« J’ai beaucoup évolué sur
la question du mur de
séparation (...). Même si
moralement et éthiquement pour moi ce
mur posait problème, quand j’ai su qu’il
y avait 80% d’attentats en moins là où
se dresse ce mur, j’ai compris que je
n’avais plus le droit de penser cela visà-
vis des Israéliens ». Ces propos, prêtés
au ministre français des Affaires étrangères
qui les aurait tenus le 19 octobre
sur TFJ, n’ont pas été démentis. Au
contraire ; nuançant par la suite son affirmation,
assurant qu’il était opposé à un
mur par principe, il a cependant réaffirmé
que celui-ci contribuerait à la sécurité
israélienne. Comment ne pas lire ces
déclarations comme un tournant extrêmement
grave de la politique française,
non pas seulement vis-à-vis du peuple
palestinien et de la politique coloniale
israélienne que la France a toujours, officiellement,
condamnée, mais aussi vis-à-vis du droit international et des obligations
internationales de notre pays ?
Les obligations internationales de la France
La Cour internationale de justice, plus
haute instance judiciaire des Nations
unies, a en effet rendu un avis clair le 9
juillet 2004 sur ce réseau de murs qu’érige
Israël en profondeur à l’intérieur des territoires
palestiniens occupés. Elle stipule
que son tracé consacre sur le terrain
les mesures illégales prises par Israël et
déplorées par le Conseil de sécurité de
l’ONU en ce qui concerne Jérusalem et
les colonies de peuplement. Selon l’avis
de la Cour, sa construction doit s’interrompre,
les tronçons déjà construits doivent
être démantelés et les Palestiniens
lésés doivent être indemnisés. La CIJ a
également tenu à rappeler aux Etats
membres de l’Onu leurs obligations internationales,
pour que le droit soit respecté.
Le 20 juillet 2004, l’Assemblée
générale des Nations unies a adopté ces
recommandations, notamment avec les
voix des 25 Etats membres de l’Union
européenne, adoptant une résolution qui
exige qu’Israël, puissance occupante,
s’acquitte de ses obligations juridiques
telles qu’elles sont énoncées dans l’avis
de la Cour.
La France ne peut s’aviser de ne plus
reconnaître le droit international et de
renoncer à ses obligations. Car une telle
réorientation la placerait de facto hors de
la légalité internationale, en infraction
grave avec ses obligations d’Etat membre
des Nations unies et qui plus est de son
conseil de sécurité.
Sécurité ?
En outre, faut-il le rappeler, le réseau
de murs constitue le vecteur privilégié
de la colonisation israélienne en Palestine
occupée. Il n’est pas une barrière
de séparation des territoires palestiniens
avec Israël, mais il isole des enclaves
palestiniennes entre elles en territoire
occupé. Et le gouvernement israélien ne
fait pas mystère de son souhait de définir
unilatéralement et illégalement les
frontières israéliennes le long de ces
murs, à l’horizon 2010. Sécurité ?
L’ensemble des organisations palestiniennes
respecte depuis plusieurs mois
une trêve unilatérale, alors même qu’Israël
refuse de renoncer à la violence. Mais surtout,
peut-on considérer l’occupation
d’un territoire et la violation du droit
d’un peuple à l’autodétermination comme
sources de sécurité ? Ce n’est pas la
répression qui garantit la paix, mais la
paix, fondée sur le droit, qui peut garantir
la sécurité.
Des allégations graves d’une candidate
De son côté, Ségolène Royal, candidate
socialiste à la présidentielle, a affirmé lors
d’un séjour en Israël, au cours duquel
elle a rencontré Ehud Olmert ainsi que
les ministres israéliens des Affaires étrangères
Tzipi Livni et de la Défense Amir
Peretz, que la construction du mur « est
sans doute justifiée » quand « c’est nécessaire
pour la sécurité ». Elle a reconnu
cependant qu’« il y a un problème sur
le tracé de ce mur ». Ségolène Royal,
qui a rencontré le président palestinien
Mahmoud Abbas, a par ailleurs refusé
tout contact avec des responsables du
Hamas, en dépit de ses déclarations les
jours précédents au Liban, favorables
au dialogue et en particulier avec ceux
qui bénéficient de la légitimité des urnes.
Et elle s’est prononcée pour des sanctions
contre le nucléaire iranien.
Pour sa part, le 23 octobre, l’AFPS a
demandé au ministre des Affaires étrangères
de démentir ses propos. Elle a également
demandé au Premier ministre et
au Président de la République de les
dénoncer et d’en tirer les conclusions
qui s’imposent. La diplomatie française
ne peut s’accommoder de telles assertions
contraires au droit international. Il en
va de la politique française au Proche-
Orient, mais également de la crédibilité
internationale de notre pays.
I.A.