Cette double question méritait bien tout un livre, tant est dense et lourde cette histoire relationnelle mouvementée de la France avec le Moyen-Orient. Tout s’y mêle et tout se conjugue pour faire de ce rapport avec le conflit israélo-palestinien un cocktail explosif : la « question juive » et la responsabilité de la France dans l’Holocauste, les intérêts coloniaux, le rapport au monde arabe et à l’islam, sans oublier la rivalité impériale avec l’Angleterre pendant toute la première moitié du XX e siècle... C’est qu’en effet la France est le pays européen qui a sur son territoire la plus forte population juive et la plus forte population arabe.
Au moment du retour en force des replis identitaires et de la pensée essentialiste là-bas et ici, en l’absence d’une perspective d’un règlement politique, l’impact du conflit en France ne peut qu’être déstabilisant. Denis Sieffert, qui connaît bien les mécanismes de la désinformation mise en place par les partisans de Sharon en France [1], se devait de faire un retour en arrière et de faire œuvre d’historien politique en remontant aux origines du conflit pour, si on peut dire, rafraîchir la mémoire de tous. Il peut alors mieux retracer l’itinéraire politique et idéologique traversé par la société française et ses différentes composantes pour déboucher sur la situation actuelle. Sa contribution sur le sionisme en France, sur le tournant de 1967, sur l’évolution du parti socialiste, est particulièrement bien venue ; on aurait aimé plus de précisions sur l’évolution de la mouvance communiste et sur les contradictions du monde chrétien confronté à une nouvelle étape de la question juive...
Le mouvement de solidarité en France est plutôt bien présenté à un moment où il est soumis à des pressions externes (rapport Rufin) et à des tensions internes. Ce livre sort à point pour présenter à un public large les enjeux que représente le conflit israélo-palestinien, tant pour l’avenir de la paix dans le monde que pour la société française elle-même. Un livre pionnier à sa manière, qui sera utile pour participer à l’incontournable débat franco-français sur ce conflit qui pèsera toujours plus dans notre propre société.
Bernard Ravenel