29 décembre 2020
Deux sous-marins sont partis il y a plusieurs semaines de ports différents, en se dirigeant dans la même direction principale : l’Iran. L’un était le sous-marin lanceur de missiles « Georgia » de la Marine des États-Unis, sous-marin nucléaire d’attaque. L’autre était un sou- marin israélien, un sous-marin à moteur diesel de la classe Dolphin souvent utilisé pour la collecte de renseignements, qui a franchi le Canal de Suez il y a trois semaines. Selon certaines informations l’Égypte a autorisé le passage, en envoyant un pilote égyptien à bord du sous-marin, qui selon des rapports étrangers peut accueillir des missiles de croisière à charge nucléaire, alors qu’il entrait dans le canal et l’a accompagné tout au long du passage. Une fois le pilote débarqué, le sous-marin israélien a continué vers la Mer Rouge, à partir de laquelle il aurait pu virer à bâbord en direction du Détroit d’Ormuz.
Les deux voyages étaient-ils liés ? Selon des sources des services de renseignements occidentaux, les vaisseaux participaient à une démonstration de force coordonnée américano-israélienne destinée à indiquer à l’Iran que toute tentative de profiter de la période de transition présidentielle pour régler des comptes avec les États-Unis ou Israël se heurterait à une riposte immédiate et vigoureuse.
L’histoire du sous-marin israélien a d’abord été révélée le 21 décembre. La chaîne Kan, chaîne publique israélienne de télévision, a rapporté qu’un sous-marin israélien avait franchi le Canal de Suez « ouvertement et avec l’accord de l’Égypte ».
Le reportage a cité des sources des services de renseignement arabes, sans qu’Israël ne l’ait démenti. Le même jour, le chef des Forces de Défense Israéliennes, le Lieutenant-Général Aviv Kochavi a publié un avertissement en direction de l’Iran. « Nous avons dernièrement remarqué une augmentation des menaces iraniennes contre l’État d’Israël. Si l’Iran et ses alliés, membres de l’axe de radicalité, agissent, soit directement soit par procuration, contre l’État d’Israël, ils se trouveront dans une entreprise très coûteuse » a déclaré Kochavi lors d’une cérémonie militaire de remise de récompenses. « Les FDI frapperont tous ceux impliqués dans des activités contre l’État d’Israël ou contre des cibles israéliennes, en partie ou en totalité, de près ou de loin ».
Les regards israéliens sont concentrés sur le 3 janvier, anniversaire de l’assassinat du commandant des Gardiens de la Révolution iraniens, Qasem Soleimani. Les sources des services de renseignement occidentaux attribuent la déclaration exceptionnellement détaillée de Kochavi aux évaluations des services de renseignement selon lesquelles l’Iran prévoit des représailles contre Israël pour cet incident ou d’autres incidents de sécurité attribués à Israël quelques jours avant que le président Donald Trump ne quitte le Bureau ovale ou peu après, avant que son successeur Joe Biden n’ait le temps de s’installer.
La dernière fois où l’on a rapporté qu’un sous-marin israélien avait franchi le Canal de Suez remonte à 2009. Selon les évaluations des services de renseignement étrangers, de tels vaisseaux ne l’ont fait que quelques fois au cours de années suivantes. « Quelqu’un a voulu que la traversée ait un retentissement dans tout le Moyen-Orient, et surtout à Téhéran », a déclaré à Al-Monitor un diplomate en poste au Moyen-Orient qui a demandé à garder l’anonymat. « Quelqu’un a voulu que cela arrive en même temps que le déploiement de la Géorgie à la région, et la marchandise a été livrée dans son intégralité. »
Selon diverses théories qui circulent au Moyen-Orient, Trump prévoit une frappe préventive sur l’Iran juste avant de quitter sa charge. Ces théories sont fondées sur des rumeurs et sur les détails d’événements réels, tels que des survols de la région par un bombardier des États-Unis, l’envoi de sous-marins et de porte-avions en direction du golfe Persique bien sûr, et le renvoi par Trump de son secrétaire à la défense peu après les élections de novembre.
Il est plus probable que nous ayons affaire à un plan beaucoup plus limité. Les sources diplomatiques font référence à des rapports de services de renseignement parvenant à Israël et aux États-Unis concernant un projet de représailles iraniennes. Par conséquent, Israël et les États-Unis pourraient prendre des mesures de dissuasion.
Pour souligner le message de prudence, le porte-parole des FDI, le général de brigade Hidai Zilberman, a accordé une interview au site internet saoudien Elaph, faisant ouvertement référence au passage par le sous-marin israélien du canal de Suez. Les sous-marins israéliens, a-t-il déclaré en utilisant le pluriel, « naviguent partout tranquillement ». Zilberman n’a pas confirmé le passage rapporté mais a déclaré que les FDI agissent librement partout au Moyen-Orient. Il a aussi remarqué que Israël surveille étroitement les mouvements iraniens dans la région. L’Iran pourrait aussi essayer d’attaquer Israël à partir de l’Irak ou du Yemen et par conséquent Israël surveille aussi ces états, a-t-il déclaré.
Si le sous-marin qui est entré en Mer Rouge faisait route vers le Détroit d’Ormuz, le Yemen et l’Irak auraient été sur son parcours. Les signaux et les avertissements d’Israël sont donc à l’adresse non seulement de l’Iran mais aussi de tous ses alliés dans la région et à tout endroit qui pourrait servir de base de lancement pour une attaque contre lui.
Avec l’anniversaire le 3 janvier de l’assassinat de Soleimani, le passage de pouvoir à Washington le 20 janvier, les élections israéliennes le 23 mars et les élections présidentielles de juin en Iran, « nous parlons d’une période décisive qui structurera le Moyen-Orient pour les années à venir », à déclaré à Al Monitor un diplomate israélien de haut rang qui a tenu à garder l’anonymat. « Nous devons rester vigilants et faire comprendre à tous que toute provocation recevra une réponse rapide et avec force ».
Au milieu des différents signaux et avertissements, Israël et l’Iran mènent une cyber-guerre constante, avec des tentatives iraniennes peu réussies pour miner la cyber-infrastructure d’Israël et des attaques de représailles attribuées à Israël. Entre-temps, Israël se dirige vers une quatrième élection en moins de deux ans, et les relations entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la défense Benny Gantz sont au plus bas. Dans cette situation chaotique, toutes les parties doivent se méfier de toute erreur de calcul qui pourrait plonger toute la région dans une conflagration dont personne ne veut.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT prisonniers de l’AFPS