« Avant l’Intifada mon mari et moi nous travaillions dans la vallée du Jourdain, nous cueillions les fruits. Nous étions payés au jour le jour. Nous avons travaillé plus de 10 ans là-bas. Beaucoup des habitants de notre village travaillaient pour un salaire quotidien dans la vallée du Jourdain parce que notre village est petit et qu’il n’y a pas beaucoup de travail. En plus du salaire nos employeurs nous donnaient aussi une part de la récolte, ce qui nous permettait de ne pas acheter de fruits et légumes au marché.
Il y a environ 3 ans l’armée israélienne a commencé à interdire l’accès par le check- point de Hamra à ceux qui n’habitent pas la vallée. On a alors perdu notre gagne pain. Notre situation a commencé à se détériorer sérieusement. Mon mari a cherché du travail mais il n’a pas réussi à en trouver. Il a emprunté de l’argent pour acheter une voiture pour transporter des provisions au magasin d’alimentation du village et pour transporter des produits laitiers pendant le printemps. Mais ce travail n’ a pas procuré beaucoup d’argent et il ne peut rembourser l’emprunt.
Je ne sais pas pourquoi l’armée ne veut pas nous laisser aller dans la vallée du Jourdain. Je crois qu’ils veulent simplement nous humilier. Peut-être qu’ils veulent nous faire mourir de faim.
J’ai une fille, Hiba, qui a 17 ans. En 2003 elle a épousé un homme de Jiftlik [1]. Depuis qu’elle s’est mariée, personne de la famille n’a pu la voir même pendant les jours de congé, parce que l’armée ne nous laisse pas passer le check-point de Hamra. Même quand ma fille a accouché de son premier enfant, je n’ai pas pu aller les voir, elle et le bébé, pour avoir de leurs nouvelles. Je n’ai pu voir ma fille que 2 mois après la naissance quand elle est venue nous rendre visite.
Il y a environ 2 semaines elle a eu son deuxième enfant, par césarienne, mais je n’ai pas pu aller la voir. Je suis allée au check-point, en priant Dieu que les soldats me laissent passer mais ils n’ont pas voulu. J’ai dit à un des soldats que ma fille vit à Jiflik, qu’elle venait d’accoucher et d’avoir une césarienne et que tout ce que je voulais c’était la voir. Je l’ai supplié de me laisser passer, j’ai promis que je reviendrais d’ici une heure, mais il ne m’a pas autorisée à passer. Je lui ai dit que je voulais bien lui laisser ma carte d’identité en garantie que je reviendrais quand il me le dirait. Mais il a refusé ça aussi. Je suis rentrée chez moi en pleurs, j’étais si malheureuse. »
Ni’meh ’Ali Abu Zahara, 45 ans, est mariée, au chômage ; elle habite à a-Nassariya, dans le district de Naplouse.
Son témoignage a été recueilli par Salma Deba’i à a-Nassariya, le 22 janvier 2006.