Tout le monde comprend bien que de l’issue de ce scrutin, prévu le 9 janvier, dépendra l’avenir du processus de paix et le règlement du conflit israélo-palestinien.
Mais peut-être que tout le monde ne considère pas les mêmes paramètres.
Il n’est qu’à voir les manoeuvres en cours, les rencontres diplomatiques, les déclarations des uns et des autres et les silences qui les accompagnent.
La candidature annoncée de Marwan Barghouti, le populaire dirigeant du Fatah, toujours emprisonné en Israël, a semble-t-il jeté le trouble et pas seulement au sein de la formation palestinienne.
On peut en effet comprendre que le comité central du Fatah, qui a choisi, pour des raisons qui lui appartiennent, Mahmoud Abbas (Abou Mazen) comme candidat, n’apprécie guère la présence de Marwan Barghouti.
On comprend moins bien les préventions exprimées ces derniers jours par certaines parties non palestiniennes. Comme si la démocratie devait s’exprimer dans un sens et un seul, choisi auparavant.
En attendant Londres
Aujourd’hui, les pères de ce qu’on appelle « l’initiative de Genève », Yossi Beïlin et Yasser Abed Rabbo, se rencontrent à Lyon.
Un rendez-vous certes important mais qui, dans le contexte de la disparition de Yasser Arafat, pourrait prendre une autre signification, notamment sur la question du droit au retour des réfugiés palestiniens, quasiment abandonné dans ce document.
D’autre part, selon le quotidien britannique Daily Telegraph, la Grande-Bretagne a reçu l’aval des États-Unis pour la tenue d’une conférence internationale sur la paix au Proche-Orient, au début de l’année prochaine à Londres. « Il pourrait y avoir une conférence à Londres », admet effectivement le secrétaire au Foreign Office, Jack Straw, dans les colonnes d’un autre journal, The Independent, tout en précisant qu’il s’agirait d’un événement « plus discret » que les précédentes conférences internationales consacrées à la situation au Proche-Orient.
Le premier ministre britannique, Tony Blair, discutera des détails de cette conférence avec les dirigeants israéliens et palestiniens lors d’une visite au Proche-Orient en décembre, ajoute le Daily Telegraph sur la foi de sources diplomatiques haut placées.
La conférence, prévue pour fin janvier ou début février, devrait réunir des ministres étrangers, mais il n’est pas encore certain qu’Israël enverra une délégation à ce niveau, explique le quotidien.
La conférence ne sera probablement annoncée qu’après l’élection du successeur de Yasser Arafat à la présidence palestinienne le 9 janvier.
Mais, si on comprend bien, elle dépend, outre l’élection, de l’ancien premier ministre modéré Mahmoud Abbas. Selon une source israélienne citée par le quotidien, « il n’y aura pas de conférence » si les Palestiniens élisent Marwan Barghouti.
Washington refusera sans doute également de traiter avec Barghouti, estime le Daily Telegraph.
Du côté de l’Union européenne, les positions ne sont pas très claires. Le chef de la diplomatie allemande, Joschka Fischer, a appelé dimanche les Palestiniens et les Israéliens à saisir une « chance historique » de paix à l’heure même où Israël et l’Égypte procédaient à un important échange de prisonniers.
« Nous espérons qu’il va y avoir un cessez-le-feu durable qui permettra de stopper le terrorisme et la violence », a-t-il poursuivi.
N’est-ce pas accréditer l’idée d’Israël et des États-Unis selon laquelle Yasser Arafat était le seul obstacle à la paix ? Par voie de conséquence, le « verrou » ayant sauté, tout serait maintenant possible.
Pas étonnant, dans ces conditions, d’entendre Fischer réaffirmer son appui au plan de retrait unilatéral de la bande de Gaza du premier ministre israélien, Ariel Sharon, prévu pour 2005, soulignant que « l’Allemagne et l’Union européenne sont prêtes à faire tout leur possible » pour permettre sa mise en oeuvre.
« Nous nous félicitons de tout appui international », a déclaré Mahmoud Abbas, réaffirmant que la direction palestinienne suivait la « voie tracée » par le défunt président Yasser Arafat, « en vue de la création d’un État palestinien indépendant ayant Jérusalem pour capitale, qui vivrait en paix et sécurité au côté d’Israël ».
Il a exigé qu’Israël « démantèle ses colonies sauvages, stoppe la colonisation, libère tous les prisonniers et détruise le mur de séparation en Cisjordanie ». Il se trouvait, hier, à Damas, où il a rencontré le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères syriens.
Des Palestiniens isolés
L’espace politique est étroit pour les Palestiniens. Depuis le 11 novembre, date de la disparition de Yasser Arafat, certains pays arabes tentent de jouer leur propre carte.
On vient ainsi d’apprendre qu’Israël, l’Égypte et les États-Unis allaient signer un accord le 14 décembre sur la création de quatre zones de libre-échange. Les produits fabriqués dans ces zones, situées en Égypte dans la région frontalière, par des entreprises égyptiennes et israéliennes pourront pénétrer sur le marché américain sans acquitter de droits de douane.
Ce modèle de coopération a déjà été mis en place entre Israël, la Jordanie et les États-Unis.
Des zones spéciales ont été créées en Jordanie permettant aux entreprises d’exporter vers les États-Unis à condition que 35 % des produits soient le résultat d’une coopération entre des sociétés israéliennes et jordaniennes, et que la part des composants israéliens soit au minimum de 8 %.
Par ailleurs, la compagnie israélienne d’électricité négocie actuellement avec Eastern Mediterranean Gaza, un consortium égyptien, un contrat de 2,5 milliards de dollars pour la fourniture sur quinze ans de gaz naturel égyptien à Israël. Cela alors qu’un échange de prisonniers a eu lieu dimanche, Le Caire libérant un Israélien alors que Tel-Aviv relâchait six étudiants égyptiens.
Hosni Moubarak, le président égyptien, qui s’apprête à renvoyer un ambassadeur à Tel-Aviv, est on ne peut plus satisfait : « Je suis convaincu que si les Palestiniens n’arrivent pas à réaliser une avancée (dans le processus de paix) durant l’ère de M. Sharon, il sera difficile de réaliser une quelconque avancée car il est capable d’oeuvrer pour la paix et de trouver une solution, s’il le veut. »
Un nouveau décor est en train d’être planté dans la région. Les Palestiniens risquent d’y apparaître dans des rôles secondaires où ils ne contrôleraient ni les scènes, ni les séquences et encore moins la fin.