Jours tranquilles à Gaza, paru aux éditions Riveneuve, et à Média Plus pour l’Algérie, est la chronique au quotidien d’une aventure journalistique vécue sur le front. Karim Lebhour, reporter indépendant, installé depuis 2007 en Israël et en territoires palestiniens, raconte avec des mots simples et forts le quotidien des habitants de cette prison surpeuplée, pris entre le marteau de Tsahal et l’enclume du gouvernement islamiste de Hamas. Le fil du récit commence avec la prise du pouvoir par le Hamas, début de l’été 2007. Avec la neutralité d’un reporter, Lebhour montre le revers de la médaille et dépeint une guerre sans gloire entre les frères ennemis.
Les Gazaouis sont pris en otages par deux guerres dans un territoire minuscule : celle menée par Israël contre la Palestine et celle opposant le Fatah au Hamas. Ce n’est pourtant pas l’Afghanistan, affirme l’auteur qui raconte, de façon anecdotique, l’absurdité des actes des chenapans miliciens, notamment à travers le rapt d’étrangers ou encore l’enlèvement de Sabrina, la lionne du zoo, par des gangsters, symbole de l’anarchie qui régnait dans les territoires palestiniens après le retrait de l’armée palestinienne. Pour le lecteur algérien, bien au fait de l’actualité palestinienne, les chroniques de Lebhour offrent mieux que des comptes rendus routiniers des agressions israéliennes. Les portraits de Gazaouis et la foultitude de témoignages accordent au lecteur la proximité du regard. Qu’est devenue la vie depuis le retrait d’Israël ? Deuil perpétuel, restrictions absurdes et désolation indescriptible, du déjà-vu certes, mais dans ce livre chaque page nous surprend.
Système D
Le blocus prive la population de presque tout et jusqu’au chocolat, les instruments de musique, les macaronis et les cigarettes, susceptibles d’être utilisés à des fins hostiles selon l’armée israélienne ! Pas de bougies non plus pour faire face aux longues et quasi quotidiennes coupures d’électricité. Face à cela, les Gazaouis font preuve d’une incroyable débrouillardise : les moteurs à gaz et à piles électriques remplacent les combustibles en pénurie. Mais ce sont surtout ces centaines de tunnels, creusés à Rafah par des trafiquants, que nous fait rencontrer l’auteur qui ravitaillent Gaza. Se riant des clichés servis par des médias étrangers, comme ces Américains qui auraient payé une simulation d’une opération de creusement de tunnels à Rafah, ces chroniques montrent un Gaza insoupçonnable.
La résistance s’improvise. Le CCF, dernier espace culturel, offre des projections de films et cocktails pour une élite sevrée de tout. Des restaurants résistent et offrent des moments clandestins d’évasion aux résidus de la bourgeoisie. La vie continue face à l’acharnement de Tsahal et à la nouvelle vague d’intolérance incarnée par les patrouilles de la pudeur de Hamas qui multiplient les oukases contre les femmes, les fumeurs de narguilé et les joueurs de cartes.
A Gaza, il y a aussi Nasser qui s’est entraîné sur les seuls 200 mètres protégés devant chez lui avant de partir aux Jeux olympiques de Pékin, ou encore Jawdat qui a créé un musée archéologique pour la ville. En évitant les sentiers battus, le récit émouvant de Karim Lebhour réussit à livrer une image fraîche et réaliste de la vie des Gazaouis et de cet immense fiasco politique menacé par la caricature.