Photo : La prison militaire d’Ofer, en Cisjordanie, ce mois-ci. C’est ici que les Palestiniens se heurtent à la loi spéciale qu’Israël a élaborée pour eux. Crédit : Emil Salman
L’entrée ressemble à une prison et donne aussi l’impression d’en être une. Le voyage commence par un passage étroit, avec un mur d’un côté et une haute barrière de l’autre. Après être passé par un tourniquet, vous arrivez dans une cour où les visiteurs peuvent louer un casier.
On vous demande d’y mettre toutes vos affaires, y compris votre téléphone - tout sauf les vêtements que vous portez. Sous peu vos vêtements seront fouillés aussi. Un employé des services pénitentiaires israéliens vous amène au prochain arrêt, où vous laissez votre carte d’identité. Vous vous trouvez maintenant devant une porte en acier derrière laquelle vous attend le contrôle de sécurité.
De là, vous continuez à descendre un long passage clôturé et vous tournez à gauche. Bienvenue à la prison militaire de Ofer en Cisjordanie, où les Palestiniens se heurtent au droit spécifique qu’Israël a élaboré pour eux.
La cour que l’on atteint au centre d’un ensemble de structures préfabriquées, qui abritent des salles d’audience, est triste, tout comme le sont les rangées de chaises et les visages des personnes qui y sont assises.
Parmi elles il y a Mohammed. Il a près de soixante ans, les cheveux et la barbe grisonnants, le regard triste et contrarié. A 10h du matin en ce premier mardi d’avril, son fils âgé de 15 ans sera amené dans une des salles d’audience et il attend. Quelqu’un a dit qu’il a jeté des pierres, dit le père, qui habite dans le camp de réfugiés de Jalazun. Son fils déclare que ceci ne s’est jamais produit.
Le père sait que l’affaire se terminera très probablement par les aveux de son fils dans une négociation sur sa peine. Selon les données chiffrées de l’armée israélienne obtenues par Haaretz, entre 2018 et avril 2021, 99,6 % des condamnations prononcées par les tribunaux militaires se sont terminées de cette façon. Ce chiffre, fourni après une demande du Fonds pour les défenseurs des droits de l’Homme par le biais du Mouvement pour la liberté d’information, ne semble pas surprendre les Palestiniens qui sont sûrs de leur innocence ou de celle de leurs proches. Après tout, allez prouver que vous n’avez pas jeté de pierre.
L’autre fils de Mohammed, qui a 25 ans, est actuellement emprisonné depuis plus d’un an après avoir percuté une voiture israélienne par l’arrière avec sa voiture ; il dit que c’était involontaire. Pour celui âgé de 15 ans, Mohammed attend le meilleur d’un mauvais lot. Mohammed fera d’une mauvaise fortune bon coeur.
« Il vaut mieux pour lui qu’il obtienne une négociation de peine ; comme ça, ce sera fini » déclare le père dans un hébreu approximatif. « C’est la réalité. Une négociation de peine n’est pas bien, mais c’est tout ce que nous avons. » En fait, c’est une perspective assez simple, étant donné que la plupart des Palestiniens arrêtés en Cisjordanie sont en détention jusqu’à la fin des procédures à leur encontre.
« Les aveux sont ce qui les fait sortir de prison et leur permet de voir une fin prévisible » déclare l’avocate Smadar Ben-Natan, qui est également titulaire d’un doctorat en droit et fait des recherches sur les tribunaux militaires. « Les gens peuvent rester en détention provisoire plus longtemps que la peine qu’ils recevraient. »
C’est une question essentielle : en Cisjordanie, la détention jusqu’à la fin de la procédure est la solution par défaut. « En Israël, il est beaucoup plus facile de sortir » déclare l’avocate Riham Nassra, qui représente les Palestiniens devant les tribunaux militaires israéliens.
« En Israël, il existe un bracelet électronique, par exemple, ou des foyers qui peuvent être utilisés comme une alternative à la prison sous certaines conditions, particulièrement dans le cas d’un mineur ou de quelqu’un ayant des problèmes psychologiques ou des circonstances personnelles difficiles. Dans les territoires (occupés), ceci n’existe pas. »
Il y a une autre raison pour laquelle les tribunaux militaires rejettent souvent toute alternative à l’incarcération : les suspects habitent dans la Zone A de la Cisjordanie ; c’est-à-dire, dans une ville palestinienne. En raison de tous ces facteurs, dit Nassra, « il est plus facile d’accepter une négociation de peine, parce qu’ils ont déjà été emprisonnés pendant les mois que l’accusation demanderait comme peine. »
Encore une chose supplémentaire distingue les actes d’accusation contre les Palestiniens en Cisjordanie et ceux contre les Juifs des deux côtés de la Ligne Verte. « En Israël, il y a une différence entre les délits sécuritaires et les autres délits, tandis que dans les territoires, la plupart des délits sont considérés comme des délits sécuritaires » déclare Ben-Natan. Selon les chiffres fournis par l’armée après une demande relevant de la liberté d’information – et que le militant social Guy Zomer a aidé à analyser – de 2018 à 2021, plus de 65 % des affaires (à l’exclusion des infractions routières) entendues par les tribunaux militaires étaient des délits sécuritaires.
Mais ces affaires ne concernent pas seulement des événements tels qu’une attaque terroriste, elles couvrent un large spectre qui inclut l’appartenance à une organisation interdite ou les "émeutes", par exemple en participant à une manifestation. « Le ministère public et les tribunaux s’appuient sur des raisons de "situation complexe en matière de sécurité" pour fonder leurs allégations de danger » raconte Nasra en expliquant pourquoi tant de détentions durent jusqu’à la fin de la procédure.
« Les détenus palestiniens paient un prix personnel pour l’ensemble de la situation sécuritaire. Le prétexte de la "difficulté à localiser ou à surveiller" est également invoquée en raison de la crainte présumée d’une évasion ou d’une interférence avec l’enquête. Les tribunaux sont donc plus facilement persuadés de laisser les Palestiniens derrière les barreaux. »
A partir de là, la route pour les Palestiniens vers un traitement beaucoup plus dur est courte. La plupart des enquêtes en Cisjordanie, déclare Ben-Natan, sont menées par le service de sécurité du Shin Bet ou par la police israélienne en Cisjordanie, qui travaille étroitement avec le Shin Bet. Selon Ben-Natan, les preuves sont souvent fondées sur des renseignements fournis par des informateurs, sans prise en considération des motivations des informateurs.
Ces affaires sont portées devant deux tribunaux militaires où tous les accusés sont Palestiniens. L’un siège à Salem au Nord de la Cisjordanie, alors que le plus connu siège à la prison militaire de Ofer près de la colonie de Givat Ze’ev. C’est là que Mohammed a attendu ce mardi pendant des heures.
A 10h du matin, il était assis dehors sous le soleil brûlant, et à 13h il attendait toujours d’entrer dans la structure préfabriquée surpeuplée, mais le tour de son fils devant le juge n’était toujours pas arrivé. Parfois il s’asseyait, parfois il se tenait debout, parfois il marchait entre les chaises et la cafétéria qui était fermée. Cette année, le Ramadan dure tout le mois d’avril – donc à la cafétéria on ne mange pas, on prie. Au moins, près de la cafétéria il y a de l’ombre.
Accord sans négociation
Les négociations de peine sont également courantes dans les tribunaux israéliens, mais elles sont plus rares que dans les tribunaux militaires. Selon le procureur de l’État, en 2020, 83 % des condamnations étaient le résultat de négociations de peine. En ce qui concerne les infractions à la sécurité, le chiffre est maintenant similaire à celui de la Cisjordanie, soit 93 %.
« Je sais qu’en Israël, si on a moins de 18 ans, on peut aller en interrogatoire accompagné par son père et consulter un avocat. Ils ne m’ont pas laissé entrer et ne lui ont pas donné d’avocat »
Mohammed, père d’un adolescent qui a été arrêté.
Mais les différences entre les tribunaux de Cisjordanie et d’Israël s’observent dès le moment de l’arrestation, suivi des audiences à différentes phases. Elles se manifestent dans les lois, dans le personnel du système d’application de la loi et dans les conditions auxquelles sont confrontés les avocats de la défense.
Une différence essentielle est le délai entre l’arrestation et la comparution devant un juge. En Israël, les suspects voient un juge dans les 24 heures ; un suspect de terrorisme peut attendre 48 heures. En Cisjordanie, s’il s’agit d’un Palestinien et d’une accusation portant sur la sécurité, le suspect peut attendre 96 heures.
Un autre exemple concerne le droit d’un mineur à bénéficier de la présence d’un parent pendant l’interrogatoire. En Israël, c’est la norme. En Cisjordanie, ce droit n’existe pas. Et en théorie, les Palestiniens ont aussi le droit de consulter un avocat, mais Mohammed déclare que son fils n’a pas été autorisé à voir un avocat avant son interrogatoire.
Mohammed dit qu’il a des doutes sur tout ce qui s’est passé, même avant l’interrogatoire. Il a dit qu’il a été approché par un homme du Shin Bet. « Il m’a dit que mon fils était recherché et que je devais l’amener à Binyamin » dit Mohammed, faisant référence au quartier général de la police régionale.
« Je l’ai emmené là-bas. Je sais qu’en Israël, si on a moins de 18 ans, on peut aller en salle d’interrogatoire avec son père et consulter un avocat. Ils ne m’ont pas laissé entrer et ils ne lui ont pas donné d’avocat. L’avocat est arrivé deux heures après le début de l’interrogatoire. »
Si Mohammed cherche un peu d’optimisme, les chiffres de 2014 à 2018 - fournis à la suite d’une demande de liberté d’information par le professeur Neta Ziv et l’avocat Nery Ramati - ne sont pas l’endroit pour le trouver. Pour chacune de ces années, entre 4 390 et 5 500 dossiers ont été ouverts, dont 90 % ont donné lieu à des mises en examen. En Israël, le ministère public a ouvert quelque 30 000 dossiers par an entre 2015 et 2018, donnant lieu à environ 4 000 mises en examen chaque année, soit environ 13 %. La plupart des affaires ont été classées sans qu’aucune mesure ne soit prise.
"La force des preuves n’a pas d’importance. Dans le système militaire, cela se termine par une mise en accusation. Il n’y a pas de filtres qui permettent d’écarter les cas faibles en termes de preuves ou d’intérêt public", explique Ben-Natan, qui rejette la faute sur un facteur principal : les poursuites militaires.
Comme le dit l’avocat Jamil Khatib (intervenant fréquemment au tribunal militaire de Salem) : "Le seuil de preuve est plus bas dans les tribunaux militaires pour déposer un acte d’accusation".
À l’été 2019, par exemple, Mahmoud Qatusa, du village palestinien de Deir Qadis, a été arrêté parce qu’il était soupçonné d’avoir violé une fillette de 7 ans dans une colonie, et a été inculpé quelques semaines plus tard. Mais il s’est rapidement avéré que les preuves n’étaient pas assez solides et le parquet militaire a dû se rétracter après que Qatusa ait passé 55 jours derrière les barreaux.
« Jeune adulte »
La salle d’audience n°7 est une structure particulièrement petite dans la rangée de préfabriqués à Ofer. Elle accueille les audiences à la manière d’un tapis roulant et dans une pièce très bondée. À tout moment, trois à cinq suspects y sont entassés, ainsi que des proches, une poignée d’avocats, des procureurs et des soldats, dont le rôle n’est pas toujours clair.
C’est là que le fils de Mohammed a été enfin amené. Officiellement c’était une audience à huis clos, en raison de son âge. Mais à cause du flux constant de personnes qui entrent et sortent, la porte est généralement ouverte.
La porte non fermée ouvre sur une autre question : pourquoi un tribunal pour les mineurs a-t-il été créé à Ofer il y a 13 ans si la vie privée d’un adolescent de 15 ans n’est pas protégée et si le juge entend des affaires concernant à la fois des mineurs et des adultes ? La réponse est que le tribunal pour les mineurs ne traite que des affaires, et non des arrestations. Il n’est pas certain que les parents d’un mineur israélien seraient satisfaits d’une telle réponse, qu’ils n’obtiennent heureusement pas.
En Israël, l’âge de 18 ans distingue un adulte d’un mineur, mais dans le cas des Palestiniens de Cisjordanie les choses sont plus complexes. Un enfant entre 12 et 14 ans est appelé « jeune » tandis que celui qui a entre 14 et 16 ans est un « adulte de jeune âge. »
Cette dernière catégorie est surtout importante pour la prolongation de la détention d’un suspect. En Israël, un mineur doit être amené devant un juge dans un délai de 24 heures. Un « jeune adulte » palestinien peut attendre 48 heures, et s’il s’agit d’une accusation sécuritaire, cela peut prendre 96 heures, comme dans le cas d’un adulte non-jeune. Et, contrairement au droit israélien, le droit militaire autorise des peines allant jusqu’à six mois pour les enfants de 12 à 14 ans.
La détention du fils de Mohammed a été prolongée lors de cette audience et il a été inculpé - non pas pour avoir jeté des pierres mais pour avoir lancé un cocktail Molotov sur une tour de garde de l’armée. Le père est toujours convaincu que ceci n’a pas eu lieu.
Mohammed n’a appris le changement qu’après l’audience. Pendant celle-ci, lui et son fils ne pouvaient pas entendre ce qui était dit dans la structure préfabriquée ; le tumulte était trop important. Et pendant tout ce temps, lui et son fils ont essayé de communiquer à distance l’un avec l’autre.
Même s’ils s’étaient efforcés d’écouter avec plus d’hardeur, cela n’aurait probablement pas aidé. Les audiences sont menées en hébreu. Un traducteur en uniforme de l’armée est présent, mais la qualité de la traduction est variable.
« Je ne comprends pas entièrement ce qu’ils disent à l’intérieur » déclare Mohammed. « Le traducteur traduit en partie, mais pas tout ; 90 % n’est pas traduit. L’avocat a fini par nous dire que ceci et cela s’était produit. »
Un autre Mohammed, âgé celui-ci de 23 ans, était à Ofer la semaine dernière. Il avait déjà fait une ou deux incompréhensions. Lui et son cousin étaient venus pour accompagner le frère de Mohammed, qui était suspecté d’avoir jeté des pierres. Son cousin s’est assis avec lui dans la salle d’attente, principalement pour lui tenir compagnie.
Conformément aux règles sur la COVID (en vigueur dans le système de justice militaire bien qu’elles aient été levées en Israël), un seul parent au premier degré est autorisé à entrer dans l’enceinte du tribunal. Avant la pandémie, deux membres de la famille étaient autorisés ; en Israël, il n’y a pas de telles restrictions.
Les deux cousins, assis en s’ennuyant sous le soleil brûlant, ont dit qu’ils avaient aussi été derrière les barreaux à Ofer. L’un avait été en détention administrative - détention sans procès - pendant deux ans, l’autre avait été inculpé pour avoir jeté des pierres.
« Je n’ai rien compris à l’audience et je n’ai rien compris à ce qui se passait » dit Mohammed. Arrêté à 19 ans, il est resté en prison pendant un an et demi. Son affaire s’est également terminée par une négociation de peine, bien qu’il affirme qu’il n’était pas coupable.
« Je n’ai pas jeté de pierres. Ils m’ont arrêté au milieu de la nuit parce que quelqu’un m’a dénoncé » dit-il. Son cousin désigne un soldat qui se tient à proximité : « le juge à l’intérieur portait un uniforme comme le sien, ce sont les mêmes. »
L’avantage du terrain à domicile
Le sentiment du « eux et nous » est palpable au tribunal. « Lorsqu’une audience se tient dans un tribunal civil, il y a un équilibre entre les personnes représentant l’État et l’accusé » explique l’avocat Nashef Darwish. « Ils sont tous les deux israéliens. »
A Ofer il y a une séparation nette. Les juges sont des officiers de réserve ou de carrière, en uniforme. Les procureurs, les greffiers et les traducteurs sont aussi en uniforme. Les avocats de la défense sont des civils ; les accusés portent l’uniforme fourni par les services pénitentiaires israéliens.
Dans la petite salle, l’on voit l’emblème de l’État d’Israël, ainsi que les emblèmes de l’armée et du système de tribunaux militaires. Et selon une nouvelle directive, il n’est pas permis de photographier le personnel militaire ; c’est-à-dire toute personne qui n’est pas palestinienne ou civile.
De plus, outre le fait que le droit militaire change fréquemment, les avocats, comme leurs clients, souvent, ne parlent pas couramment l’hébreu ou ne connaissent pas suffisamment le droit israélien.
« Certains avocats ont une licence de l’Autorité palestinienne, et la plupart d’entre eux ne connaissent pas la langue comme il faut »,déclare un avocat de la défense qui représente souvent des clients devant les tribunaux militaires. « Le tableau est ici très sombre, malheureusement, tant en ce qui concerne les avocats de la défense que le système lui-même. »
Cet avocat a également décrit le cas d’un mineur d’Abu Dis qui était représenté par un avocat du Club des prisonniers palestiniens qui a accepté la détention jusqu’à la fin de la procédure. La famille s’est donc tournée vers l’avocat qui représente souvent des clients devant le tribunal militaire.
« J’y suis allé et j’ai vu dans le dossier qu’il n’y avait aucune preuve contre lui, alors j’ai demandé une autre audience , a-t-il dit. « Le gamin a été libéré et l’affaire a été classée. »
Un autre avocat représentant des Palestiniens à Ofer le concède : « Tout le système est négligent, malheureusement de notre côté aussi. »
Et parfois, ce qui se passe à Ofer reste à Ofer. Selon la loi, les procès en Israël se déroulent portes ouvertes (sauf exceptions) et n’importe qui peut être présent, selon le principe que les audiences doivent être publiques.
Mais devant un tribunal militaire, outre le fait que les détenus n’ont droit à la présence que d’un seul parent, les journalistes et militants israéliens doivent obtenir l’autorisation de l’armée. Par exemple, Haaretz a demandé à l’unité du porte-parole des forces de défense israéliennes l’autorisation d’assister aux audiences décrites dans cet article. Le soldat de l’autre côté de la ligne a répondu : « Je dois comprendre davantage les détails pour autoriser cela. »
L’autorisation a finalement été accordée, mais, comme d’habitude, avec un accompagnement étroit de l’unité du porte-parole. Dans les tribunaux israéliens, en revanche, aucun arrangement de ce type n’est requis.
Il y a également des obstacles si vous voulez connaître le résultat des audiences à Ofer. Alors que les procès-verbaux et les décisions des tribunaux israéliens sont publiés sur un site Internet, les tribunaux militaires ne disposent pas d’un tel site. Pour connaître un résultat, vous devez déposer une demande auprès de l’unité du porte-parole des FDI.
"Terroriste des mots"
Mohammed, le père du mineur (« l’adulte de jeune âge ») inculpé pour avoir lancé un cocktail Molotov, est maintenant chez lui à Jalazun. Il ne sait toujours pas quand il pourra revoir son fils.
« Il y a de l’oppression ici. J’ai travaillé dans l’industrie du verre pendant de nombreuses années à Jérusalem, je mange dans les maisons des Juifs, nous rions ensemble, nous ne nous battons pas. J’éduque aussi mes enfants pour qu’ils aspirent à une bonne vie aux côtés des Juifs » dit-il.
« Le Shin Bet est embrouillé. Dès qu’ils jettent leur dévolu sur mon fils, ils ne font pas quelque chose de bien. Dans la tête [de son fils] c’est mauvais. Il n’a pas fait ce qu’ils disent, et à cause de ce qu’ils lui font, il finira par haïr les Juifs. »
Mohammed est inquiet pour l’avenir de son fils, et plus l’entretien dure, plus il commence à craindre pour son propre sort.
« J’ai peur que lorsque je vous parle, quelqu’un vienne me dire : « Pourquoi lui avez-vous parlé ? » dit-il. « J’ai peur que le simple fait de vous parler fasse de moi un terroriste. On dira que je suis un terroriste des mots. »
L’unité du porte-parole des FDI a répondu : « Les tribunaux militaires traitent principalement des délits de sécurité et agissent conformément à la loi qui s’applique en Judée et Samarie [Cisjordanie]. Ces dernières années, quelques lois ont été modifiées, contenant de nombreux éléments essentiels du droit israélien, mais adaptés à la situation sécuritaire. Le seuil de preuve requis pour l’inculpation et la condamnation est totalement identique à celui requis en Israël, et les décisions des tribunaux sont prises sur la base des mêmes critères. »
« La durée de la détention initiale des suspects est déterminée en fonction de la situation en matière de sécurité et des caractéristiques uniques de l’application de la loi dans les infractions liées à la sécurité - celles-ci sont examinées par la Cour suprême. Après le dépôt d’un acte d’accusation, la possibilité d’une alternative à la détention est examinée par la cour sur le fond. »
« En raison de la situation sécuritaire, les possibilités de libération des suspects dans les affaires de sécurité et les alternatives à la détention sont limitées. Dans les tribunaux israéliens également, la libération des suspects en matière de sécurité est très exceptionnelle. L’affirmation selon laquelle toutes les affaires se terminent par des négociations de peine n’est pas correcte. Le pourcentage de négociations de peine dans les tribunaux militaires n’est pas différent de celui d’Israël. Les audiences sont traduites en temps réel en arabe et les actes d’accusation sont traduits."
L’armée a ajouté : « Les audiences sur la prolongation de détention des mineurs se tiennent à huis clos, et non comme affirmé. Les restrictions sur le nombre de visiteurs résultent de la taille des salles, de considérations sécuritaires, du maintien de l’ordre et de restrictions dues à la COVID. La coordination est nécessaire en raison de la localisation des tribunaux sur des bases militaires. Les décisions des cours d’appel et de nombreuses juridictions inférieures sont publiées sur les bases de données judiciaires habituelles. »
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du groupe de travail AFPS sur les prisonniers politiques palestiniens