Fin juin dernier, l’Union européenne a annoncé qu’elle allait reprendre le financement de deux ONG palestiniennes - Al-Haq et le Centre palestinien des droits de l’homme. Elle avait suspendu son soutien financier en mai 2021 après que les autorités israéliennes ont fourni à la Commission européenne un dossier selon lequel six ONG palestiniennes, dont Al-Haq, détournaient des fonds européens au profit du Front populaire de libération de la Palestine, qu’Israël qualifie d’"organisation terroriste".
Quelques mois plus tard, le ministère israélien de la défense a étendu cette désignation "terroriste" à ces ONG également. Les autorités européennes n’ont trouvé "aucun soupçon d’irrégularités et/ou de fraude". Pourtant, le 18 août, les forces israéliennes ont perquisitionné les bureaux de sept ONG palestiniennesen Cisjordanie occupée.
Que ce soit en réponse aux allégations infondées du dossier 2021, aux perquisitions ou aux trop fréquents assauts militaires sur Gaza, l’UE n’a pas fait grand-chose pour demander des comptes à Israël, hormis des expressions rituelles mais inefficaces de sa préoccupation. En fait, l’UE a récemment réitéré son engagement à développer des liens diplomatiques plus étroits et a accepté de reprendre les réunions du Conseil d’association UE-Israël.
Il ne s’agit pas d’une erreur diplomatique ou d’un faux pas. Il est important de comprendre que cette impunité est garantie par les termes et conditions des relations UE-Israël, où les relations politiques et économiques ne sont en aucun cas subordonnées à la nature de la conduite de ce dernier envers les Palestiniens. En conséquence, Israël peut violer délibérément les droits des Palestiniens sans craindre de représailles importantes de la part de l’UE, son principal partenaire commercial.
La carotte et le bâton
L’accord d’association UE-Israël a été ratifié par les parlements des États membres de l’UE, le Parlement européen et la Knesset et est entré en vigueur en 2000, après des décennies de preuves de violations israéliennes des droits des Palestiniens. L’accord mentionne spécifiquement "les droits de l’Homme et la démocratie" comme base de l’accord d’association. Le dialogue politique entre Israël et l’UE est censé développer "la compréhension mutuelle et la solidarité" et "la convergence des positions sur les questions internationales".
Pourtant, rien dans ce document ne reconnaît la lutte pour l’indépendance palestinienne vis-à-vis d’Israël. Les vagues références à la paix, à la démocratie et aux droits humains ne servent pas à grand-chose lorsque la "question internationale" à laquelle elles se rapportent - la politique plus large de la domination coloniale des colons israéliens sur les terres palestiniennes - n’est pas précisée.
En ce sens, l’association n’est que "carotte" et pas "bâton" et il n’est pas surprenant qu’Israël ait signé avec enthousiasme l’accord d’association en 1995.
Dans le cadre de la politique européenne de voisinage, l’UE et Israël ont également signé le plan d’action 2005 qui aborde spécifiquement "le conflit israélo-palestinien" et l’engagement de l’UE, en tant que membre du Quartet - un groupe comprenant également les États-Unis, les Nations unies et la Russie - en faveur de la solution à deux États. Pourtant, la charge de la responsabilité de promouvoir "la paix et la stabilité au Moyen-Orient" ne semble pas incomber à Israël.
Le plan d’action note bien qu’Israël doit adhérer au droit international, minimiser l’impact des "mesures de sécurité et de lutte contre le terrorisme" d’Israël sur les civils, assurer la sécurité de la circulation des "civils et des biens" et protéger "les biens, les institutions et les infrastructures". Il existe également des références génériques à "l’amélioration des conditions économiques et sociales" de toutes les populations. Toutefois, l’objectif général n’est pas motivé par les droits, la souveraineté ou la libération des Palestiniens.
Qui est responsable de la paix ? Pas Israël
L’insinuation est plutôt que les Palestiniens sont le problème et un obstacle à l’obtention de la paix et de la stabilité. Selon le plan d’action, Israël et l’UE sont chargés de soutenir l’Autorité palestinienne (AP) dans ses efforts pour "démanteler toutes les capacités et infrastructures terroristes" et mettre un terme "aux activités et à la violence terroristes".
Israël et l’UE sont également chargés de soutenir et de faciliter la bonne gouvernance, la transparence, la responsabilité, la réforme démocratique et la consolidation des services de sécurité au sein de l’AP. Dans sa conception du processus de paix au Moyen-Orient, l’UE souligne effectivement son engagement en faveur de la solution à deux États. Toutefois, tout en promettant de prendre des dispositions en matière de sécurité afin de garantir la souveraineté palestinienne, l’UE fait également référence à son souhait qu’un tel État soit "fondé sur l’État de droit et le respect des droits de l’homme".
Le sous-entendu ici est que l’absence de souveraineté serait en quelque sorte la conséquence de l’échec des Palestiniens à apaiser les préoccupations sécuritaires d’Israël.
L’UE n’est pas une partie prenante honnête
Après l’indignation mondiale suscitée par les récents raids israéliens sur les bureaux d’ONG palestiniennes, Bruxelles a décidé d’adopter un ton plus dur. "Ces actions ne sont pas acceptables", a déclaré Josep Borrell, le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Pourtant, même aujourd’hui, la préoccupation de l’UE semble se limiter à des mots. En réalité, la base juridique et politique des relations UE-Israël ne permet pas de reconnaître le rôle d’Israël en tant qu’occupant colonial. Le bloc de 27 nations n’a montré aucune volonté de changer cela.
Résultat : l’UE n’est pas une partie prenante honnête ou efficace dans la lutte pour la souveraineté et l’indépendance palestiniennes. Au contraire, son approche permet à Israël d’agir en toute impunité, au mépris des droits de l’Homme.
Traduction et mise en page : AFPS / DD