Si l’on peut croire parfois à l’objectivité de l’Histoire en la bornant à l’énumération des faits, au point d’élever la discipline au niveau d’une science, l’idée doit être rapidement abandonnée. La perception des réalités et leur analyse diffèrent selon l’historien, son appartenance à un groupe, son bagage culturel, son héritage ethnique et spirituel.
Pour autant cette subjectivité inhérente au rapporteur, au décrypteur de l’Histoire ne saurait s’exprimer au-delà d’un minimum d’objectivité. Elle ne peut justifier la déformation des faits avérés, le rejet ou la falsification des témoignages, un jugement portant atteinte à la dignité de l’un ou l’autre des acteurs.
C’est à partir de ces principes énoncés que le groupe de travail “éducation et manuels scolaires” a travaillé depuis 2011 en analysant la présentation du conflit d’une dizaine de manuels scolaires d’histoire/géographie.
L’histoire de la question israélo-palestinienne offre un cas d’école. Son enseignement dans ces deux pays (Israël et Palestine), suscite suspicions et polémiques. En France le débat est souvent vif. C’est à partir de ce constat que Pascal Boniface a publié son essai « La France malade du conflit israélo-palestinien ».
On comprend dans ces conditions la nécessité d’une analyse critique des manuels scolaires. Il est décisif de distinguer le destin des juifs, ses épisodes tragiques, et le gouvernement d’un état peu soucieux du respect du droit international et humanitaire. Il est important de reconnaître le peuple palestinien dans ses droits les plus élémentaires, dans son histoire et dans sa culture et de ne pas le confiner dans ses actes de résistance à une colonisation.
Nous avons depuis 6 ans engagé un travail d’analyse de manière pertinente et objective, dans ce qui est à l’œuvre dans les manuels scolaires d’histoire essentiellement de 3ème et de terminale et concernant le « conflit » Israélo/Palestinien.
Nous avons posé comme évidence que le contenu des programmes scolaires était élaboré par des experts de l’éducation nationale et qu’il revenait ensuite à des spécialistes de l’histoire/géographie de proposer aux éditeurs la rédaction du contenu des manuels scolaires.
C’est la raison pour laquelle, les objectifs du groupe de travail sont multiples :
- une approche scientifique certes critique des contenus avec pour appui l’histoire telle qu’elle s’est construite dans cette région du monde, telle qu’elle se déroule encore de nos jours et dont l’actualité fait échos. La vérité historique étant notre moteur d’analyse.
- suite à ce travail d’analyses, l’interpellation des rédacteurs des manuels analysés, de leurs éditeurs et du ministère de l’éducation nationale. Nous sommes persuadés que la rectification significative d’oublis, voire d’erreurs, éviterait aux jeunes générations une vision trop partielle ou faussée de ce conflit qui dure depuis plus de 60 ans.
Un texte publié dans le journal « Libération » en novembre 2012, par un groupe de chercheurs, d’historiens et de directeurs de collection de manuels d’histoire abonde dans notre sens : « L’enseignement de l’histoire forme les citoyens de demain ; l’histoire enseignée est une chose trop sérieuse pour être instrumentalisée ». C’est aussi notre avis.
Ce petit livret réalisé en septembre 2017 par le groupe de travail de l’AFPS « éducation et manuels scolaires » illustre une petite partie de notre travail.
manuelsscolaires@france-palestine.org
Préambule :
- La « question de Palestine » pour reprendre l’expression de Henry Laurens, est étudiée principalement dans les classes terminales d’enseignement général. Le programme l’intègre dans l’étude du Proche et Moyen-Orient depuis la fin de la 1ère guerre mondiale. Dans ce cadre, les auteurs des manuels sont libres de leur présentation : texte de cours, illustrations, cartes, etc. Ces manuels peuvent être considérés comme « vérité scolaire » par les élèves ; le professeur est incité à l’étudier en 6-7 heures seulement en séries L-ES, moins en S. Ce qui laisse peu de temps pour Israël-Palestine.
- Notre présentation : une analyse critique en 2013 de 7 manuels des classes terminales des lycées, réactualisée pour trois éditions récentes. Un document d’un livre des troisièmes de collège est ajouté.
- Certains des documents présentés ici sont intégrés dans des chapitres exclus des programmes 2017,
- … mais les manuels sont toujours à disposition des élèves et des enseignants.
1 - Atlas et cartes : faussetés ou imprécisions
Une représentation fréquente de Jérusalem : la carte valide la contestable décision israélienne.
Exemple Atlas Magnard 2012 Manuel L – Es : Jérusalem, capitale d’Israël, la conception israélienne validée. Le Golan, annexé illégalement, n’est pas représenté. Le fait l’emporte sur le droit.
Notre analyse :
- de nombreuses cartes placent Jérusalem comme capitale d’Israël, présentation partisane
- en outre, les livres qui restituent la division de la ville entre la partie israélienne de Jérusalem-Ouest et la partie palestinienne de Jérusalem-Est sont très rares.
Notre commentaire et nos propositions :
- Tel-Aviv est la seule capitale d’Israël reconnue par la quasi totalité des États. Les autorités israéliennes font tout pour imposer Jérusalem comme capitale. Jérusalem-Est occupé doit devenir la capitale du futur état palestinien.
- en 1947 lors du plan de partage par l’ONU, Jérusalem devait être « corpus séparatum » un statut particulier pour ce qu’elle représente pour les trois religions monothéistes.
En savoir plus :
L’Atlas des Palestiniens J-P. Chagnollaud, S-A. Souiah, P. Blanc, M. Benoit-Guyod, Editions Autrement 2017
Note : cette fiche date d’avant la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par les Etats-Unis
2 - Entretenir des représentations ou introduire des appréciations partisanes ?
Manuel BELIN, classe de Troisième. Les programmes en 2016 n’abordent plus cette question.
Notre analyse et notre commentaire :
- Le conflit est très antérieur à la création de l’État d’Israël, l’affirmer c’est gommer les révoltes, les grèves, la violence qui remontent aux premières étapes de la colonisation sioniste, après la 1ère guerre mondiale.
- Faire l’impasse sur le sionisme ne permet pas de comprendre l’histoire de cette région, alors que le sionisme est un exemple d’idéologie coloniale, un thème abordé dans le cycle du collège. Le mouvement sioniste projete de fonder une colonie de peuplement, une des catégories de colonisation présentée en collège et en lycée.
- En 1947, de droit est créé un territoire qui devient après le départ des Britanniques l’Etat d’Israël, très vite reconnu par les grandes puissances de l’époque, l’URSS en premier.
- Ce serait les attentats terroristes qui entretiendraient les représailles israéliennes, une présentation simpliste au service de la vision israélienne. Une fois de plus la stigmatisation de « terroristes » pour les résistants palestiniens à la colonisation, illégale au regard du Droit international (4ème Convention de Genève)
- Un raccourci sur les origines du Mur, bien antérieures à la seconde Intifada.
- « Clôture de sécurité » c’est la vision israélienne sans regard critique : c’est un mur de séparation, illégal au regard du Droit international, ce qui est rarement précisé. Dans les manuels même avec les guillemets, c’est l’expression « clôture de sécurité » qui est la plus fréquente. Sans commentaire de l’enseignant, l’expression s’impose aux esprits.
- Ce n’est pas une « frontière » mais la ligne d’armistice de 1949 sur 380 km. Rien sur les 9% du territoire palestinien annexé de fait par le Mur ! A ce propos, Israël est quasiment le seul état au monde à ne pas avoir déclaré ses frontières. Et pour reprendre l’expression attribuée à un dirigeant sioniste : c’est « là où s’arrête la charrue ». C’est à dire de fait, une frontière imposée !
En savoir plus : https://www.ochaopt.org/location/west-bank
Bordas Terminales S 2012
Dans un chapitre « Société et religion aux États-Unis » qui n’est plus au programme. Mais le livre reste en usage.
Notre analyse et nos commentaires :
Des militants d’Amnesty International aux Etats-Unis manifestent contre la politique coloniale israélienne. La description de la photo sous le titre est satisfaisante, le titre fait une interprétation grave : elle soutient la thèse des autorités israéliennes et de leurs amis dans les pays occidentaux. Critiquer la politique d’un État n’est pas du racisme.
Déconstruire cette affirmation fausse est un impératif intellectuel et ici, une obligation morale. L’école ne doit pas être le lieu de l’affirmation partisane.
Le titre de cette photo doit d’autant plus être dénoncé qu’il anticipe les déclarations de dirigeants politiques français : Manuel Valls comme premier ministre et Emmanuel Macron très récemment. Complaisance envers les autorités israéliennes et leur relais en France ! L’antisémitisme est un racisme et doit être condamné.
A ce propos, pourquoi distinguer constamment les deux dans de nombreuses expressions où antisémitisme est associé à racisme ? Le seul terme « racisme » est suffisant et englobe tous les racismes.
En savoir plus :
- Shlomo Sand : tribune dans Médiapart reprise sur le site de l’AFPS le 21 juillet 2017 http://www.france-palestine.org/Lettre-ouverte-a-M-le-President-de-la-Republique-francaise
- Dominique Vidal : une interview par Nadir Dendoune dans le Courrier de l’Atlas le 17 juillet 2017 http://www.france-palestine.org/Etre-antisioniste-c-est-s-opposer-a-un-mouvement-politique-ce-n-est-donc-pas-du
3 - L’eau comme « arme d’occupation » : des enjeux masqués !
A) des documents insuffisamment commentés. Un exemple :
Hachette Seconde - Livre de géographie
Notre analyse :
Gaza : un camion de livraison d’eau vendue à prix très élevé. Sur le camion l’inscription « eau du paradis ». Humour palestinien !
« Instabilité politique » de la légende : formule imprécise du commentaire qui semble attribuer le problème à la division ( réelle) interpalestinienne. Alors que ce drame est la conséquence dramatique du blocus et de la sur-exploitation de la nappe phréatique côtière par Israël.
Rien sur le drame vécu par les habitants de Gaza : eau très polluée, rationnement extrême, coût énorme pour beaucoup de familles.
B) le texte partisan du rédacteur : exemple ci-dessous Livre Magnard Term L-ES page 226
La question de l’eau est au cœur de conflits. L’aridité naturelle et une croissance démographique importante jusqu’au début des années 2000 attisent les tensions. [..]. La Cisjordanie et Gaza disposent de nappes phréatiques indispensables à l’économie israélienne.
Notre analyse :
Les ressources hydriques appartiennent à la Palestine. Elles sont exploitées et appropriées par Israël. Les Palestiniens ne disposent au prix fort que de la portion congrue, alors que les colons et l’agriculture des colonies ne la mesurent pas. Un rapport parlementaire français avait titré en 2012 : « L’apartheid de l’eau ».
Extraits du rapport parlementaire de 2011, rapporteur : Jean Glavany
http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i4070.pdf Pages 108 à 133
Pour comprendre la nature de cette « arme » au service de ce « nouvel apartheid », il faut savoir, par exemple, que les 450 000 colons israéliens en Cisjordanie utilisent plus d’eau que 2,3 millions de Palestiniens. Sachons aussi entre autres multiples exemples que : la priorité est donnée aux colons en cas de sécheresse en infraction au droit international ; le mur construit permet le contrôle de l’accès aux eaux souterraines et empêche les prélèvements palestiniens dans la « zone tampon » pour faciliter l’écoulement vers l’ouest ; les « puits » forés spontanément par les Palestiniens en Cisjordanie sont systématiquement détruits par l’armée israélienne ; à Gaza les réserves d’eau ont été prises pour cible en 2008-2009 par les bombardements. et comme les zones A et B ne sont pas d’un seul tenant, mais fragmentées en enclaves entourées par des colonies israéliennes et par des routes réservées aux colons, ainsi que par la zone C, cette configuration entrave le développement d’infrastructures performantes pour l’approvisionnement en eau et l’évacuation des eaux usées. ; [..] l’armée israélienne autorise rarement les travaux de construction ou d’aménagement. On peut citer plusieurs exemples de stations d’épuration programmées par le ministère palestinien de l’Eau et qui sont « bloquées » par l’administration israélienne.
En savoir plus : http://www.france-palestine.org/Cahier-de-l-AFPS-no22-L-eau-enjeu-du-conflit-israelo-palestinien-reedition-2016
4 - L’expulsion, la Naqba, est souvent traitée avec inexactitude, voire désinvolture :
- par le choix des mots qui n’expriment pas les mêmes réalités : « exode, transfert, départ, expulsion ». Des manuels masquent la nature, la cause, les séquences, l’importance de cet événement fondateur :
Notre analyse et notre commentaire : des 7 manuels étudiés, quatre seulement qualifient correctement ce que fut l’expulsion programmée des Palestiniens. Bien avant 1947, des dirigeants sionistes en justifiaient la nécessité. Le plan Daleth de 1948 fait implicitement référence à la nécessité de l’expulsion, ce plan est cité par deux livres.
Certes des rédacteurs utilisent le terme « exode » ou « fuite » parfois seul terme utilisé pour qualifier la catastrophe, nous estimons que ce terme n’est pas assez précis. Un exode, une fuite peuvent être causés par un autre événement que militaire ou politique.
Un constat : seulement deux manuels illustrent la poursuite de l’expulsion en 1967 et aucun n’illustre ou ne précise que les expulsions des Palestiniens de leurs quartiers ou de leurs terres se poursuivent aujourd’hui . Dans la zone C définie par les Accords d’Oslo de 1993, soit 60% du territoire de la Cisjordanie ne vivent plus que 150 000 Palestiniens. Un transfert continu, un refoulement, un nettoyage ethnique pour être plus précis.
Cependant, un des manuels (Hatier 2012) fait une double page très bien illustrée de photos, de cartes qui montrent l’importance de ce fut la Naqba. Mais interroge « Expulsion ou départ volontaire » ?
- par le choix des documents Un exemple : Hachette Term : seule évocation de la Naqba : l’exode de 700 000 Palestiniens et sur la carte une mise en valeur visuelle des « réfugiés » juifs. Imprécis, inexact !
La question des réfugiés palestiniens de 1947-1948 est plutôt bien traitée et illustrée dans les divers manuels principalement par des cartes. Un ou deux rédacteurs la présente comme une question cruciale de la question de Palestine. Bien ! Mais dans un souci « d’équilibre » sans doute, des rédacteurs ne peuvent s’empêcher d’écrire que simultanément des « réfugiés juifs » arrivaient en Israël. De fait, il s’agit d’immigrants juifs venant des pays arabes, et si certains ont été chassés de leur pays d’origine, la majorité a choisi de s’installer en Israël, dont bon nombre dans le cadre d’opérations organisées par celui-ci.
C’est plus tard que se sont produits deux effets des bouleversements de la décolonisation : le départ des juifs égyptiens lors de la Crise de Suez et surtout après la guerre-éclair de 1967 et lors des indépendances successives des pays du Maghreb.
Il n’est jamais décrit dans les manuels la politique volontariste israélienne pour peupler le pays d’une immigration juive. Dans ce cas, ils ne sont pas des « réfugiés ».
Notre commentaire :
Comprendre l’histoire de la Palestine ne peut se faire sans insister sur l’importance de l’expulsion et de ses étapes. Les drames humains passés et actuels sont au cœur du conflit. Partout dans les camps de réfugiés, dans la mémoire collective, la clé est portée haut, dessinée. Symbole de l’éviction violente, de l’exil imposé.
Comprendre le passé, ne pas nier le passé est le chemin pour construire un avenir partagé. Rares sont les Israéliens à porter ce discours dans leur propre société. Des historiens israéliens ont attesté l’expulsion, il y a plus de vingt ans. Mais certains comme Benny Morris l’ont justifiée comme nécessaire pour les juifs israéliens et la construction de leur État. Quand l’idéologie prime sur la raison !
En savoir plus :
- Comment Israël expulsa les palestiniens (1947-1949) Dominique VIDAL avec Sébastien BOUSSOIS Ed. De L’Atelier 2007
- L’histoire occultée des Palestiniens Sandrine MANSOUR Ed. Privat 2013
- Gilles PARIS à http://israelpalestine.blog.lemonde.fr/2012/01/13/le-transfert-silencieux-des-palestiniens-en-cisjordanie/
5 - L’illustration de la violence : l’histoire écrite par l’oppresseur ?
A – La majorité des images données aux élèves : entretenir les représentations, celle du Palestinien « terroriste » ou lanceur de pierres des Intifadas.
Notre analyse et notre commentaire :
Systématiquement des termes, des images qui stigmatisent les Palestiniens comme « terroristes » sans jamais s’interroger sur les causes de la violence.
La réflexion de De Gaulle de nov. 1967 « Et il s’y manifeste contre lui la résistance, qu’à son tour il qualifie de terrorisme. » pourrait servir à construire une réflexion sur la notion de « terrorisme ». Un jeune Français en 2017 y a droit !
Notre constat : de tous les livres étudiés, dans deux seulement, le terme « terrorisme » est utilisé pour qualifier une opération des sionistes. A mettre en valeur : dans un titre d’une chronologie, la notion de terrorisme est brièvement mais correctement présentée. Hatier TermL-ES 2012
B – la violence minimisée des milices sionistes avant 47 et d’Israël aujourd’hui.
Été 1967 : les habitants du quartier des Maghrébins, devant le Mur des Lamentations à Jérusalem-Est sont « délogés », terme faible !
C – Le constat d’une modeste évolution en 2016-2017 ? Hachette Term-S 2017
Notre analyse :
Une armée moderne contre des pierres. Le commentaire est factuel, il aurait dû être plus précis : la colonisation juive à Hébron ne date que de 1967. Et non de toujours !
Sur la même image, on lira un commentaire indigent dans le manuel Belin Term L-ES 2016
Notre analyse et notre commentaire :
- aucune image de la violence des colons ( oliviers brûlés, meurtres etc.). On cache la violence d’État !
- le blocus de Gaza n’est jamais mentionné, mais à l’opposé l’ « Intifada des couteaux » de 2015 l’est.
- Aucune des trois guerres récentes contre Gaza ne sont pas mentionnées alors que la population civile a été prise comme cible et qu’elle ne pouvait trouver refuge nulle part à l’extérieur.
- Notre relevé permet d’affirmer que la violence israélienne est absente dans certains manuels, dans d’autres elle est atténuée à des degrés divers.
- Manque de courage des rédacteurs, alors que les sources fiables sont nombreuses ? Ne pas aller à contre-courant d’une opinion française qui ne veut pas voir ou qui s’estime impuissante ? Un livre scolaire est un livre doit décrire les faits pour mieux les comprendre.
En savoir plus : un livre difficile, Terrorismes : Histoire et Droit par H.Laurens et M. Delmas-Marty CNRS Editions 2010
6 - Un conflit « sans issue » ? : exemples de texte des rédacteurs
Édition BORDAS :
Les années 2000 l’impossible chemin de la paix : rupture du dialogue, conflit insoluble malgré la lassitude des populations juive et arabe. Plusieurs questions restent sans réponse : le statut de Jérusalem, le retour des réfugiés palestiniens et le devenir des « colonies juives ».
Édition HACHETTE
Un conflit sans fin ? Il est le plus ancien de la région et n’a pas trouvé de solution. Les adversaires de la paix restent puissants dans les deux camps : colons juifs et essor du Hamas palestinien, soutenu par l’Iran et la Syrie. En outre en mobilisant des arguments religieux ( Terre promise et Djihad), ces adversaires rendent difficile tout compromis.
Édition BELIN
En 1993, l’OLP décide d’entrer dans un processus de paix avec Israël, mais en raison de l’enlisement de ce processus, le conflit est toujours prêt à reprendre.
Notre analyse, notre commentaire :
- Les termes utilisés « impossible chemin de la paix- absence de solution – enlisement de ce processus de paix » correspondent partiellement bien à l’évolution du conflit. Il y aurait ainsi une fatalité … Il n’est pas écrit que l’OLP reconnaît Israël, alors que les gouvernements israéliens refusent toute reconnaissance d’un État palestinien et font tout pour casser toute dynamique palestinienne qui en rassemblerait les partis politiques, pour emprisonner ou fait disparaître ceux et celles qui pourraient la porter.
- Dos à dos, occupant et occupé dans un rapport de symétrie. Alors que les observateurs constatent le déséquilibre entre les deux pays, l’état de sujétion, d’oppression du peuple palestinien : sociocide et spatiocide. D’un côté la stratégie pour déstructurer la société palestinienne et de l’autre segmenter l’espace qu’un cartographe a dessiné l’archipel palestinien formé de multiples îlots.
- Peu et souvent rien sur la politique israélienne de progression de la colonisation. C’est une colonisation dont les objectifs ne sont expliqués que dans deux ou trois des manuels étudiés. Comment des élèves, voire des enseignants peuvent-ils avoir un fil directeur qui permette de mettre des notions donnant les clés de lisibilité de ce conflit le plus ancien et le plus long du monde contemporain ?
- Strictement rien sur les résolutions de l’ONU (l’illégalité de la colonisation), le respect du Droit international. Dans une édition de 2012, un rédacteur n’évoquait la Résolution 242 qu’à l’occasion d’un exercice de fin de chapitre. ! L’ayant rencontré – cause à effet ? - l’édition 2016 est plus sérieuse.
- Un conflit religieux ? Certains rédacteurs le suggèrent, il n’y aurait donc pas de solutions possibles. C’est une des thèses de certains Israéliens ou … d’éditorialistes français. Plus largement, Israël se présente comme avant-garde ou modèle de l’Occident contre la barbarie, le terrorisme. L’opinion publique française est ou peut être sensible à ces arguments. L’image d’Israël est une préoccupation de ses dirigeants et ces deux arguments – conflit religieux et guerre au terrorisme – permettent de masquer la nature simplement coloniale de « la question de Palestine ».
A lire les pages consacrés au conflit, nous constatons que les notions, les mots, les images et les cartes décrivent vraiment à minima la situation : une histoire souvent occultée des faits. Les clés de compréhension ne sont que très partiellement donnée. Évidemment toute généralisation étant abusive, nous constatons de profondes inégalités de traitement du conflit Israël-Palestine suivant les rédacteurs et des évolutions entre éditions de 2012 et 2017.
Mais il serait temps que les résultats des recherches universitaires imprègnent l’édition scolaire française.
En savoir plus :
- Jacques LEVY, revue Espace-Temps 2008 https://www.espacestemps.net/articles/topologie-furtive/
- la carte de Julien Bousac : http://boutique.monde-diplomatique.fr/l-archipel-de-palestine-orientale-1573.html
- Pour une lecture profane des conflits George Corm Ed. La Découverte 2012
- La défaite du vainqueur Jean Paul Chagnollaud Ed. Actes Sud 2017