C’est une victoire humaine, judiciaire et politique. Un jour qui fera sans doute date dans la lutte contre l’occupation et la colonisation des territoires palestiniens par Israël.
La Cour européenne des droits de l’homme (Cedh) a reconnu, ce 11 juin, que le boycott était un droit citoyen. Le jugement de la Cour de cassation française, qui avait condamné pour ce motif des militants de la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS), tombe donc à l’eau. Et, par là, rend complètement caduque la circulaire dite Alliot-Marie (du nom de celle qui était alors garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy) émise le 12 février 2010, demandant au parquet d’engager des poursuites contre les personnes appelant, ou participant, à des actions de boycott des produits déclarés israéliens et issus des colonies israéliennes en Palestine. La campagne BDS, non violente, a été initiée en 2005 par 170 organisations de la société civile palestinienne.
Une violation du principe de la liberté d’expression
L’affaire était pendante depuis plus de dix ans. Elle opposait à l’État onze militants qui avaient mené des actions d’appel au boycott des produits israéliens dans un supermarché alsacien en 2009 et 2010, en protestation contre la politique israélienne, notamment les crimes commis par son gouvernement contre la population palestinienne de Gaza (en 2008-2009, l’opération « Plomb durci » avait fait plus de 1 500 morts, essentiellement des civils). Relaxés en première instance par le tribunal de Mulhouse en 2011, ces hommes et ces femmes avaient été condamnés par la cour d’appel de Colmar en 2013, avant que la Cour de cassation ne confirme ce jugement en octobre 2015. Les militants concernés avaient alors formé un recours auprès de la Cedh en mars 2016.
L’arrêt de la Cedh, pris à l’unanimité, affirme que le jugement de la cour d’appel de Colmar et sa confirmation par la Cour de cassation constituent une violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui établit le principe de la liberté d’expression et en limite les restrictions à des cas précis. Elle invalide l’assimilation abusive d’une campagne citoyenne à motivation politique avec une quelconque discrimination économique, assimilation qui aurait scandaleusement limité le champ d’action des combats citoyens.
Une critique pacifique ne vaut pas antisémitisme
Comme le rappelle Taoufiq Tahani, président d’honneur de l’Association France- Palestine Solidarité (AFPS), totalement engagée dans la campagne BDS :
Israël a mobilisé d’énormes moyens humains et financiers pour faire taire la BDS. Cette décision est un démenti cinglant aux organisations qui se font, en France, le relais de la politique israélienne en attaquant la liberté d’expression et le droit d’action citoyenne.
La Ligue des droits de l’homme (LDH), en France, et la Ligue internationale des droits de l’homme (Fidh), qui s’étaient jointes au recours, estiment que « cette décision met en évidence que la critique des autorités israéliennes et l’usage de moyens pacifiques pour s’opposer à leur politique ne sauraient être confondus avec une manifestation d’antisémitisme ».
Enfin, actuel président de l’AFPS, Bertrand Heilbronn rappelle que
à l’heure où l’État d’Israël se prépare, avec le projet d’annexion d’une grande partie de la Cisjordanie, à franchir un nouveau pas dans la violation du droit, l’action des citoyens porte aussi une exigence vis-à-vis des États pour qu’ils s’engagent enfin dans la voie des sanctions. C’est la condition d’un avenir fondé sur le droit et le respect de l’autre.