Photo : Réinstallation du campement de solidarité pour Gaza sur le campus de l’université de Columbia pour le 4ème jour, 21 avril 2024 © عباد ديرانية
L’université d’État de San Francisco, en Californie, a entamé le processus de désinvestissement de quatre fabricants d’armes actuellement impliqués dans la guerre d’Israël contre Gaza, dans un geste que les activistes décrivent comme une "grande victoire" pour la défense des droits des Palestiniens aux États-Unis.
L’annonce de Students for Gaza SFSU intervient à un moment crucial pour le mouvement étudiant en faveur de la Palestine, alors que plusieurs universités à travers le pays cherchent à punir et à dissuader les étudiants de relancer l’action pro-palestinienne sur les campus, et que des entreprises de réseaux sociaux comme Meta cherchent à censurer l’activisme pro-palestinien des groupes d’étudiants sur leurs plates-formes.
En début de semaine, l’Université de New York (NYU) a inclus la critique du sionisme dans sa liste de discours haineux, une décision qui devrait avoir un effet dissuasif sur le militantisme ciblant Israël. À l’université du Michigan, plusieurs étudiants ont été violemment arrêtés alors qu’ils organisaient un sit-in sur le campus.
Selon les militants, la décision de désinvestir de Palantir Technologies, une société américaine d’analyse de données, du fabricant d’armes Lockheed Martin, de Leonardo, une multinationale italienne de défense, ainsi que du fabricant d’équipements de construction Caterpillar - des sociétés décrites par l’American Friends Service Committee (AFSC) comme "profitant du génocide de Gaza" - fait suite à des mois de protestations et d’actions de plaidoyer appelant l’université à retirer ses investissements des portefeuilles qui tirent profit du préjudice causé aux Palestiniens.
Ces demandes s’inscrivent dans le cadre d’un mouvement étudiant national qui appelle les universités à divulguer et à désinvestir des entreprises qui profitent de l’occupation israélienne des terres palestiniennes et de la guerre actuelle contre Gaza.
Noam Perry, coordinateur de la recherche stratégique à l’AFSC, a déclaré à Middle East Eye que cette décision était importante pour diverses raisons, mais surtout pour "le processus de transformation qu’a connu l’université et la position morale qu’elle a adoptée" pour prendre sa décision de changer d’orientation en matière d’investissements.
"Ce n’est pas que l’université ait décidé de se désinvestir de ces quatre entreprises. C’est qu’elle a décidé d’adopter une nouvelle politique d’investissement éthique et, lorsqu’elle a examiné ses investissements directs sous ce nouvel angle, ce sont ces entreprises qui ont été signalées. La politique de l’université vise donc à empêcher celle-ci d’investir directement dans ces entreprises et dans d’autres entreprises similaires à l’avenir."
"Pour autant que je sache, il s’agit du processus le plus sérieux qu’une université américaine ait eu jusqu’à présent pour répondre aux demandes de désinvestissement de son campement d’étudiants", a déclaré M. Perry, ajoutant que l’université avait démontré qu’elle respectait l’opinion des étudiants sur la manière dont elle investissait son argent.
Jeudi, les étudiants de l’université ont tenu une conférence de presse et un rassemblement sur la place Malcolm X du campus, où ils ont annoncé la nouvelle à leurs camarades.
Dans une déclaration publiée par Students For Gaza, le groupe à l’origine de la campagne de désinvestissement, la cohorte a déclaré que l’université avait rédigé un nouveau texte qui institutionnaliserait cette mesure dans le cadre d’un engagement plus large à se désinvestir d’autres entreprises qui violent les droits humains.
Le groupe a déclaré que la nouvelle formulation serait ajoutée à la déclaration de politique d’investissement et qu’elle serait axée sur les droits humains.
En avril et en mai de cette année, des étudiants ont installé un campement à la SFSU, dans le cadre de l’appel national lancé aux étudiants pour qu’ils exigent des universités qu’elles se désengagent des entreprises considérées comme complices de la guerre d’Israël contre Gaza.
À la SFSU, le campement organisé par Students for Gaza a duré trois semaines.
L’université a ensuite organisé des négociations publiques avec les étudiants - la première du pays à le faire.
À la fin du semestre, les accords initiaux avec l’administration ont été acceptés et les dirigeants étudiants, les professeurs, les observateurs et l’administration ont rejoint un groupe de travail estival chargé d’examiner les politiques d’investissement de l’université.
Le groupe de travail a également été rejoint par des partenaires communautaires de l’AFSC, une organisation qui documente la complicité des entreprises et travaille sur des campagnes de désinvestissement.
Max, porte-parole de Students for Gaza, a expliqué à MEE que les étudiants avaient initialement démantelé les campements " dans le but de continuer à s’organiser et à travailler tout au long de l’été pour répondre à nos demandes ".
"Nous avons pu obtenir que nos demandes soient satisfaites, y compris un désinvestissement de la fabrication d’armes et un site web qui divulgue des informations claires sur nos investissements ", a déclaré Max, qui n’a donné que son prénom.
Selon l’AFSC, les quatre entreprises visées sont directement impliquées dans la guerre d’Israël contre Gaza, qui a entraîné la mort de plus de 40 000 Palestiniens depuis octobre 2024.
M. Perry a déclaré que si Lockheed Martin, l’un des plus grands fabricants d’armes au monde, a fourni des F16 et des F35 à l’armée de l’air israélienne, le fabricant d’armes italien Leonardo a fourni à la marine israélienne des canons de 76 mm qui ont ciblé Gaza depuis la mer.
La société Palantir Technologies, basée à Denver, a aidé Israël à établir des "listes de personnes à abattre", tandis que Caterpillar, tristement célèbre pour ses bulldozers blindés D9, est depuis longtemps la cible des activistes palestiniens en raison de son rôle dans la démolition de maisons et d’infrastructures civiles palestiniennes.
"Ces bulldozers ont également joué un rôle crucial dans l’invasion terrestre de la bande de Gaza par Israël, en accompagnant les troupes de combat et en leur ouvrant la voie en dégageant les routes et en rasant des quartiers résidentiels entiers", a ajouté M. Perry.
Malgré ce succès, M. Perry estime qu’il reste encore beaucoup à faire à l’université.
"Il est important de noter que le désinvestissement de Palantir et de Caterpillar n’est pas dû à l’engagement de la SFSU de désinvestir des fabricants d’armes, mais aux autres parties de la politique d’investissement de l’université, qui prend désormais en compte les droits humains internationalement reconnus, en plus des engagements antérieurs de l’université en faveur de la justice raciale et des questions environnementales", a déclaré M. Perry.
La SFSU n’a pas répondu immédiatement à la demande de commentaire de MEE.
Traduction : AFPS