Nous nous félicitons du soutien exprimé par les dirigeants européens à l’égard de la Cour pénale internationale (CPI) et de son mandat unique consistant à faire avancer la justice à la suite de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. Le soutien constant à la CPI et la promotion de sa portée universelle soulignent l’engagement sérieux de l’Europe à dissuader de telles violations et à promouvoir un ordre international fondé sur des règles, la paix et la sécurité.
Il est clair que l’Europe bénéficie depuis longtemps d’un multilatéralisme ancré dans le droit international et des institutions qui le défendent. Aujourd’hui, à une époque où l’ordre multilatéral est de plus en plus remis en question comme l’est un système judiciaire indépendant dans de nombreux coins du monde et en Europe même, préserver la légitimité et le mandat de la CPI devient un impératif.
Des attaques et des critiques inquiétantes
Nous regrettons de constater la multiplication des attaques contre la CPI, son personnel et les groupes de la société civile qui coopèrent. Nous avons été témoins avec une grande inquiétude du décret émis aux États-Unis par l’ancien président Donald Trump et les sanctions dirigées contre le personnel de la Cour et membres de leur famille. Les critiques publiques injustifiées à l’encontre de la Cour concernant son enquête sur les crimes présumés commis dans les territoires palestiniens occupés sont également très inquiétantes, y compris les accusations infondées d’antisémitisme.
Il est bien établi et reconnu que la définition des responsabilités des violations graves des droits de l’homme commises par toutes les parties à un conflit est essentielle pour parvenir à une paix durable. C’est le cas en Israël-Palestine, tout comme au Soudan, en Libye, en Afghanistan, au Mali, au Bangladesh/Myanmar, en Colombie et en Ukraine. En l’absence d’obligation de rendre des comptes pour les graves violations des droits de l’homme, ce sont les victimes en quête de justice et les personnes aspirant à une paix durable qui en paient le prix.
Un moyen essentiel pour lutter contre l’impunité
Les tentatives visant à discréditer la Cour et à entraver son travail ne peuvent être tolérées si nous voulons sérieusement promouvoir et faire respecter la justice dans le monde. Nous comprenons la crainte de plaintes et d’enquêtes à motivation politique. Pourtant, nous sommes fermement convaincus que le Statut de Rome (le traité qui a établi la CPI, NDLR) garantit les critères de justice les plus élevés et constitue un moyen essentiel de lutter contre l’impunité des crimes les plus graves dans le monde. L’absence d’action aurait de graves conséquences.
Dans ce contexte, nous soulignons l’importance pour tous les gouvernements européens de soutenir fermement l’indépendance de la CPI et de protéger l’institution et son personnel de toute pression ou menace extérieure. Cela implique de s’abstenir de toute critique publique des décisions de la CPI, ce qui pourrait contribuer à saper l’indépendance de la Cour et la confiance du public dans son autorité.
Nous nous félicitons de la décision de l’administration Biden d’annuler le décret et de lever les sanctions contre la CPI. Cela ouvrira la voie à des possibilités de travailler au renforcement des institutions et des normes de justice internationale avec notre principal allié transatlantique.
La CPI est un élément essentiel de l’ordre international fondé sur des règles. Maintenant plus que jamais, l’Europe doit montrer l’exemple en protégeant son indépendance.
*Signataires : Douglas Alexander, ancien ministre du Développement international, Royaume-Uni ; Jean-Marc Ayrault, ancien ministre des Affaires étrangères et Premier ministre, France ; Hans Blix, ancien ministre des Affaires étrangères, ancien directeur général de l’AIEA, Suède ; Emma Bonino, ancienne ministre des Affaires étrangères, ancienne ministre des Affaires européennes et ancienne commissaire européenne, chef de la délégation de l’UE à la conférence diplomatique de Rome qui a créé la CPI, Italie ; Ben Bradshaw, ancien ministre d’État pour le Moyen-Orient, Royaume-Uni ; Gro Harlem Brundtland, ancien Premier ministre, Norvège ; John Bruton, ancien Premier ministre, Irlande ; Micheline Calmy-Rey, ancienne ministre des Affaires étrangères et Présidente, Suisse ; Ingvar Carlsson, ancien Premier ministre, Suède ; Gunilla Carlsson, ancienne ministre de la Coopération au développement international, Suède ; Lord Menzies Campbell, ancien chef du parti libéral démocrate, Royaume-Uni ; Willy Claes, ancien ministre des Affaires étrangères et secrétaire général de l’Otan, Belgique ; Joe Costello, ancien ministre d’État au ministère des Affaires étrangères et du Commerce, Irlande ; Massimo d’Alema, ancien ministre des Affaires étrangères et Premier ministre, Italie ; Teresa Patrício de Gouveia, ancienne ministre des Affaires étrangères, Portugal ; Karel de Gucht, ancien ministre des Affaires étrangères et commissaire européen, Belgique ; Ruth Dreifuss, ancienne présidente, Suisse ; Alan Duncan, ancien ministre d’État pour l’Europe et les Amériques et ministre d’État pour le Développement international, Royaume-Uni ; Espen Barth Eide, ancien ministre des Affaires étrangères, Norvège ; Jan Eliasson, ancien ministre des Affaires étrangères et président de l’Assemblée générale des Nations unies, Suède ; Uffe Ellemann-Jensen, ancien ministre des Affaires étrangères et président des Libéraux européens, Danemark ; Benita Ferrero-Waldner, ancien ministre des Affaires étrangères et commissaire européen pour les Relations extérieures, Autriche ; Charles Flanagan, ancien ministre des Affaires étrangères, Irlande ; Sigmar Gabriel, ancien ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier, Allemagne ; Bjørn Tore Godal, ancien ministre des Affaires étrangères, Norvège ; Bertel Haarder, président du Conseil nordique, ancien ministre des Affaires européennes et ministre de l’Intérieur, Danemark ; Peter Hain, ancien ministre du Moyen-Orient, Royaume-Uni ; Lena Hjelm-Wallén, ancienne ministre des Affaires étrangères et vice-Première ministre, Suède ; Tom Kitt, ancien ministre d’État chargé du développement outre-mer et des droits de l’homme, Irlande ; Lord Neil Kinnock, ancien commissaire européen, ancien chef du parti travailliste, Royaume-Uni ; Bert Koenders, ancien ministre des Affaires étrangères, Pays-Bas ; Yves Leterme, ancien ministre des Affaires étrangères et Premier ministre, Belgique ; Martin Liedegaard, ancien ministre des Affaires étrangères, Danemark ; Mogens Lykketoft, ancien ministre des Affaires étrangères et président de l’Assemblée Générale des Nations Unies, Danemark ; Sénateur Michael McDowell, ancien ministre de la Justice et ancien procureur général, Irlande ; Per Stig Møller, ancien ministre des Affaires étrangères, Danemark ; Holger K. Nielsen, ancien ministre des Affaires étrangères, Danemark ; Baroness Lindsay Northover, ancienne sous-secrétaire d’État parlementaire au Développement international, Royaume-Uni ; Andrzej Olechowski, ancien ministre des Affaires étrangères, Pologne ; Marc Otte, ancien représentant spécial de l’UE pour le processus de paix au Moyen-Orient, Belgique ; Ana Palacio, ancienne ministre des Affaires étrangères, Espagne ; Chris Patten, ancien vice-président de la Commission européenne et commissaire européen aux Relations extérieures, Royaume-Uni ; Jacques Poos, ancien ministre des Affaires étrangères, Luxembourg ; Mary Robinson, ancienne présidente et haut-commissaire des Nations unies aux Droits de l’Homme, Irlande ; Soraya Rodriguez, ancienne secrétaire d’État à la Coopération internationale, Espagne ; Robert Serry, ancien coordinateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, Pays-Bas ; Javier Solana, ancien ministre des Affaires étrangères, secrétaire général de l’Otan et haut représentant de l’UE pour la Politique étrangère et de Sécurité commune, Espagne ; Erkki Tuomioja, ancien ministre des Affaires étrangères, Finlande ; Ivo Vajgl, ancien ministre des Affaires étrangères, Slovénie ; Jozias van Aartsen, ancien ministre des Affaires étrangères, Pays-Bas ; Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, France ; Margot Wallström, ancienne vice-Première ministre et ministre des Affaires étrangères, Suède ; Baroness Sayeeda Warsi, ancienne ministre du Cabinet et ministre du Foreign Office pour les Nations unies, les droits de l’homme et la CPI, Royaume-Uni ; Lionel Jospin, ancien Premier ministre, France.