Outré par ce qu’il considère comme les scandaleux mensonges du Premier ministre israéliens sur le déroulement de la journée, du 7 octobre, il s’attache tout d’abord à rétablir les faits sur l’attaque du Hamas et d’autres mouvements palestiniens, tout comme sur la vengeance mortifère qui en a pris prétexte pour anéantir Gaza et sa population. Ainsi par exemple, il rend compte d’informations accablantes que les historiens consolideront dans les années à venir : la directive « Hannibal » de l’armée israélienne qui considère qu’un soldat mort est préférable à un soldat captif, les dégâts spectaculaires qui n’ont pu être causés que par des munitions de chars ou d’hélicoptères sur des maisons de kibboutz ou sur des véhicules retournant à Gaza à partir du festival Nova. Dans ces maisons et ces véhicules se trouvaient des otages israéliens. Ainsi, en réalité, lors de l’attaque palestinienne du 7 octobre, des Israéliens ont péri soit tués par des combattants palestiniens, soit touchés par des tirs croisés, soit victimes d’attaques indiscriminées de l’armée israélienne.
Selon Maurice Buttin, au-delà des décisions génocidaires d’un gouvernement d’extrême droite, ce qui est fondamentalement en cause c’est ce qu’il appelle l’idéologie du national-sionisme. Depuis son apparition, à la fin du XIXème siècle, cette idéologie essentialiste débouche inexorablement sur le nettoyage ethnique et le déni du droit d’existence du peuple palestinien. L’auteur en fait la démonstration en documentant solidement l’histoire de la Palestine et du sionisme : 77 ans d’occupation, de répression et d’humiliations subies par le peuple palestinien ; des centaines de milliers de victimes de guerres incessantes à Gaza : 2008, 2012, 2014, 2021, 2023/25… Compte tenu de cette démesure meurtrière, et en raison de ses outrances indéfendables, il prévoit la fin de cette idéologie suicidaire, comme ce fut le cas du fascisme, du franquisme et du national-socialisme.
L’auteur montre par ailleurs le rôle déterminant des sionistes chrétiens dans la construction et la consolidation du colonialismes sionistes. Dès le XVIème siècle et la réforme protestante, l’idée selon laquelle le retour des juifs au Proche-Orient permettra le retour de Dieu dans « l’Israël éternel » prend forme. Elle se consolide progressivement jusqu’aux « sionistes chrétiens ». Théodor Herzl s’appuiera habilement sur leur interprétation des écritures bibliques dès le premier congrès sioniste en 1897. De nos jours, les chrétiens évangélistes américains, qui ont élu Donald Trump, sont les plus sûrs soutiens des crimes israéliens - contrairement à une majorité des juifs américains qui les dénoncent avec force. Les massacres sont justifiés par la nécessité de se défendre, la Shoah est instrumentalisée, toute critique ou opposition à la politique d’Israël étant considérées comme de l’antisémitisme, alors même que l’idéologie sioniste est devenue de plus en plus raciste. Toujours est-il que, quoi qu’il fasse, Israël bénéficie de la plus grande et scandaleuse immunité de la part de la Communauté internationale.
L’ouvrage se termine pourtant sur une note d’optimisme : l’auteur croit à la réconciliation des deux peuples, de la même façon qu’Anglais et Français se sont réconciliés après cent années d’hostilités, ou comme Français et Allemands après les trois dernières guerres meurtrières de 1870,1914 et 1940. Cependant, selon lui, la transition ne pourra se construire dans un premier temps que par la mise en place de deux États distincts. Un préalable essentiel étant que la communauté internationale ait enfin le courage de cesser son soutien à Israël et lui applique des sanctions, comme cela a été le cas pour l’Afrique du Sud. Rejoignant les conclusions de la plupart des analystes, il considère en effet qu’Israël n’est pas en capacité de respecter seul les conditions d’une paix durable et que ces conditions devront lui être imposées par les pressions internationales.
« L’échec d’une utopie, Jérusalem capitale éternelle et indivisible d’sraël » est un ouvrage dense, aux références nombreuses. Il apporte l’éclairage argumenté d’un avocat émérite qui a consacré sa longue carrière à la défense de la Justice et du Droit. A contre-pied de l’évidence immédiate, il regarde vers l’avenir et prévoit, “plus tôt qu’on le croit, non pas la fin d’Israël mais la libération de la Palestine et la fin de l’idéologie nationale-sioniste”.
Bernard Devin




