Photo : Pedro Sanchez au Parlement Européen, 16 janvier 2019 © Parlement Européen
Le gouvernement espagnol a mis fin jeudi à un accord controversé de 7,5 millions de dollars portant sur l’achat de munitions à Israël, à la suite des critiques formulées par les alliés d’extrême gauche au sein de la coalition minoritaire au pouvoir.
Le premier ministre socialiste du pays, Pedro Sanchez, est intervenu pour annuler l’accord après que Sumar, un groupe de partis de gauche, a menacé de se retirer de la coalition gouvernementale.
« Après avoir épuisé toutes les voies de négociation, le premier ministre, le vice-premier ministre et les ministères concernés ont décidé d’annuler ce contrat avec la société israélienne IMI Systems », a déclaré jeudi à Al Jazeera une source gouvernementale qui n’a pas souhaité être nommée, conformément aux pratiques du gouvernement espagnol.
L’Espagne a critiqué la guerre d’Israël contre Gaza et s’est engagée, en octobre 2023, à ne plus vendre d’armes à Israël. En février 2024, elle a déclaré qu’elle n’achèterait pas non plus d’armes à Israël. Toutefois, le même mois, le ministère espagnol de l’intérieur a signé un accord avec IMI Solutions pour l’achat de 15 millions de munitions. Ces munitions étaient destinées à la Garde civile, la force de police semi-militaire espagnole.
Cependant, après les protestations de cinq ministres de Sumar, le gouvernement espagnol a entamé une étude pour déterminer s’il était possible d’annuler la commande.
« En octobre 2024, une étude a été lancée sur la possibilité de mettre fin au contrat. Après l’étude, le ministère a décidé de suivre la recommandation du procureur de l’État, qui déconseillait de mettre fin au contrat à ce stade, et le contrat a donc été honoré », a déclaré un porte-parole du ministère espagnol de l’Intérieur à Al Jazeera, ajoutant que mettre fin « au contrat aurait impliqué de payer ... [IMI Solutions] sans recevoir le matériel. »
Le mercredi 23 avril, le ministère de l’intérieur a déclaré qu’il poursuivrait la vente d’armes, six mois après avoir cherché à l’annuler, afin d’éviter de payer une compensation à l’entreprise israélienne.
En réponse, Yolanda Díaz, vice-première ministre et dirigeante de Sumar, a déclaré aux journalistes à Barcelone : « Ce contrat doit être rectifié. J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une violation flagrante des accords, alors que nous assistons en direct au génocide du peuple palestinien ».
Les analystes ont déclaré que la dispute pourrait endommager davantage les relations déjà tendues entre les socialistes et Sumar au sein du fragile gouvernement espagnol, en particulier après que M. Sanchez a annoncé mardi que son gouvernement augmenterait les dépenses de défense à 2 % du produit intérieur brut (PIB) pour atteindre les objectifs de l’OTAN, une décision qui a suscité la colère de Sumar. Sous la pression du président américain Donald Trump, l’Espagne, qui a le plus faible budget de l’OTAN parmi ses 32 membres, a présenté un plan de 10,5 milliards d’euros (12 milliards de dollars) pour atteindre l’objectif de 2 % cette année.
Un sondage réalisé pour le journal en ligne 20minutos.es a montré que 48,46 % des 7 871 personnes interrogées s’y opposaient, tandis que 46,94 % soutenaient l’accord et que 4,58 % ne savaient pas ce qu’elles en pensaient.
« Acheter ces munitions aurait montré que l’Espagne ne soutient pas la Palestine. Cela aurait été une trahison envers les [plus de] 50 000 personnes qui sont mortes à Gaza lors du génocide », a déclaré Igor Otxoa, de l’organisation Guernica Palestine, une organisation civique, à Al Jazeera.
Suite à ce différend, Veronica Martinez Barbero, porte-parole parlementaire de Sumar, a déclaré à Al Jazeera que l’Espagne ne devrait pas poursuivre le contrat.
« Il s’agit d’une question de non-respect des promesses. Le ministre de la défense a dit que l’Espagne n’achèterait pas ces armes. Nous voulons que cela soit rectifié et que ce contrat ne soit pas conclu », a-t-elle déclaré.
Mais tout le monde n’a pas soutenu la décision d’annuler le contrat. Astrid Barrio Lopez, analyste politique à l’université de Valence, a déclaré à Al Jazeera que la décision « montre qu’il y a peu de sécurité judiciaire pour les entreprises qui traitent avec le gouvernement espagnol et peu de leadership au sein du gouvernement ».
L’ambassade d’Israël à Madrid n’a pas pu être jointe pour un commentaire.
Jeudi dernier, Israël a critiqué la décision de l’Espagne de mettre fin à l’accord sur les munitions et l’a accusée de « sacrifier des considérations de sécurité à des fins politiques ».
« Israël condamne fermement la décision du gouvernement espagnol de rompre unilatéralement un contrat signé avec la société de défense IMI Systems, et son annonce qu’il s’abstiendra de conclure à l’avenir des accords de défense avec des sociétés israéliennes », a déclaré le ministère israélien des affaires étrangères dans un communiqué transmis à l’agence de presse AFP.
Il a ajouté que l’Espagne « continue à se placer du mauvais côté de l’histoire, contre l’État juif qui se défend contre les attaques terroristes ».
Traduction : AFPS