Le 23 janvier lors de son assemblée plénière, la CNCDH (Commission nationale consultative des Droits de l’homme) a adopté à l’unanimité une déclaration par laquelle elle appelle la France à montrer l’exemple et à prendre des actions concrètes pour faire respecter le droit international humanitaire et la préservation de l’espace humanitaire (D – 2025 – 1).
Des initiatives aux actes
Dans cette déclaration la CNCDH – l’instance consultative de mise en œuvre du droit – énonce quinze recommandations qui reviennent essentiellement à exhorter la France à montrer la détermination politique et les convictions nécessaires pour honorer les valeurs du droit international humanitaire, et les faire respecter par les autres États.
Le premier pilier de ce droit se fonde sur la volonté politique. C’est en s’engageant à long terme, au-delà de positions conjoncturelles, d’opportunités politique ou diplomatique, en prônant une culture qui considère les droits humains, l’état de droit et le droit international, que pourra se développer un environnement propice au respect des règles de droit.
La France a su être à l’origine – avec cinq autres États [1], le Comité international de la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge – d’une initiative mondiale pour adopter en octobre 2024 la résolution « instaurer une culture universelle de respect du droit international humanitaire ».
Il est pourtant aisé de constater que les règles fondamentales du droit international humanitaire bien qu’elles soient ratifiées et contenues dans les traités internationaux – telles les Conventions de Genève [2] – sont violées de façon régulière et massive. Les textes et les mots ne suffisent pas. Dans ce domaine, ce sont les actes et le courage politique qui font la différence.
Dans ses recommandations, la CNCDH demande à la France d’assumer un rôle de force de propositions, de partager les « bonnes pratiques » et d’afficher un soutien indéfectible au droit international humanitaire : par des actions concrètes, entrant en particulier « dans le cadre du processus devant mener à une conférence des Hautes parties contractantes à la Convention IV de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre qui aura lieu en mars 2025 et qui sera consacrée aux mesures à prendre pour faire appliquer la Convention dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est » (déclaration CNCDH alinéa 4) et l’illicite de la présence d’Israël dans le TPO [3].
De l’acceptation à la pratique
Certes des engagements financiers sont pris lors de conférences (Gaza, Liban…) mais ces engagements doivent aussi couvrir le respect du droit. C’est-à-dire qu’il faut - réellement - que tout soit mis en œuvre pour prévenir et faire cesser les violations. Ce qui inclut l’obligation de rechercher, poursuivre et condamner les auteurs présumés d’infractions graves quelle que soit leur nationalité, qualité, ou fonction… Dès lors, déclarer qu’un chef de gouvernement, frappé d’un mandat d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, pourrait bénéficier d’une immunité est contraire à cette obligation, en plus d’être en contradiction avec la jurisprudence nationale. La CNCDH « appelle la France à formellement retirer sa déclaration du 27 novembre 2024 » (recommandation no 3), alors que depuis, pour se rendre aux USA, M. Netanyahou a pu survoler le ciel de France sans être inquiété.
De même, il est demandé à la France de mettre le droit français en conformité avec le Statut de la CPI et de supprimer les freins à la mise en œuvre de la compétence universelle (recommandation no 4), ainsi qu’il lui est demandé, de lever la réserve formulée sur la coopération internationale pour les enquêtes et poursuites des crimes contre l’humanité, de génocide, de guerre et autres crimes internationaux (recommandation no 5).
Enfin il est souligné qu’un État ayant ratifié la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide engagerait sa responsabilité s’il manquait « manifestement de mettre en œuvre des mesures de prévention à sa portée, qui pourraient contribuer à l’empêcher ». Concernant les mesures conservatoires ordonnées par la CIJ, la CNCDH exhorte la France à ne pas être en contradiction avec ses obligations (recommandation no 7) et lui recommande « de suspendre tout transfert d’armes à destination de tout État… s’il existe le moindre doute quant à une utilisation de celles-ci non conforme au droit international » (recommandation no 8)
Pour clôturer sa déclaration la CNCDH rappelle que pour exercer sa compétence la Commission doit avoir fait l’objet d’une déclaration (art 90 du Protocole additionnel I). À ce jour 76 États ont formulé cette déclaration. Il ne manque pour l’Europe que la Lettonie et la France, qui semble donc avoir oublié de donner mandat d’enquêter sur tout fait prétendu être une infraction grave ! Sauf à vouloir les faciliter ?
Nous attendons de la France qu’elle ajuste ses dires et ses actes, en sortant du « en même temps » cher à M. Macron.
Mireille Sève
Photo : Manifestation de la Grande Marche du Retour, bande de Gaza, 13 avril 2018 © Mohammed Zaanoun/Activestills