Mardi 25 octobre - "L’arbre est à moitié sec"
"Nous avons rendez-vous à 9h30 sous la colonie d’Otn’iel, au sud de Yatta, pour une cueillette sans autorisation. Nous prenons un taxi en direction du nord de Halhul pour rejoindre la route de contournement qui mène de Halhul à Hébron. Un embouteillage monstre indique que c’est fermé de ce côté. Demi-tour et route vers Yatta par la ville d’Hebron. Le taxi nous dépose au barrage à 9h30 et très vite nous nous rendons compte que l’accès est fermé pour les taxis. Nous devons par conséquent marcher sous le soleil pendant 6 km pour rejoindre le lieu de la cueillette.
Nous laissons à notre droite la prison de Majnouneh, au milieu de serres palestiniennes. Au bout de quelques minutes, une voiture de police s’arrête à notre hauteur et deux policiers nous interrogent sur notre destination, sans demander les passeports. Il nous faut 1h15 de marche pour atteindre le lieu choisi. L’occasion d’échanges divers.
R. nous raconte comment il a été interné dans une prison israélienne située dans le désert du Neguev pendant la première Intifada, et comment les prisonniers palestiniens ont fait une grève de la faim après s’être fait tirer dessus par les soldats. Nous remarquons aussi les barrages de terre qui bouchent toutes les routes permettant de rejoindre les villages de part et d’autre de la route. Des dizaines de voies de communication sont barrées de cette manière, rendant difficile et, dans certains cas, impossible le passage d’une zone à une autre.
Nous arrivons à 10h45 au lieu de rendez-vous, en face du camp militaire israélien qui se trouve près de la colonie d’Otn’iel. Un agriculteur vient nous chercher.
Nous nous divisons en deux groupes. Un premier groupe part avec une agricultrice pour cueillir directement sous le camp militaire. Un second part en contre-bas de la route dans l’autre partie de la propriété. Le premier groupe est en compagnie de quatre femmes palestiniennes : une femme âgée, deux femmes enceintes et une plus jeune qui reste à l’écart. Nous avançons arbre par arbre.
La densité des olives est variable, de même que les variétés : de grosses olives vertes en train de mûrir, d’autres plus petites. Les échanges sont difficiles à cause de la barrière de la langue. Nous renonçons à cueillir les olives d’un arbre qui pousse au milieu d’un cloaque formé par le déversement des égouts du camp militaire. L’arbre est à moitié sec, brûlé, et les eaux usées de couleur blanchâtre se déversent à ses pieds.
A 12h45, trois jeunes garçons palestiniens de sept à dix ans nous rejoignent et nous apostrophent. Nous faisons une séance de photos avec eux pour les calmer. Quel plaisir pour eux de se voir sur l’écran et de voir des photos de la Bretagne !
Vers 13h, deux d’entre nous et la femme la plus jeune vont voir les oliviers qui se trouvent sous la clôture du camp militaire, mais il n’y a pas d’olives.
Nous cueillons jusqu’à 13h15. La récolte du jour fait environ 60 kilos pour ce groupe. Juste avant de rejoindre le taxi qui doit nous ramener, une jeep militaire de l’armée israélienne s’arrête et trois soldats ordonnent aux femmes de quitter les lieux. Nous les aidons à porter les sacs au bord de la route où ils seront chargés sur un âne amené par un jeune garçon.
Le second groupe arrive à ce moment là, après avoir fait une courte interview de M., le propriétaire du terrain.
Sur le chemin du retour, nous nous faisons arrêter une première fois au barrage qui se trouve près du camp de réfugiés d’Al Fawwar, puis une deuxième fois à l’entrée d’Halhul, où nous devons attendre une dizaine de minutes.
Après avoir traversé à pied les deux barrages de terre et de gravats qui bouchent l’entrée du village, le groupe se sépare à nouveau : trois d’entre nous partent visiter la ville d’Hébron et les autres rejoignent la maison de R.
La situation de la ville d’Hébron évolue tous les ans de façon dramatique. Un nouveau système de sécurité construit par les autorités d’occupation israéliennes gène l’accès à la vieille ville : portes à tourniquet qui peuvent être bloqués par un système électrique et détecteurs de métaux pour l’accès à la mosquée, plusieurs nouveaux postes d’observation répartis dans la ville, présence militaire continuelle pour contrôler les mouvements des Palestiniens ou protéger les Colons.
Hébron est le seule ville de Cisjordanie où une colonie est implantée à l’intérieur même de l’agglomération. Elle est habitée par une des fractions les plus intégristes des Colons, dont l’idéologie fasciste et ultra-orthodoxe les a rendus tristement célèbres. Il sont environ trois cents. Quatre mille soldats sont là pour les protéger."