Le Parlement irlandais a voté en faveur de la condamnation de l’"annexion de facto" de terres palestiniennes par Israël. Il s’agit, selon lui, de la première utilisation de cette expression par un gouvernement de l’UE à l’égard d’Israël.
Les partis du gouvernement et de l’opposition se sont unis mercredi soir pour soutenir une motion qui condamne le traitement des Palestiniens par Israël.
Le ministre des affaires étrangères, Simon Coveney, a qualifié le vote du Dail, la chambre basse du Parlement, de "signal clair de la profondeur du sentiment irlandais".
Israël a répliqué par une déclaration ferme qualifiant la motion de "scandaleuse", "sans fondement" et de "victoire pour les factions palestiniennes extrémistes". Lior Haiat, porte-parole du ministère des affaires étrangères, a déclaré que cette motion éloignerait l’Irlande de son ambition de jouer un rôle constructif dans le conflit.
John Brady, député du Sinn Féin, le parti d’opposition irlandais, qui a parrainé la motion, a qualifié le vote de victoire pour la justice.
Le Dail a rejeté un amendement du People Before Profit, un petit parti de gauche, visant à expulser l’ambassadeur israélien.
M. Coveney a déclaré que le gouvernement de centre-droit avait soutenu la motion en raison de ce qu’il a décrit comme le traitement "manifestement inégal" du peuple palestinien par Israël.
"L’ampleur, le rythme et la nature stratégique des actions d’Israël en matière d’expansion des colonies et l’intention qui les sous-tend nous ont amenés à un point où nous devons être honnêtes sur ce qui se passe réellement sur le terrain .... Il s’agit d’une annexion de facto", a déclaré Coveney au Parlement.
"Ce n’est pas quelque chose que je, ou à mon avis cette maison, dit à la légère. Nous sommes le premier État membre de l’UE à le faire. Mais cela reflète l’énorme préoccupation que nous avons quant à l’intention des actions et, bien sûr, leur impact."
M. Coveney a également insisté pour ajouter une condamnation des récents tirs de roquettes sur Israël par le groupe militant palestinien Hamas avant d’accepter le soutien du gouvernement à la motion, qui avait été déposée par le parti d’opposition Sinn Féin. "Les actes de terreur commis par le Hamas et d’autres groupes militants ... ne devraient jamais être justifiés", a déclaré M. Coveney.
Depuis plus de 50 ans, Israël maintient une occupation sur les territoires palestiniens. Ces dernières années, des représentants du gouvernement israélien ont annoncé leur intention de revendiquer de manière permanente, ou d’annexer, ces terres.
La différence entre occupation et annexion est cruciale, car les Palestiniens vivant sur des terres annexées vivraient techniquement à l’intérieur d’Israël, sans droits de citoyenneté. Les responsables palestiniens et certains groupes de défense des droits affirment que cette situation existe déjà dans le cadre d’une annexion "de facto".
Environ 450 000 colons israéliens vivent en Cisjordanie occupée, parmi environ 3 millions de Palestiniens. La plupart des pays considèrent les colonies comme illégales. Israël invoque des liens historiques et bibliques avec la terre.
Les démarches diplomatiques se multiplient depuis qu’un cessez-le-feu conclu vendredi a mis fin à 11 jours des pires combats entre les militants palestiniens de Gaza et Israël depuis des années. Le bain de sang a fait plus de 250 morts à Gaza, dont 66 enfants, et 12 en Israël, dont deux enfants.
Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, et le ministre britannique des affaires étrangères, Dominic Raab, se sont rendus dans la région cette semaine. Tous deux ont cherché à souligner l’engagement de leurs pays en faveur d’une solution à deux États, malgré des décennies d’efforts infructueux et des voix en Israël et en Palestine affirmant qu’une telle issue est désormais extrêmement improbable.
M. Blinken a déclaré mardi qu’il rouvrirait une mission américaine auprès des Palestiniens à Jérusalem - fermée par Donald Trump - afin que Washington puisse reconstruire la relation. Mercredi, il s’est rendu au Caire pour rencontrer le président égyptien, Abdel Fatah al-Sisi, et à Amman pour rencontrer le roi Abdallah II de Jordanie, deux dirigeants intimement liés aux relations israélo-palestiniennes.
Les rencontres de mercredi de M. Raab avec des responsables israéliens et palestiniens ont eu lieu alors que, selon certaines sources, le Royaume-Uni envisage de s’opposer à une résolution visant à créer une commission d’enquête indépendante élaborée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Selon un projet de résolution, vu par le Guardian avant un vote jeudi, l’agence appellera à établir d’urgence une commission pour enquêter sur toutes les "violations" en Israël, à Jérusalem et dans les territoires occupés depuis début avril.
La résolution ajoute qu’elle évaluera "toutes les causes profondes des tensions récurrentes, de l’instabilité et de la prolongation du conflit, y compris la discrimination et la répression systématiques fondées sur l’identité nationale, ethnique, raciale ou religieuse".
Si les positions des États-Unis et du Royaume-Uni sont conformes à une politique de longue date, l’Irlande fait partie des quelques pays qui semblent changer de position dans un débat mondial en pleine évolution. Le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré dimanche que l’aspiration de longue date des Palestiniens à obtenir leur propre pays "commence à disparaître".
Il a déclaré que la situation actuelle avait de fortes chances de conduire à l’apartheid, une accusation qui a été largement portée par les militants et les groupes de défense des droits plutôt que par les gouvernements. "Le risque d’apartheid est fort si nous continuons à adopter la logique de l’État unique ou du statu quo", a déclaré M. Le Drian. Israël a fermement démenti les allégations d’apartheid.
À Dublin, le récent bain de sang à Gaza a suscité des manifestations pro-palestiniennes.
Traduction : AFPS