Israël. »
Un des consortiums encore sur les rangs comprend le constructeur ferroviaire chinois CRRC, qui construit le réseau ferroviaire à grande vitesse iranien.
La société chinois a minimisé les inquiétudes selon lesquelles le renforcement des sanctions sur l’Iran pourrait affecter sa tâche dans ce pays.
Les Etats-Unis ont exercé des pressions sur Israël pour limiter les investissements chinois dans le pays visiblement pour des craintes en matière de sécurité et d’espionnage.
"Grande victoire"
Actuellement le tramway de Jérusalem exploite une seule ligne, la Ligne Rouge.
Dans le cadre du nouveau projet, la Ligne Rouge sera prolongée pour pénétrer plus profondément en Cisjordanie occupée, en reliant les colonies de Pisgat Zeev et Neve Yaakov, qui font partie de l’anneau de colonies qu’Israël est en train de construire pour isoler les Palestiniens de Jérusalem de ceux dans le reste de la Cisjordanie occupée.
La Ligne Verte est programmée pour un trajet du Mont Scopus dans Jérusalem-Est occupée à la colonie de Gilo au Sud-Ouest de Jérusalem.
Alstom a jusqu’à maintenant été volontiers complice de ce projet, pièce maîtresse des volontés d’Israël d’enraciner et de développer sa colonisation des terres palestiniennes.
Alstom fabrique les voitures pour la ligne de tramway existante et sa filiale Citadis Israël, dont elle est entièrement propriétaire, a le contrat de maintenance pendant 22 ans, constate le groupe de surveillance Qui Tire Profit.
En 2013, Alstom a vendu sa part de 20 % dans City Pass, le consortium qui actuellement exploite le tramway, à un acheteur israélien.
« Toutefois, Alstom, en même temps que le Groupe Ashtrom, reste l’entrepreneur en ingénierie et en construction du projet » constate Qui Tire Profit.
En 2015, après une campagne qui a duré beaucoup d’années menée par des militants des droits humains, la société française Veolia a aussi vendu sa part dans City Pass.
Qu’Alstom réexamine maintenant toute implication supplémentaire dans le tramway de Jérusalem montre l’impact du consensus juridique croissant selon lequel faire des affaires avec les colonies israéliennes implique une complicité inévitable dans les principales violations des droits humains, parmi lesquelles des crimes de guerre, et qu’un tel commerce doit être interdit.
Les militants palestiniens le voient certainement ainsi.
« La sortie d’Alstom serait une importante victoire des militants des droits humans en France, en Palestine et dans plusieurs autres pays où les campagnes de BDS ont rejeté les contrats rentables de la société et ont affaibli sa réputation » a déclaré dimanche le Comité Palestinien de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (CNB).
« La pression sur Alstom doit continuer jusqu’à ce qu’elle confirme on retrait du projet. »
« Les victimes palestiniennes du tramway de Jérusalem, comme de tous les autres projets israéliens qui violent le droit international, sont habilités à recevoir des réparations pour les dommages occasionnés à leurs moyens d’existence et à leurs biens » a ajouté le CNB.
« L’implication des entreprises dans les crimes du régime israélien d’occupation et d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien n’est pas seulement moralement répréhensible et un handicap juridique. Cela fait mal aussi aux affaires. "
Les porte-parole d’Alstom n’ont pas répondu aux demandes de commentaire de The Electronic Intifada.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers