Photo : Salah Hamouri à son arrivée à l’aéroport à Paris le 18 décembre 2022.
Dimanche 18 décembre, les autorités israéliennes ont expulsé de force de son pays Salah Hamouri, avocat palestinien, défenseur des droits humains et père de deux enfants. Né à Jérusalem d’une mère française, Hamouri est également citoyen français et, jusqu’à récemment, il possédait une carte d’identité de Jérusalem avant que celle-ci ne soit révoquée par le gouvernement israélien.
L’expulsion d’Hamouri a été ordonnée par les autorités israéliennes il y a près de deux semaines en raison d’allégations d’affiliation à des activités terroristes. Les groupes de défense des droits de l’Homme ont demandé au gouvernement français de mettre fin à cette expulsion.
Le samedi 17 décembre, le ministère français des Affaires étrangères et la famille de Salah Hamouri en France ont été informés par les autorités israéliennes qu’il serait expulsé vers Paris. Ni Salah ni ses avocats n’ont été officiellement informés, a indiqué une source anonyme à Mondoweiss.
"Justice a été rendue au terroriste et il a été expulsé d’Israël", a déclaré dimanche Ayalet Shaked, ministre israélienne de l’Intérieur. "C’est une grande réussite d’avoir pu provoquer, juste avant la fin de mon mandat, son expulsion", s’est vanté la ministre de l’Intérieur.
"Aucune décision d’expulsion forcée ou de nettoyage ethnique ne m’effraie" a déclaré Hamouri dans une dernière lettre avant son expulsion imposée.
"Cela ne nous arrête ni ne nous dissuade de notre poursuite de la résistance" a déclaré Hamouri avec défiance. "Il n’y a aucune puissance sur terre qui puisse déraciner la Palestine et le peuple palestinien de nos esprits et de notre existence."
De la prison à l’exil
Le ministère français a condamné l’expulsion dimanche. Le ministère a déclaré dans un communiqué qu’il avait "pris toutes les mesures, y compris au plus haut niveau de l’État, pour que les droits de M. Salah Hamouri soient respectés, qu’il bénéficie de toutes les voies de recours et qu’il puisse mener une vie normale à Jérusalem, où il est né, réside et souhaite vivre."
Parti de l’aéroport Ben Gourion, Hamouri est arrivé à Paris vers 10 heures, où il a été accueilli par sa famille, des sympathisants et des journalistes. Séparé de sa femme et de ses enfants, M. Hamouri était détenu dans des prisons israéliennes depuis mars, où il a été victime de discrimination et de mauvais traitements anti-palestiniens.
"L’un des pires endroits où l’on peut mettre un être humain est la prison" a écrit Hamouri en juillet. "C’est un endroit qui ne ressemble à aucun autre endroit au monde. Il nous pulvérise et aplatit nos rêves, nos aspirations et nos espoirs comme l’écrasement d’une olive sur la presse à olives."
L’homme de 37 ans a été détenu illégalement dans les prisons israéliennes sans inculpation ni procès, dans ce que les tribunaux militaires israéliens appellent la "détention administrative". Cela signifie un emprisonnement sur la base de "preuves secrètes" que ni l’accusé ni ses avocats ne peuvent connaître ou contester devant un tribunal.
N’étant pas étranger aux abus israéliens, Hamouri était un jeune garçon vivant à Jérusalem au moment de sa première arrestation en 2001, il n’avait que 16 ans.
En mai, Hamouri a soumis un dossier à la Cour pénale internationale, lui demandant d’enquêter sur Israël pour crimes de guerre. Le même mois, des soldats israéliens ont abattu la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh à Jénine alors qu’elle portait sa veste PRESS, qui la désignait clairement comme journaliste.
"Cette occupation ne nous considère pas, ou ne nous traite pas, comme des êtres humains ayant le droit de vivre comme des personnes libres", écrivait Hamouri de l’intérieur de la prison au début du mois de juillet.
Depuis la cellule n° 4 de la prison militaire d’Ofer à Betunia, il a également rédigé une lettre d’appel au président français Emmanuel Macron. "Quelle est la raison de votre double standard dans le traitement des personnes vivant sous l’oppression ?" Hamouri avait écrit. "Je vous ai vu à plusieurs reprises défendre le peuple ukrainien et parler de la douleur et de la torture auxquelles il est confronté, alors que vous semblez avoir oublié, ou ignorer délibérément, que nous, Palestiniens, sommes confrontés à des injustices et à l’occupation depuis 78 ans maintenant."
Depuis des années, Hamouri est victime de harcèlement et d’abus judiciaires. En tant que Palestinien de Jérusalem, son expérience est mêlée à la réalité globale des Palestiniens face à l’expansion grandissante des colons.
"Nous tous, Palestiniens de Jérusalem, sommes considérés comme des étrangers dans notre propre ville annexée, des "résidents" sans citoyenneté. De la construction du mur aux lois racistes qui discriminent les populations non-juives en matière de droit à la propriété et à la construction", écrit Hamouri pour Mondoweiss. "Nous - mes amis de l’autre côté du mur à Sheikh Jarrah et Silwan - luttons contre les plans d’expulsion massive."
Les lois sur la loyauté comme instrument de nettoyage ethnique
"Nous ne pensions pas qu’il était possible d’expulser quelqu’un de son lieu de naissance" avait récemment déclaré Denise, la mère de Hamouri, en réponse à l’expulsion de son fils de sa patrie.
Pourtant, le précédent juridique de l’expulsion éventuelle d’Hamouri a été établi pour la première fois en 2016 en vertu de la loi israélienne sur le "défaut de loyauté", qui statuait à l’époque que la résidence pouvait être retirée aux Palestiniens possédant une carte d’identité de Jérusalem et jugés "déloyaux" envers l’État. La portée de cette même loi a été récemment élargie en juillet dernier, lorsque la Cour suprême israélienne a décidé que la citoyenneté pouvait être retirée aux citoyens israéliens dans le cadre de la même violation de la loyauté.
Le 18 octobre 2021, Hamouri a reçu pour la première fois une lettre du ministère israélien de l’Intérieur l’informant que sa résidence à Jérusalem était révoquée. De nombreux résidents palestiniens de Jérusalem sont également confrontés à la même menace de voir leur résidence révoquée après l’adoption de cette loi d’apartheid, qui constitue un crime contre l’humanité.
"Cette occupation ne nous considère pas, ou ne nous traite pas, comme des êtres humains ayant le droit de vivre comme des personnes libres" a écrit Hamouri depuis sa prison au début du mois de juillet.
La loi de loyauté est un instrument moderne de nettoyage ethnique. En étendant son champ d’application aux Palestiniens possédant la citoyenneté israélienne (qui représentent environ 20 % de la population israélienne totale) cette loi vise à contrôler la population palestinienne.
La déportation des personnes qui documentent et révèlent les crimes israéliens n’est cependant pas uniquement réservée aux Palestiniens. En 2019, le gouvernement israélien a expulsé Omar Shakir, directeur de Human Rights Watch. Kenneth Roth, directeur exécutif de l’organisation à l’époque, a expliqué que l’expulsion de Shakir "montre pourquoi la communauté internationale doit réamorcer son approche de la détérioration du bilan d’Israël en matière de droits humains."
"Un gouvernement qui expulse un enquêteur de premier plan en matière de droits de l’Homme n’est pas susceptible de mettre fin à son oppression systématique des Palestiniens sous occupation sans une pression internationale beaucoup plus forte" a déclaré Roth.
A son arrivée à Paris, Hamouri a déclaré à la presse : "nous avons changé de lieu mais le combat continue."
"Nous ne pouvons pas abandonner la Palestine" a-t-il souligné. "La résistance est notre droit."
Traduction : AFPS