L’éventualité d’un report des élections législatives palestiniennes prévues le mois prochain domine l’actualité des débats internes. Les probabilités d’un tel scénario augmentent chaque jour, avec des suggestions selon lesquelles le "moment décisif" pourrait survenir dans une semaine ou dix jours au plus tard.
Il devient plus clair à chaque " initiative " ou " déclaration " que la décision de report, une fois prise, sera due à la situation du Fatah lui-même et aux craintes au sein de sa direction que les élections et le nouveau Conseil législatif ne lui échappent. Même si le "mouvement national" remporte la majorité des sièges et que les chances du "mouvement islamique" de remporter une victoire écrasante, reproduisant le scénario de 2006, deviennent minces, la capacité de la direction à renforcer son contrôle sur les composantes du "mouvement national" ne sera pas la même. D’où la nécessité d’adopter de nouveaux outils et de nouvelles approches pour la gouvernance et le contrôle, ainsi que pour la formation et la surveillance des gouvernements, et l’examen de leurs décisions, politiques et législations.
Si l’Autorité palestinienne parvient à contenir l’"arrogance" de l’Union européenne et son désir de stimuler le déroulement de l’élection, ce que le ministre palestinien des Affaires étrangères tente actuellement de faire dans les capitales européennes, elle n’aura aucun problème à garder les urnes sous clé. Ni ses voisins arabes en Égypte, en Jordanie et dans le Golfe, ni les États-Unis ne verront d’inconvénient à un report. La principale préoccupation de l’administration Biden est d’avoir un gouvernement à Ramallah qui reconnaisse Israël, respecte les accords précédents et renonce à la violence.
La possibilité que l’AP et le Fatah utilisent des voies détournées pour tâter le terrain avec le Hamas concernant un éventuel "accord" de report des élections législatives et autres n’est pas à exclure. C’est une chose que le Hamas ne souhaite pas nécessairement, mais à laquelle il ne s’opposera pas s’il reçoit des offres alléchantes de son rival, que ce soit en termes de gouvernement de réconciliation ou de statut du Hamas à Gaza, parallèlement à la liste des exigences bien connues concernant les employés, le partage du pouvoir, la réforme de l’Organisation de libération de la Palestine, etc.
Si le report a lieu en raison du refus d’Israël de laisser les élections palestiniennes se tenir à Jérusalem, elles pourraient ne jamais avoir lieu pendant de nombreuses années, tant que l’AP et certaines factions accepteront de laisser le gouvernement d’extrême droite religieuse et néo-fasciste d’Israël avoir un droit de veto. Ce type de décision répandra la frustration et le désespoir parmi les Palestiniens et poursuivra l’érosion de la légitimité de l’AP, la propagation de l’incurie et le vieillissement des institutions.
Deux éléments suscitent la suspicion et le doute quant au comportement et aux performances de l’AP. Premièrement, elle agit comme si elle avait été prise par surprise par le refus d’Israël d’organiser des élections dans la ville sainte occupée. De plus, elle s’appuie sur le mouvement des prisonniers pour soutenir son désir de reporter les élections.
Tous les scénarios possibles pour les électeurs palestiniens de Jérusalem auraient dû être examinés avant la publication du décret d’élection présidentielle, mais cela n’a pas été le cas. Il n’y a eu que des discussions générales sur la transformation de la question de Jérusalem en une bataille pour défendre la capitale de la Palestine. Ceux qui ont formulé l’initiative des prisonniers auraient dû mieux cacher l’objectif principal de la proposition de report, car les termes de l’initiative elle-même ont révélé qu’elle résultait des divisions au sein du Fatah, et non du refus d’Israël d’autoriser la tenue d’élections à Jérusalem. La principale préoccupation des initiateurs est de retrouver l’unité du mouvement, en impliquant notamment Marwan Barghouti et Nasser Al-Qudwa, et de proposer la tenue des élections palestiniennes à l’américaine, avec Abbas comme président et Barghouti comme vice-président, comme si la politique palestinienne commençait et finissait avec le seul Fatah.
Je pense que la décision de report tuera l’esprit du peuple palestinien, qui a été démontré par l’inscription massive des électeurs - 93,3 % - et le nombre de listes de candidats (36). L’ajournement bloquera l’intérêt dynamique qui pourrait perturber le marécage stagnant de la "dualité" palestinienne. Il pourrait également détruire l’espoir dans l’âme des réfugiés palestiniens et de ceux de la diaspora d’une résurrection imminente de l’OLP.
Tant que l’ordre ancien refusera de partir, le nouveau sera incapable d’émerger, laissant la situation palestinienne se diriger vers une plus grande stagnation.
Traduction : AFPS
>> Retrouvez les autres articles de notre dossier "Regards sur le débat national Palestinien"