Photo : Les camions du PAM ont commencé à entrer dans Gaza par les passages de Zikim et Kerem Shalom, le 19 janvier 2025 © Programme Alimentaire Mondial
Une disposition visant à augmenter l’aide entrant dans la bande de Gaza dans le cadre du cessez-le-feu est bienvenue mais insuffisante, et montre qu’Israël aurait pu autoriser plus de nourriture, de médicaments et d’autres fournitures dans la bande pendant la guerre, ont déclaré des experts humanitaires et juridiques.
L’accord conclu cette semaine permet l’entrée de 600 camions d’aide par jour dans la bande de Gaza, où neuf Palestiniens sur dix souffrent de la faim et où les experts mettent en garde contre l’imminence d’une famine dans certaines zones. Israël est accusé d’utiliser la famine comme arme de guerre.
Tania Hary, directrice exécutive de Gisha, une organisation israélienne de défense des droits humains qui a saisi la Haute Cour de justice israélienne au sujet de l’absence d’aide à Gaza, a déclaré : « Nous avons dit tout au long de la guerre qu’Israël aurait toujours pu faire plus pour augmenter l’aide et cette clause est en fait un aveu. »
« Nous ne nions pas qu’en l’absence d’hostilités, il sera plus sûr pour les camions et les travailleurs de se déplacer dans Gaza, mais ce n’est pas le seul facteur ou le facteur déterminant dans la quantité d’aide qui est parvenue aux gens. »
« Nous croyons savoir que le Cogat (l’autorité israélienne chargée de coordonner l’aide) est prêt à accélérer les réponses aux demandes d’aide afin d’atteindre l’objectif fixé dans l’accord de cessez-le-feu. Je ne vois rien de plus flagrant que d’admettre que, jusqu’à présent, ils ont fait le contraire ».
Les nouvelles livraisons d’aide seront réparties dans la bande de Gaza : environ 300 camions iront au nord, 250 au sud, et 50 camions de carburant seront répartis entre les deux zones pour les transports et les besoins en infrastructures de base, ont indiqué des sources au Guardian.
Les fournitures envoyées dans le nord de la bande de Gaza devraient provenir de Jordanie ou arriver au port israélien d’Ashdod, tandis que celles envoyées dans le sud par Kerem Shalom devraient provenir d’Égypte, de Cisjordanie et d’Israël.
La situation à Gaza est désespérée. Neuf maisons sur dix ont été endommagées ou détruites, 1,9 million de personnes sont déplacées, le système médical est paralysé et l’accès à l’eau potable est limité.
Juliette Touma, directrice de la communication de l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, a déclaré : « Les gens ont tout perdu, ils ont besoin de tout. Toute augmentation, toute amélioration par rapport à la situation actuelle sera la bienvenue ».
Pourtant, les dispositions de l’accord sont loin d’être suffisantes. Avant la guerre, lorsque l’économie de Gaza fonctionnait et que des fermes fournissaient des produits frais, environ 500 camions entraient chaque jour. Au cours des 15 mois de combats, les livraisons n’ont jamais approché ce niveau. Au cours des derniers mois, les chiffres de l’ONU ne font état que de quelques dizaines de camions entrant dans la bande de Gaza.
Hassan Jabareen, directeur de l’ONG de défense des droits humains Adalah, qui participe également à la pétition de la Haute Cour sur l’accès à l’aide, a déclaré : « Les quantités sont similaires à celles d’avant la guerre, mais il s’agissait alors de répondre à des besoins courants de manière organisée. Aujourd’hui, après la guerre, il y a de graves pénuries et les gens ont des besoins beaucoup plus importants ».
Israël nie les allégations selon lesquelles il affamerait délibérément les Palestiniens de Gaza. Les autorités ont déclaré à plusieurs reprises qu’elles n’avaient fixé « aucune limite » à l’entrée de l’aide pendant la guerre, imputant les pénuries aux défaillances logistiques des organisations humanitaires et à la violence à l’intérieur de la bande de Gaza.
Itamar Mann, professeur agrégé de droit à l’université de Haïfa, a déclaré que cet argument n’était « pas crédible », même avant le cessez-le-feu, et que l’accord pourrait constituer la preuve d’un crime de guerre.
M. Mann a déclaré : « Pour simplifier, le fait que l’accord augmente le montant de l’aide montre qu’Israël contrôle, et a contrôlé tout au long de la guerre, le montant de l’aide qui entre dans la bande de Gaza.
« Cela montre qu’Israël a intentionnellement réduit la quantité d’aide, ce qui est la preuve d’un crime de guerre dans une situation où une partie de la population souffre de la famine.
Le Cogat et l’armée israélienne n’ont pas répondu aux questions concernant les dispositions relatives à l’augmentation de l’aide et les moyens mis en œuvre pour y parvenir.
Les changements attendus pour faciliter l’augmentation de l’aide comprennent la levée des limites sur la quantité d’argent que les humanitaires peuvent apporter à Gaza et l’ouverture simultanée de deux points de passage vers le nord.
L’acheminement de l’aide à travers la frontière n’est toutefois que la première étape de la lutte contre la faim. Sur le terrain, les défis sont nombreux : routes endommagées, pénurie de camions, entrepôts en ruine et effondrement de l’ordre civil dans certaines zones.
Plus des trois quarts de la population de Gaza se sont réfugiés dans le sud après les ordres d’évacuation israéliens, mais la majeure partie de l’aide doit être livrée dans le nord.
Un corridor contrôlé par les forces israéliennes traverse la bande de Gaza. Si les habitants ne sont pas autorisés à le traverser pour rentrer chez eux - ou à l’endroit où se trouvaient leurs maisons - l’aide risque d’être séparée d’une grande partie de la population.
Les difficultés seraient amplifiées par une loi israélienne, qui devrait entrer en vigueur dans quelques semaines, et qui vise l’UNRWA, l’épine dorsale de la logistique de l’aide à Gaza depuis des décennies.
« Ce projet de loi ne devrait pas être mis en œuvre », a déclaré Mme Touma. « L’UNRWA est la plus grande organisation humanitaire à Gaza et le monde aura besoin de nous pour cela.
En tant que puissance occupante, Israël est légalement responsable de veiller à ce que la nourriture parvienne à ceux qui ont faim, a déclaré M. Mann. « La logistique de la distribution à l’intérieur de Gaza est aussi importante que l’acheminement de l’aide à Gaza. »
Michael Sfard, avocat israélien spécialisé dans les droits humains, a déclaré que l’obligation légale de répondre aux besoins fondamentaux des civils signifiait que la nourriture et les autres fournitures devaient faire partie de la planification militaire, et non être utilisées comme levier dans un accord.
« Cette partie de l’accord m’étonne », a déclaré M. Sfard à propos de la disposition relative à l’acheminement de l’aide. « Il s’agit d’une clause qui dit essentiellement que la partie A accepte de respecter le droit international. »
Traduction : AFPS