Malgré le changement de gouvernement intervenu il y a six mois, qui a libéré les Israéliens de l’emprise vociférante et incitative du pouvoir de Benjamin Netanyahu, l’année 2021 semble avoir été une année de plus de la même chose, sur tous les fronts.
L’armée de l’air israélienne (IAF) a continué à attaquer des magazines et d’autres cibles en Syrie, non seulement sans aucune difficulté, mais très probablement avec l’encouragement tacite du président russe Vladimir Poutine. Il est clair pour les observateurs israéliens, syriens, iraniens et occidentaux que Poutine souhaite que la présence de l’Iran sur le sol syrien et son soutien au Hezbollah libanais cessent.
Les dernières frappes israéliennes en Syrie, qui auraient ciblé cette semaine des sites iraniens dans la ville portuaire de Lattaquié - la plaque tournante des troupes russes en Syrie - en sont la preuve. Les défenses aériennes syriennes n’ont pas réagi, ce que Moscou a expliqué mercredi par la présence d’un avion russe à proximité.
Un calme relatif est également maintenu à la frontière israélo-libanaise, preuve que la dissuasion fonctionne des deux côtés. Le Hezbollah, qui a été affaibli par les troubles politiques, sociaux et économiques du Liban, n’a aucune intention de se laisser entraîner dans une guerre avec Israël. De son côté, Israël est dissuadé par les 140 000 roquettes et missiles du Hezbollah qui peuvent frapper presque n’importe quel point d’Israël, qu’il s’agisse d’une cible militaire ou civile.
Les tambours de guerre iraniens
Mais alors que l’année 2021 arrive à sa date d’expiration, les dirigeants et les chefs militaires israéliens battent à nouveau, comme dans un rituel religieux, les tambours de guerre contre l’Iran. Cela vise à donner l’impression que la menace nucléaire iranienne est le sujet le plus urgent et le plus troublant à l’ordre du jour israélien cette année qui passe.
La vérité, cependant, est que le bellicisme israélien contre l’Iran ne sert que de leurre pour deux objectifs nationaux. Le premier est d’améliorer l’image de l’armée israélienne et de prouver sa vitalité afin d’exiger l’augmentation du budget de l’armée. Et en effet, malgré la pandémie de Covid -19, qui entraîne une baisse du niveau de vie de nombreux Israéliens, le seul secteur qui a arraché une augmentation budgétaire au cabinet politiquement fragile est le puissant établissement militaire et de sécurité. Son budget a augmenté de 3 milliards de dollars supplémentaires, tandis que les services de la santé, de l’éducation, de la protection sociale, de l’industrie, du tourisme, des sports et de la culture ont été réduits.
Le deuxième objectif du dénigrement rhétorique de l’Iran par Israël est de dissimuler le défi le plus important auquel est confronté l’État juif : la question palestinienne.
En apparence, l’année 2021 a également été relativement calme sur les fronts de la Cisjordanie et de Gaza. Le statu quo, qui se traduit par l’occupation, l’expansion des colonies israéliennes et la poursuite de la coopération en matière de sécurité entre Israël et l’Autorité palestinienne, a été encore cimenté. Ce qui a également contribué à renforcer le sentiment d’invincibilité d’Israël, c’est l’accélération de l’amélioration des relations avec les EAU, le Bahreïn et le Maroc. Il y a des ambassades à Tel Aviv, à Abu Dhabi, à Rabat et à Bahreïn, des ciels ouverts aux touristes, des liens économiques renforcés et une coopération accrue dans le domaine militaire et du renseignement.
Même les violences du mois de mai - qui ont vu des raids israéliens sur la mosquée al-Aqsa, des tirs de roquettes du Hamas sur Jérusalem, des émeutes dans les villes mixtes israélo-palestiniennes en Israël et des bombardements à Gaza - se sont calmées après une semaine environ et une sorte de stabilité a repris. Mais ces dernières semaines doivent servir d’avertissement à la partie israélienne et d’indication de ce que pourrait être la réalité dans l’année à venir.
Une instabilité croissante
On espérait que le nouveau gouvernement, dirigé par Naftali Bennet avec une présence significative de politiciens modérés de droite, de centristes et de gauche dans son cabinet, apprivoiserait les colons israéliens ultra-nationalistes. Mais c’est exactement le contraire qui se produit.
Au cours des deux derniers mois, les colons israéliens en Cisjordanie occupée ont de plus en plus harcelé des Palestiniens innocents. Des oliviers ont été coupés et des jeunes sont entrés dans des villages pour provoquer les Palestiniens locaux. Dans de nombreux cas, leurs voitures ont été endommagées et des personnes ont été agressées. Tous ces incidents ont lieu sous le nez des forces de sécurité israéliennes qui ferment les yeux et permettent aux foules d’exercer leurs attaques violentes.
Il est certain que ce comportement israélien contribue à l’augmentation du nombre de cas dans lesquels des Palestiniens ont utilisé des armes à feu pour attaquer des colons et les forces de sécurité israéliennes. Quoi qu’il en soit, on pense que le Hamas est à l’origine de certains de ces incidents, qu’Israël considère comme une tentative de créer un fossé entre lui et l’Autorité palestinienne (AP) et de mettre fin à la coopération en matière de sécurité entre les deux parties.
Je ne suis ni joueur ni prophète, mais je vais prendre le risque et la liberté d’estimer que 2022 ne verra pas de guerre entre l’Iran et Israël ni entre Israël et le Hezbollah. Il n’y aura pas non plus de guerre totale avec le Hamas, si ce n’est des escarmouches sporadiques.
La grande inconnue est ce qui se passera en Cisjordanie. Deux évolutions majeures peuvent faire basculer le statu quo. Ils dépendent de la santé du roi Salman d’Arabie saoudite, vieillissant, et du président palestinien Mahmoud Abbas.
Si le roi saoudien, âgé de 85 ans et rarement vu en public, meurt et est remplacé par son prince héritier, Mohammed bin Salman, on peut s’attendre à ce que le royaume rende publiques ses relations avec Israël et noue des liens diplomatiques et commerciaux officiels, en plus de l’accord secret en matière militaire et de renseignement qui bat son plein. Mais en même temps, contrairement aux dirigeants des Émirats arabes unis et de Bahreïn, on peut s’attendre à ce que Mohammed bin Salman doive exiger comme condition préalable qu’Israël fasse des concessions et fasse avancer les pourparlers de paix avec l’Autorité palestinienne.
Si Abbas, 86 ans, meurt, l’AP sera confrontée à une âpre lutte pour le pouvoir, et une direction collective, dont l’ambitieux Mohammed Dahlan fait partie, émergera au moins pour un certain temps.
Néanmoins, les dirigeants et les chefs de la sécurité israéliens savent très bien que le statu quo en Cisjordanie est illusoire.
Traduction : AFPS