"Le train palestinien est désormais en route pour New York." C’est ainsi que Saeb Erekat a rejeté toute proposition de négociations avec Israël. Présent mercredi à Doha, au Qatar, pour une réunion du comité de suivi arabe visant à régler les derniers détails d’une demande de création d’un État palestinien, le chef des négociateurs en a profité pour réaffirmer sa détermination à solliciter "l’adhésion totale à l’ONU de l’État palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale", en septembre.
Résolu à ne rien concéder à son voisin, il y a à peine trois mois, devant le Congrès américain, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s’est pourtant dit prêt à discuter des frontières avec les Palestiniens sur la base des propositions du président Obama. C’est en tout cas ce qu’indiquent depuis lundi des responsables israéliens ayant requis l’anonymat. "Nous parlons du second discours d’Obama, affirmant que la frontière à négocier ne sera pas celle qui prévalait en 1967", a souligné mardi l’un d’entre eux.
"Pure rhétorique israélienne"
Autrement dit, toute négociation avec l’Autorité palestinienne se baserait sur deux pays avec des colonies et Jérusalem-Est toujours propriétés de l’État juif. Mais cette concession israélienne ne se fait pas sans condition. "L’idée, c’est que les Palestiniens renoncent à leur projet d’agir unilatéralement à l’ONU", a ajouté ce même responsable. En d’autres termes, Israël ne souhaite pas que l’Autorité palestinienne demande la création d’un État lors de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre. Difficile ainsi de ne pas établir de lien entre la nouvelle proposition israélienne et la tenue mercredi et jeudi de la réunion de Doha.
"Par cette proposition, Israël souhaite montrer aux États-Unis et à un certain point à l’Union européenne, qu’il fournit des efforts pour régler le conflit par la voie des négociations, et donc qu’il a besoin de leur soutien", explique Barah Mikail, chercheur sur le Moyen-Orient à la Fondation pour les relations internationales et le dialogue, basée à Madrid. "Mais il ne s’agit que de pure rhétorique. Les Israéliens ont pour habitude de chercher à gagner du temps et sont des adeptes de la fuite en avant", poursuit le chercheur. Une analyse que ne partage qu’à moitié Emmanuel Navon, professeur en relations internationales à l’université de Tel-Aviv.
"Faille palestinienne"
"Israël est en train de négocier avec les États-Unis, la France et les autres membres du Conseil de sécurité leur position, dans le cas d’une déclaration unilatérale palestinienne", analyse l’enseignant. "Il n’est pas impossible que le gouvernement Obama fasse pression sur son allié israélien afin que celui-ci fasse un geste en faveur des Palestiniens et relance les négociations de paix. Dans le cas d’un refus, le veto américain s’en trouverait justifié", insiste-t-il. Une possible ouverture qui n’a nullement convaincu le négociateur palestinien Saëb Erakat. Mercredi, celui-ci a dénoncé des "fuites du cabinet de Netanyahu" qu’il considère comme "une manoeuvre et une simple opération de relations publiques". Se dirige-t-on dès lors inexorablement vers une confrontation diplomatique à New York ?
"La démarche palestinienne souffre d’une certaine faille. On constate que les Palestiniens, qui souffrent déjà de divisions internes, ne sont même pas sûrs d’aboutir à une solution à l’ONU, ni au niveau du Conseil de sécurité, ni même au niveau de l’Assemblée générale, où ils n’ont à ce stade pas obtenu le quorum suffisant leur permettant de prétendre à un État", note Barah Mikhail. D’autant que pour Emmanuel Navon, "il faut bien faire la différence entre un vote de l’assemblée générale, qui n’a aucune conséquence juridique en droit international, et le Conseil de sécurité, seul organe possédant la capacité de reconnaître un État, qui se heurtera de toute façon au veto américain."
Un échec à l’ONU pourrait provoquer un regain de tension sur le terrain. Ainsi, un haut responsable palestinien, Yasser Abed Rabbo, a déclaré une mobilisation populaire pacifique à partir du 20 septembre pour soutenir les démarches à l’ONU. Réponse immédiate de l’État juif, le président de la commission parlementaire des Affaires étrangères et de la Défense Shaoul Mofaz a jugé "très élevée la possibilité qu’Israël soit contraint en septembre de mobiliser ses réservistes" pour faire face aux manifestations palestiniennes. La rentrée risque d’être mouvementée au Proche-Orient.