Embargo militaire
Selon les traités internationaux – dont celui sur le commerce des armes – et d’autres textes juridiques, un embargo militaire comporte trois éléments qui s’imposent aux États : cesser le commerce de ventes d’armes, de biens à double usage et d’achats d’armes et ne pas en faire transiter vers ou par leur territoire. La collaboration universitaire dans la recherche sur les armes est également interdite.
Ainsi l’embargo militaire contre Israël est une obligation morale puisque les forces du pays violent les droits des Palestiniens, mais c’est aussi une obligation légale en vertu du droit international, notamment les deux arrêts de la CIJ du 26 janvier ordonnant à Israël de cesser des actions qui sont vraisemblablement des actes de génocide, et du 19 juillet, dans son avis consultatif, jugeant l’occupation illégale.
Les États qui continuent de signer des contrats avec des entreprises d’armement israéliennes risquent de voir mises en cause leurs responsabilités pénale et commerciale et ce en raison de l’accroissement de l’embargo militaire. Si l’obligation d’un embargo militaire incombe avant tout aux États, les organisations régionales telles que l’Union européenne et l’OCI [3], ou les institutions universitaires, doivent aussi mettre fin aux liens militaires, sécuritaires ou à double usage avec l’État ciblé et ses institutions.
L’État d’apartheid d’Israël a pu conserver son impunité grâce au soutien des États-Unis et d’États occidentaux, en particulier l’Allemagne et le Royaume-Uni ; cela ne fait aucun doute qu’un réseau d’intérêts lie les anciens colonisateurs et les nouveaux. Cependant, l’économie israélienne s’effondre progressivement et apparemment de manière irréversible, un phénomène que le mouvement BDS appelle #ShutDownNation.
Des pays montrent l’exemple…
Et prennent des mesures d’embargo militaire :
- La Colombie a dénoncé le génocide d’Israël, annoncé un embargo, ouvert une enquête sur les logiciels espions israéliens utilisés contre des Colombiens, et annoncé la fin des exportations de charbon vers Israël (produit à double usage).
- Le Brésil a gelé son contrat pour l’achat d’artillerie auprès d’Elbit Systems.
- La Malaisie a bloqué les navires de transport de marchandises en provenance d’Israël.
- Le Chili a interdit aux entreprises israéliennes d’armement d’être au salon aéronautique FIDAE. Et mis fin à un programme de satellites avec ImageSat International d’Israël pour non-respect de ses obligations contractuelles.
- L’Afrique du Sud a porté plainte contre Israël devant la CIJ pour crime de génocide et ne lui fournit pas d’équipement militaire. Plusieurs États, principalement du Sud, se sont joints à la démarche.
- La Namibie a refusé d’accueillir un navire transportant des explosifs à destination d’Israël.
- La Turquie a imposé des sanctions à l’exportation et au transit d’armes et de biens à double usage vers Israël.
Le 5 novembre, une lettre initiée par la Turquie, coparrainée et cosignée par 52 États (majoritairement du Sud) appelle à la mise en œuvre immédiate d’un embargo militaire contre Israël. Initiative adoptée par le sommet conjoint de l’OCI et de la Ligue des États arabes.
Jusqu’en occident
Même les États occidentaux sont obligés d’appliquer partiellement l’embargo militaire contre Israël, afin de ne pas risquer des poursuites judiciaires [4].
- Aux Pays-Bas le tribunal statue que la fourniture de pièces F35 à Israël est illégale.
- Sous la pression, le Parlement canadien et le ministère des Affaires étrangères adoptent une résolution non contraignante pour mettre fin au commerce des armes avec Israël.
- Des fonctionnaires britanniques avertissent le gouvernement que les exportations d’armes vers Israël pourraient être illégales. Plus de 600 experts juridiques exhortent le gouvernement à cesser de fournir des armes à Israël.
- L’Australie « revoit » ses exportations d’armes vers Israël et modifie ou supprime 16 licences sous la pression.
- La France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et la Norvège ont été contraints par la pression populaire de faire des déclarations sur une prétendue non-vente d’armes à Israël.
- Les entreprises israéliennes d’armement ont été exclues de deux foires aux armements françaises, décision qui a été invalidée par des tribunaux français.
- Le Premier ministre irlandais a affirmé en juin 2024 qu’« aucun aéroport dans l’espace aérien souverain irlandais n’est utilisé pour transporter des armes vers le conflit au Moyen-Orient ».
- En novembre 2024, 19 sénateurs américains ont voté pour l’arrêt des livraisons d’armes à Israël, vote ignoré par l’administration américaine.
- Le Portugal a interdit aux États-Unis de faire transiter des armes par la base aérienne de Lajes.
Des militants, des syndicalistes aussi…
L’approvisionnement en armes repose sur des navires militaires et commerciaux et des avions-cargos. Des militants, des groupes de défense, des syndicats s’organisent pour perturber le transit dans un mouvement de désobéissance civile. Ainsi, l’Angola, la Namibie, Malte, le Monténégro, la Slovénie, le Portugal ont freiné ou interdit au MV Kathrin de décharger. Idem pour des cargaisons militaires en provenance des États-Unis, de l’Italie et d’Espagne. Plusieurs actions syndicales grecques, espagnoles, belges, danoises ont eu lieu [5]. Au Canada, au Danemark, en Allemagne, en Irlande, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et aux États-Unis, des groupes de défense des droits humains, de solidarité avec la Palestine et des avocats intentent des actions en justice contre les livraisons d’armes à Israël pendant le génocide, exigeant la mise en œuvre d’un embargo militaire en vertu de la Convention sur le génocide. Toutefois, les tribunaux ont rarement osé s’opposer aux gouvernements qui permettent le génocide israélien en tirant profit du meurtre de civils palestiniens, à l’exception partielle des Pays-Bas.
Des entreprises
Itochu (au Japon) et Air Systems NAS (en Chine) ont stoppé un protocole d’accord pour le développement de drones avec la société israélienne Elbit Systems (fév. 2024).
Le fonds souverain norvégien, le plus important au monde, s’est désengagé de Caterpillar (juin 24). Et en septembre, General Dynamics, le principal fournisseur de munitions d’Israël.
Le monde s’élève contre le génocide, mais ce n’est pas suffisant
En janvier 2024, la CIJ a établi qu’Israël violait de manière plausible la convention sur le génocide. En juillet, elle a établi que la présence d’Israël – dont l’occupation militaire et les colonies de peuplement – à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, était illégale. La CIJ a également estimé qu’Israël violait l’interdiction de l’apartheid. Ces décisions imposent aux États tiers, en vertu du droit international, de ne pas se rendre complices et de prendre des mesures pour mettre fin aux crimes et aux violations d’Israël et les punir. Le 5 avril, le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies a adopté une résolution appelant à un embargo militaire contre Israël [6].
L’ONU a réitéré l’obligation légale d’imposer un embargo sur les armes le 20 juin 2024, et le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme a lancé un appel urgent à l’arrêt du commerce des armes avec Israël.
L’embargo militaire est en train de se généraliser. La plupart des gouvernements du monde le soutiennent, du moins officiellement. Pourtant des armes, des munitions importées des États-Unis, d’Allemagne, du Royaume-Uni, d’Italie et d’autres pays, des produits à double usage, des services de renseignement… arrivent en Israël qui en a besoin pour poursuivre ses crimes. Le flux de fournitures de technologie et de recherches universitaires doit être stoppé dès maintenant.
Ce n’est qu’à cette condition que les universités israéliennes ne pourront plus développer des méthodes et des doctrines militaro-sécuritaires qui permettent l’apartheid et le génocide, et que les entreprises d’armement israéliennes ne pourront plus vendre d’armes et des technologies militaires « testées sur le terrain » sur des Palestiniens et des Libanais.
L’embargo militaire se resserre et lorsque les campagnes collectives, ainsi que le renforcement du pouvoir depuis la base permettront d’atteindre un seuil critique, la machine de guerre génocidaire sera stoppée.
Dr Shir Hever
Shir Hever est coordinateur de la campagne de l’embargo militaire contre Israël pour le BNC. Directeur général du BIP (Alliance pour la justice entre Israéliens et Palestiniens), membre de la Voix juive pour une paix juste au Moyen-Orient. Dernier ouvrage La privatisation de la sécurité israélienne (Pluto Press - 2017).