Un organisme israélien de lutte contre la torture a renvoyé son propre pays devant la Cour pénale internationale (CPI) après avoir conclu qu’Israël " n’avait pas l’intention ni la capacité de mettre fin à l’utilisation de la torture contre les Palestiniens".
Le Comité public contre la torture en Israël (PCATI) a déclaré vendredi qu’il avait demandé que les Israéliens impliqués dans des actes de torture soient jugés dans le cadre d’une enquête menée par la CPI, dont le siège est à La Haye, sur des crimes de guerre présumés commis par Israël dans les territoires palestiniens occupés.
Il a déclaré qu’après 30 ans de lutte contre la torture, le comité était "arrivé à la conclusion malheureuse" qu’Israël ne souhaitait pas mettre fin à la torture, enquêter honnêtement sur les plaintes des victimes et poursuivre les responsables.
"Pour nous, il s’agit aujourd’hui d’une étape nécessaire et obligatoire dans notre combat pour l’image morale de la société israélienne, et au nom de la justice pour les victimes que nous représentons", a-t-il déclaré dans un communiqué.
Créé en 1990, le PCATI représente et travaille à la protection des Israéliens, des Palestiniens, des personnes réfugiées et migrantes ayant subi des tortures et des traitements inhumains ou dégradants en détention.
Le PCATI note que plus de 1 300 plaintes de victimes de torture ont été déposées auprès des autorités israéliennes chargées de l’application des lois entre 2001 et 2021, avec la conviction que le système remplira ses obligations, mènera des enquêtes équitables et exhaustives et rendra justice aux victimes.
Cependant, selon le groupe, cela n’a conduit à aucune inculpation et à seulement deux enquêtes criminelles - y compris dans des cas où des "preuves sans équivoque de violations graves du droit" ont été recueillies.
"La loi en Israël soutient la culture du mensonge et de la dissimulation qui existe toujours dans le système de sécurité", a déclaré le PCATI.
Tal Steiner, directrice exécutive du PCATI, a déclaré à Middle East Eye que saisir la CPI constituait une démarche très radicale.
"Nous avons compris après 30 ans que le système des tribunaux israéliens ne souhaite pas et ne peut pas créer de changement. Ils ont une culture de l’immunité", a-t-elle déclaré.
"Nous sommes la première organisation israélienne à faire un tel pas et nous nous attendons à des réactions très dures et difficiles."
L’appel du PCATI représente 17 clients qui, selon Mme Steiner, "ont subi de très graves tortures physiques".
"Toutes leurs plaintes ont été rejetées en Israël. Peut-être qu’enfin la justice pourra être obtenue pour eux devant la cour internationale", a-t-elle déclaré.
Contrairement à l’Autorité palestinienne, Israël n’est pas signataire du Statut de Rome de la CPI, ce qui, selon le pays, signifie que la Cour n’y est pas compétente.
Toutefois, en mars 2021, le procureur de la CPI a officiellement commencé à enquêter sur les crimes de guerre qui auraient été commis dans les territoires palestiniens occupés, tant par Israël que par des groupes palestiniens tels que le Hamas.
Puis, en avril 2022, la Fédération internationale des journalistes, le Syndicat des journalistes palestiniens et le Centre international de justice pour les Palestiniens ont déposé une plainte auprès de la CPI, alléguant que le "ciblage systématique" des journalistes palestinien.ne.s par Israël et l’absence d’enquête sur leurs meurtres constituent des crimes de guerre.
Lorsque les forces israéliennes ont tué la journaliste d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh à Jénine, en Cisjordanie occupée, le mois dernier, l’Autorité palestinienne a demandé à la CPI d’ajouter son cas aux autres crimes présumés faisant l’objet d’une enquête.
La CPI ouvre des enquêtes dans les endroits où les autorités nationales ne peuvent ou ne veulent pas examiner les allégations d’abus. Israël a déjà déclaré qu’il ne coopérerait à aucune enquête de la CPI.
La communication soumise par le PCATI est présentée conjointement avec la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), une organisation qui regroupe 192 organisations de défense des droits de l’Homme du monde entier.
"Les agents de sécurité israéliens et d’autres représentants de l’État ont systématiquement torturé, dégradé et traité de manière inhumaine des individus palestiniens soupçonnés d’être impliqués dans des crimes de sécurité nationale", a déclaré Alice Mogwe, présidente de la FIDH.
"Ils les ont illégalement déportés des territoires palestiniens vers Israël pour leur faire subir ces traitements. Ils leur ont refusé le droit fondamental à un procès équitable. "
Le PCATI n’est pas la première organisation israélienne de défense des droits humains à conclure que les autorités du pays ne veulent et ne peuvent pas enquêter sur les abus. En 2016, le principal groupe de défense des droits de l’homme B’Tselem a cessé de déposer des plaintes auprès de l’armée israélienne concernant les mauvais traitements présumés infligés aux Palestiniens, se plaignant que la fonction réelle du système était de dissimuler les abus.
Traduction : AFPS