Dimanche, le ministère de la santé de la bande de Gaza, dirigé par le Hamas, a annoncé que le nombre de Gazaouis tués depuis le début de la guerre avait dépassé les 50 000. Mais pour les médias internationaux, il ne s’agissait que d’une déclaration de presse de plus, même si, dans le passé, de tels chiffres auraient provoqué un choc. Et pour les habitants de Gaza, cette étape n’a rien changé.
Il n’a pas changé l’agenda des pays arabes et islamiques, ni celui de la communauté internationale au sens large. Et il est certain qu’en Israël - qui est occupé par des questions plus importantes, comme le licenciement du procureur général, l’adoption du budget et la conclusion d’un nouvel accord avec les ultra-orthodoxes - personne ne sera choqué.
Dans le discours israélien, la plupart des morts sont des « terroristes » qui méritent de mourir. Et si des femmes, des enfants et des personnes âgées sont tués au cours de l’opération, ce ne sont que des dommages collatéraux. C’est la déshumanisation des Palestiniens à son paroxysme.
Même les habitants de Gaza ne sont pas préoccupés par le nombre de morts ces jours-ci. Ils sont occupés par des questions de survie quotidienne : les attaques israéliennes seront-elles aussi nombreuses qu’avant le cessez-le-feu ? La totalité de Gaza sera-t-elle réoccupée ? Qui mourra aujourd’hui ou demain ?
La survie à Gaza est très temporaire ces jours-ci. Si la mort ne vient pas d’une frappe aérienne ou d’un tir d’artillerie, elle peut venir de la maladie, de la faim ou du froid - les bébés sont particulièrement vulnérables.
Même les efforts pour rechercher des corps sous les décombres ont disparu. Les demandes antérieures adressées à Israël pour qu’il laisse entrer du matériel lourd de génie civil à des fins humanitaires et élargisse l’accès à l’aide humanitaire et aux tentes, comme le prévoyait l’accord de cessez-le-feu, ont été remplacées par des demandes visant à ce qu’il mette fin aux attaques.
Le Hamas comprend également que ses appels quotidiens à une intervention arabe et internationale tombent dans l’oreille d’un sourd. La lecture de ses déclarations à la presse montre qu’il ne cesse de recycler des sujets de conversation qui n’exercent aucune influence. Pourtant, le Hamas continue d’insister, au moins de manière déclarative, sur le fait qu’il ne libérera plus d’otages israéliens sans un accord mettant fin à la guerre.
Cette position a été renforcée par l’annonce faite dimanche par le ministre de la défense, Israël Katz, selon laquelle le cabinet de sécurité a approuvé une administration chargée de faciliter le « passage volontaire » vers des pays tiers de tous les habitants de Gaza qui le souhaitent. Cela montre une fois de plus que le gouvernement israélien n’a pas vraiment l’intention de faire avancer un plan qui aboutirait à un retrait total d’Israël de la bande de Gaza à court terme.
Et compte tenu du temps nécessaire au processus - mise en place de l’administration, obtention du consentement des parties concernées et recherche de pays disposés à absorber les Palestiniens - toute discussion sur les deuxième et troisième phases de l’accord de cessez-le-feu semble inutile. Un pays qui prévoit un mouvement aussi spectaculaire, que les Palestiniens n’ont pas connu depuis 1948, ne peut pas laisser un vide à Gaza, ni permettre à une autre puissance - et certainement pas au Hamas ou à l’Autorité palestinienne - de diriger Gaza et de contrecarrer le plan.
Cette administration de l’émigration volontaire - ou, pour l’appeler par son vrai nom, l’administration chargée d’encourager les transferts forcés - ne peut fonctionner si Israël ne contrôle pas tout à Gaza, y compris les civils qu’il cherche à expulser. Ces civils paient aujourd’hui encore le prix de la guerre, même si nombre d’entre eux n’ont aucun lien avec le Hamas. Mais ils veulent vivre comme des êtres humains, et non comme des moutons que l’on peut abattre ou vendre selon le bon vouloir du berger.
Et même si l’annonce de M. Katz n’était qu’une opération de relations publiques ou une tentative de faire pression sur le Hamas pour qu’il libère davantage d’otages, elle éloignera toute chance de parvenir à un accord. Elle place donc tout le monde à Gaza, Palestiniens et otages israéliens confondus, dans le même piège.
Bien que les principes nationaux palestiniens rejettent tout plan de transfert de population, les habitants de Gaza parlent à nouveau de cette question. Mais même ceux qui envisagent en privé de partir comprennent que ce que propose Israël, avec l’encouragement du président américain Donald Trump, est irréalisable et ne leur offre aucun salut.
Et même ceux qui seraient prêts à partir dans ces conditions se moquent des destinations qu’Israël et l’Amérique envisagent, notamment le Soudan, la Somalie et le Somaliland. C’est une preuve supplémentaire de la profondeur du racisme et de l’approche colonialiste des deux gouvernements.
Même pour les habitants de la bande de Gaza détruite, ces destinations sont considérées comme des cimetières et non comme des lieux de vie. Et s’ils doivent mourir de toute façon, les Gazaouis préfèrent le faire à Gaza - même si le nombre de morts atteint 60 000.
Traduction : AFPS