Je me souviens qu’à l’époque de ma première détention de quatre ans dans les années 70, le nombre de prisonniers palestiniens était de 18.000.
Etant donné la circulation des prisonniers qui ne sont pas condamnés à de longues peines, la situation dans les territoires palestiniens a atteint un point tel qu’il est difficile de trouver une seule famille dont au moins un membre ne soit pas ou n’ait pas été emprisonné. Dans mon cas, je fais parti d’une fratrie de quatre frères qui ont tous connu à un moment ou un autre la prison.
Parce que l’emprisonnement est devenu un phénomène tellement répandu, il a commencé à générer sa propre culture et cette culture influence la culture politique dans la société en général. Même la terminologie pénitentiaire est entrée dans le langage populaire palestinien.
Lorsque nous parlons de prisonniers, nous parlons d’un immense nombre de personnes, qui sont toujours en prison ou qui l’ont été dans le passé, et qui étaient actifs dans la lutte contre l’occupation ou du moins étaient soupçonnés de l’être par les israéliens. En tant que tel, c’est un secteur très respecté de la société qui est devenue de fait, une communauté crédible et influente. La plupart de ceux qui ont occupé des positions significatives au sein de la bureaucratie de l’Autorité Palestinienne quand celle-ci a été établie, ont fait partie et font toujours partie, de cette communauté. Cela va de même pour l’appareil de sécurité.
D’un bout à l’autre de l’occupation, les grèves de prisonniers ont donc fortement influencé la rue palestinienne. Il y a eu plusieurs soulèvements qui, en quelques semaines ou sur plusieurs mois se sont étendus sur tout le territoire sous forme de campagnes de solidarité avec les prisonniers.
Une partie de cette forte empathie vient du fait que la population dans son ensemble, s’identifie fortement avec les objectifs et les activités des prisonniers. Il y a un sentiment dans la population que les prisonniers sont d’une certaine façon en train de subir leur peine au nom de toute la société. De plus, les terribles histoires de torture que les prisonniers ou leurs familles racontent, renforcent la tendance et le désir de montrer une solidarité.
Les histoires parvenues de la prison d’Abu Ghraïb en Irak, une fois qu’elles ont capté l’attention du monde, ont rappelé à beaucoup de palestiniens leurs propres expériences ou les histoires que les familles et amis racontent, des expériences qui dépassent de beaucoup celles publiées sur Abu Ghraïb. Malheureusement, dans notre cas, cette question a recueilli beaucoup moins d’attention de la part des média internationaux.
La dernière grève de la faim, suspendue récemment suite aux négociations avec les forces occupantes, est le dernier exemple de véritables sentiments de sympathie et de solidarité que le peuple palestinien ressent envers les prisonniers. Cela a été démontré par les manifestations et les sit-in grèves dans chaque ville ou village dans les territoires palestiniens - sans exception.
J’irai même plus loin en disant que cette vague de solidarité populaire a enlevé une grande partie de l’atmosphère interne empoisonnée entre les différentes tendances politiques qui avaient conduit à une si grande tension récente surtout à Gaza.
Au lieu de cela, la grève a crée un sentiment de solidarité avec la cause des prisonniers qui a unifié la population palestinienne, et le slogan final de la grève -pas de paix sans la libération de tous les prisonniers politiques- a été un facteur d’unification plus important que tout autre appel.