Photo : Des familles font la queue pendant des heures pour un repas chaud à Deir al Balah, 16-02-24 © UNRWA
La décision rendue jeudi 27 mars est une preuve supplémentaire que le système judiciaire israélien - qui n’a jamais servi d’outil de justice pour les Palestiniens - fonctionne comme un élément d’un système auquel participent toutes les institutions de l’État, qu’il s’agisse du gouvernement israélien, de l’armée et des autres forces de sécurité, des poursuites militaires, des tribunaux ou des médias. Toutes ces institutions violent de manière flagrante les normes juridiques et humanitaires internationales en commettant des crimes contre les Palestiniens, en aidant à la commission de ces crimes en coordonnant leurs activités et/ou en fournissant une fausse couverture juridique.
La Cour suprême israélienne a explicitement et directement légitimé le blocus illégal de la bande de Gaza par Israël. Ce blocus a privé de nourriture, d’eau, de médicaments, de carburant et d’électricité plus de deux millions de personnes, dont la moitié sont des enfants, pendant près de 18 mois. Parallèlement, les organisations de défense des droits de l’homme ont averti que le refus d’Israël de laisser entrer l’aide humanitaire et les produits de base dans l’enclave pendant plus de trois semaines consécutives a accéléré la famine dans la bande et entraîné la mort de nourrissons par inanition. L’un des exemples les plus évidents de la complicité de toutes les institutions de l’État israélien dans le crime de génocide est l’utilisation de la famine comme arme déclarée contre les Palestiniens de la bande de Gaza, qui est maintenant devenue une politique officielle par le biais d’une décision « politique » validée par une décision de justice.
Pour étayer sa décision, le tribunal israélien a utilisé l’argument selon lequel l’État d’Israël est exempté des obligations d’occupation belligérante prévues par le droit international dans tous les cas concernant la bande de Gaza. Cela constitue une violation flagrante des normes juridiques internationales établies qui sont reconnues comme s’appliquant au territoire palestinien occupé. Elle va également à l’encontre de l’avis consultatif de 2024 de la Cour internationale de justice et viole gravement les décisions de la CIJ dans l’affaire du génocide sud-africain contre Israël.
La quatrième convention de Genève, qui s’applique au territoire palestinien occupé, y compris la bande de Gaza, est gravement violée par la récente décision du tribunal israélien. La puissance occupante est tenue par la Convention de fournir de la nourriture et des fournitures médicales à la population occupée. Elle est également tenue de permettre les opérations de secours au profit de ces populations au cas où les ressources locales seraient insuffisantes, et de permettre l’approvisionnement des installations, y compris celles menées par des États ou des organisations humanitaires, en particulier celles qui concernent l’aide alimentaire, l’habillement et les fournitures médicales.
Euro-Med Monitor souligne que cette décision constitue un mépris flagrant des arrêts de la Cour internationale de justice dans l’affaire du génocide entre l’Afrique du Sud et Israël. En janvier et mars 2024, la Cour a demandé à Israël de prendre des mesures rapides et décisives pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et des services de base essentiels afin d’atténuer les terribles circonstances auxquelles sont confrontés les Palestiniens dans la bande de Gaza. En coordination avec les Nations unies, ces mesures comprennent la fourniture de nourriture, d’eau, d’électricité, de carburant, d’abris, d’aide humanitaire, de vêtements, de produits d’hygiène et d’assainissement, ainsi que de fournitures médicales et de soins médicaux aux Palestiniens de la bande de Gaza, notamment en augmentant le nombre et la capacité des points de passage terrestres et en les maintenant ouverts aussi longtemps que possible.
La Cour internationale de justice a affirmé que les actions d’Israël dans la bande de Gaza constituaient une menace réelle et immédiate de génocide pour le peuple palestinien qui s’y trouve, ainsi que la possibilité de dommages irréversibles et de violations des droits des Palestiniens à être protégés contre le génocide en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Le raisonnement du tribunal israélien est donc en opposition directe avec l’avis consultatif émis le 19 juillet 2024 par la Cour internationale de justice, la plus haute juridiction du monde. La CIJ a affirmé sans équivoque que les obligations juridiques d’Israël n’ont pas pris fin avec son retrait militaire de la bande de Gaza en 2005, car Israël maintient toujours un contrôle effectif sur des zones clés de la bande, telles que la zone tampon, les frontières terrestres, maritimes et aériennes, les restrictions sur la circulation des personnes et des biens, et le contrôle fiscal. Depuis le 7 octobre 2023, ce contrôle est devenu beaucoup plus intense. En conséquence, Israël continue d’être la force occupante conformément au droit international et est responsable de la fourniture de l’aide humanitaire et d’autres nécessités à la population civile dans la bande de Gaza.
Le rejet de ces préceptes juridiques fondamentaux par le tribunal israélien n’est pas seulement une erreur de lecture ; il s’agit plutôt d’une intervention judiciaire délibérée visant à nier l’existence de l’occupation israélienne et à saper les lois qui protègent les droits des personnes qui y sont soumises. Considérée dans le cadre plus large de la complicité institutionnelle qui contribue à permettre et à réaliser le crime de génocide d’Israël contre le peuple palestinien, cette intervention transforme le système juridique international d’un outil de protection en une couverture pour l’impunité.
Israël a un devoir légal envers le peuple qu’il gouverne, et ce devoir va au-delà de sa relation légale avec le territoire. Il s’agit plutôt d’une obligation inébranlable de faire respecter et de défendre les droits de l’homme et les principes du droit international de préemption en toutes circonstances. Les responsabilités d’Israël en vertu des conventions fondamentales sur les droits de l’homme, telles que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention relative aux droits de l’enfant et d’autres instruments internationaux, vont au-delà des règles du droit de l’occupation et comprennent des obligations relatives à la prévention de la famine de la population et à l’autorisation de l’entrée de l’aide humanitaire. Indépendamment du statut juridique d’un État en vertu du droit international, le contrôle effectif qu’il exerce sur un territoire sert de fondement à sa responsabilité juridique pour les actions qui ont un impact sur les résidents de ce territoire.
La présence d’un état d’occupation n’annule pas à elle seule les obligations d’une puissance occupante d’empêcher la population occupée de vivre dans des conditions inférieures aux normes ou de souffrir d’une grave atteinte à son intégrité physique ou mentale.
Au contraire, ces devoirs sont mis en œuvre par des normes préventives du droit international coutumier, telles que l’interdiction absolue des crimes contre l’humanité, comme l’apartheid et le génocide. Que ce soit en temps de paix ou de conflit, ces normes exigent de tous les États qu’ils respectent ces droits et garantissent leur protection à tout moment.
Tous les Palestiniens de la bande de Gaza connaissent une situation humanitaire désastreuse, en particulier depuis la reprise, le 18 mars, de la campagne génocidaire israélienne d’assassinats directs dans la bande de Gaza. Cela se produit alors qu’Israël utilise d’autres outils de génocide contre la population de la bande de Gaza depuis un an et demi maintenant. Ces outils comprennent la famine, le blocus, la privation de pratiquement tous les moyens de survie, de graves souffrances physiques et psychologiques, et l’imposition de conditions de vie destructrices, qui visent toutes à détruire le peuple palestinien de la bande.
Non seulement la situation actuelle dans la bande de Gaza viole les obligations légales d’Israël, mais elle remet aussi directement en question le respect par tous les autres États de leurs propres obligations, que ces États soient directement impliqués dans le génocide ou qu’ils n’aient pas agi de manière décisive pour arrêter Israël s’ils étaient en mesure de le faire. La quatrième convention de Genève, la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et le droit international coutumier lient tous ces États. Ces règles exigent des États qu’ils travaillent activement à la prévention des génocides et qu’ils s’abstiennent de toute action qui facilite, encourage ou ouvre la porte à leur survenance.
La communauté internationale doit cesser d’asservir le peuple palestinien à un État qui utilise toutes ses institutions officielles pour détruire leurs vies, les chasser de leurs terres et menacer leur identité nationale commune. En raison de son incapacité, depuis des décennies, à faire respecter le droit international et à l’appliquer équitablement et sans discrimination à l’égard des Palestiniens, la communauté internationale est directement responsable de la réalité désastreuse à laquelle les Palestiniens sont confrontés aujourd’hui, où qu’ils se trouvent. Cet échec révèle les fondements biaisés sur lesquels le système international a été établi, car ce système a privé les Palestiniens de leurs droits les plus fondamentaux, en particulier de leur droit à l’existence.
Tous les États doivent assumer leurs obligations juridiques individuelles et collectives et agir rapidement pour mettre fin au génocide dans la bande de Gaza. Ils doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les civils palestiniens, c’est-à-dire mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour forcer Israël à lever immédiatement et totalement le blocus, permettre la libre circulation des personnes et des biens, ouvrir tous les points de passage sans conditions arbitraires et prendre des mesures décisives pour protéger les Palestiniens contre les déplacements forcés et les assassinats rapides ou au ralenti. Cela implique de lancer une réponse immédiate pour répondre aux besoins urgents et pertinents de la population, par exemple en offrant des logements temporaires appropriés aux personnes déplacées.
La communauté internationale doit imposer des sanctions économiques, diplomatiques et militaires à Israël en raison de ses violations systématiques et graves du droit international. Ces sanctions, qui augmenteront la pression sur Israël pour qu’il mette fin à ses crimes contre les Palestiniens, devraient inclure l’interdiction des exportations d’armes vers Israël, l’arrêt de la coopération militaire avec Israël, le gel des avoirs financiers des fonctionnaires impliqués dans les crimes contre les Palestiniens et la suspension des privilèges commerciaux et des accords bilatéraux qui confèrent à Israël des avantages économiques.
En plus d’agir pour mettre fin aux politiques israéliennes qui violent les principes humanitaires les plus fondamentaux et mettent en danger la vie de millions de civils, les États parties à la quatrième convention de Genève devraient remplir leur devoir, en vertu de l’article 1 commun, de faire respecter et de garantir l’adhésion à la convention en toutes circonstances.
La Cour pénale internationale doit émettre des mandats d’arrêt à l’encontre des responsables israéliens impliqués dans les crimes internationaux commis dans la bande de Gaza et accélérer les enquêtes en cours. En outre, la Cour devrait reconnaître et traiter spécifiquement les crimes d’Israël comme un génocide. Les États parties au Statut de Rome doivent remplir leurs obligations légales en aidant la Cour de toutes les manières possibles, en s’assurant que les mandats d’arrêt contre les responsables israéliens sont exécutés, en traduisant ces responsables devant la justice internationale et en s’assurant de mettre fin à la politique d’impunité qui a été accordée à ces responsables jusqu’à présent.
Outre le respect de ses obligations juridiques, la communauté internationale doit prendre des mesures immédiates pour mettre fin aux causes profondes des souffrances et des persécutions endurées par le peuple palestinien au cours des 76 dernières années : l’occupation israélienne et le colonialisme de peuplement dans le territoire palestinien occupé. La communauté internationale doit contraindre Israël à garantir le droit des Palestiniens à vivre dans la liberté, la dignité et l’autodétermination, conformément au droit international ; à démanteler le système d’apartheid et d’isolement imposé aux Palestiniens ; à lever le blocus illégal de la bande de Gaza ; à tenir les auteurs et les alliés israéliens pour responsables et à les poursuivre ; et à garantir le droit des victimes palestiniennes à l’indemnisation et à la réparation.
Traduction : AFPS