La fièvre se poursuit, et elle ne tombe pas. Un nouvel accès de violence est survenu autour de la bande de Gaza, samedi 4 mai. Il rappelle l’immense difficulté qu’ont le Hamas et le gouvernement israélien à respecter un accord tacite de cessez-le-feu, en échange d’une amélioration humanitaire substantielle dans l’enclave. Près de 430 tirs de mortiers et de roquettes ont été déclenchés par les factions palestiniennes en direction d’Israël. Des tirs nombreux, obligeant la population à se réfugier dans les abris.
Leur portée et leur précision furent limitées pendant la journée, plus de 70 % des tirs tombant dans des zones désertes. Vers 23 heures, le rayon s’est élargi, plusieurs roquettes étant envoyées en direction de la ville côtière d’Ashdod et de Beer-Sheva, dans le désert du Néguev. A Ashkelon, un homme de 58 ans a été tué dans son appartement, atteint par les éclats d’un projectile. Deux Israéliens ont été blessés, dont une femme de 80 ans, à Kiryat Gat. Les écoles et les universités dans le sud du pays resteront fermées, et les rassemblements de plusieurs centaines de personnes, interdits par sécurité.
Le commandement commun des opérations à Gaza, qui réunit tous les groupes armés concernés, mesure au trébuchet la portée de l’escalade. Dimanche matin, il menaçait d’étendre la portée des tirs au-delà de 40 kilomètres autour de l’enclave, si les raids israéliens ne cessaient pas.
Depuis samedi, l’armée israélienne a procédé à plus d’une centaine de frappes dans l’enclave palestinienne. A en croire ses communiqués, elle a notamment atteint des entrepôts, des sites de lancement, un atelier de fabrication souterrain de roquettes présenté comme une infrastructure essentielle, en face de la communauté de Netzarim, ainsi que les locaux du bataillon du Hamas à Boureij. Elle a détruit un tunnel d’attaque, creusé 20 mètres sous terre près de la ville de Rafah, attribué au Jihad islamique.
Les points de passage avec Gaza fermés
Selon les autorités locales à Gaza, un bébé de 14 mois a été tué à l’est de Gaza-ville lors d’une frappe, ainsi que sa mère de 37 ans, enceinte. Trois autres morts ont été enregistrés au cours de la journée. Des dizaines de personnes ont été blessées. Le ministère des affaires étrangères israélien parle, lui, de « sept terroristes tués », au total, depuis vendredi. Les locaux de l’agence d’Etat turque Anadolu news auraient aussi été détruits. Le ministre des affaires étrangères de la Turquie, Mevlut Cavusoglu, a dénoncé sur Twitter le « crime contre l’humanité » que représenterait la violence israélienne sans distinction.
Le ministère de la défense israélien a décidé de fermer les points de passage de Kerem Shalom et d’Erez vers Gaza, ainsi que de restreindre une nouvelle fois la zone de pêche à son minimum. En dehors d’un communiqué à la teneur générale du président Réouven Rivlin, la parole côté israélien a été laissée uniquement aux militaires. Le premier ministre – et ministre de la défense – Benyamin Nétanyahou n’a pas commenté les événements. L’armée, elle, a pointé du doigt le Jihad islamique, en raison d’une attaque organisée vendredi. Un sniper a atteint et blessé un officier et une soldate à proximité de la clôture frontalière, entraînant immédiatement une réponse des forces israéliennes. Quatre Palestiniens ont été tués, dont deux membres de la branche armée du Hamas, les Brigades Al-Qassam. Ainsi s’actionna l’engrenage.
L’armée estime que le Hamas n’a pas su imposer son autorité sur l’autre faction armée de Gaza, au moment même où elles étaient toutes deux engagées dans un énième cycle de pourparlers au Caire, avec le médiateur égyptien. Pourquoi le Jihad islamique a-t-il pris le risque d’une telle attaque, après plusieurs semaines de calme relatif précédent les élections législatives du 9 avril ? Plusieurs hypothèses se dessinent. Les autorités israéliennes évoquent le rôle de l’Iran, pays avec lequel le Jihad islamique a des liens historiques. Mais la piste la plus évidente est la frustration gazaouie.
Nervosité générale
Un accord de principe avec les Israéliens avait permis d’instaurer ce calme fragile. Le Hamas avait baissé l’intensité des activités frontalières, notamment dirigées contre les soldats. En retour, les factions estiment que les Israéliens n’ont pas consenti les gestes attendus, en dehors de l’extension de la zone de pêche par exemple. Leur impatience est à la hauteur du drame humanitaire à Gaza. Mais Benyamin Nétanyahou, lui, est engagé dans les négociations pour former une nouvelle coalition avec les partis ultraorthodoxes et l’extrême droite. Un moment sensible, où il ne peut apparaître comme complaisant à l’égard du Hamas. Les factions palestiniennes, elles, ont aussi en tête l’organisation prochaine de l’Eurovision à Tel-Aviv, du 14 au 18 mai. Un divertissement majeur, qui attirera les regards du monde entier, et permet d’accentuer la pression sur Israël.
Ces derniers jours, le retard dans le versement à Gaza des aides financières mensuelles attribuées depuis novembre par le Qatar a accentué la nervosité générale. L’émirat retire-t-il ce mince filet de sauvetage, ou est-il bloqué ? Le ministère des affaires étrangères a tenu samedi à souligner que « contrairement aux rapports, Israël n’a pas empêché le transfert de l’argent qatari ». Le 2 mai, le coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix, Nikolaï Mladenov, se trouvait justement au Qatar pour discuter de l’implication financière de l’émirat dans la bande de Gaza. Samedi, une nouvelle fois, M. Mladenov a fait la navette entre factions palestiniennes et Israël, pour placer tous les acteurs devant leurs responsabilités. « Ceux qui cherchent à détruire [les accords] porteront la responsabilité d’un conflit qui aura de lourdes conséquences pour tous », écrivait-il sur Twitter samedi soir.