La situation en Palestine par Claude Léostic.
Le projet sioniste a toujours consisté à nier la réalité palestinienne avec comme leitmotiv "il n’y a pas de partenaire pour la paix", en diabolisant constamment Arafat (refus, à Camp David, de ‘’l’offre généreuse ’’ de Barak ; incitation à l’Intifada, refus de la paix...).
Maintenant, ce projet sioniste se retrouve dans l’annonce du désengagement unilatéral de Gaza, pour occuper davantage la Cisjordanie et faire de Gaza une prison invivable, tout cela avec l’appui de Bush ("déclaration Balfour II"), la mise hors jeu de la communauté internationale et une configuration du monde en’’empire du bien’’ combattant ‘’l’empire du mal’’. 70 % des Israéliens sont favorables au retrait de Gaza mais les colons sont contre. Certains observateurs parlent de deux Etats juifs : l’Etat d’Israël et l’Etat des colons (le coût de la colonisation depuis 1967 a été de 100 milliards de dollars ! ). Pour Sharon, la feuille de route n’existe plus. Il se dit prêt à la création d’un Etat palestinien mais... un Etat fait de bantoustans.
Après la mort du Président Arafat, il n’y a pas eu le chaos annoncé, ni besoin de rechercher un dauphin (l’Autorité palestinienne n’est pas une monarchie). Les institutions ont fonctionné, la Constitution a permis la transition, le tout dans un contexte d’occupation qui ne se relâche pas et de colonisation qui s’accroît (selon "la paix maintenant", on dénombre 474 sites de colonies parmi lesquels 50 s’étendent au delà des limites fixées).
Sous la pression américaine, semble-t-il, les élections présidentielles auront lieu le 9 janvier et les Palestiniens de Jérusalem-Est voteront. Avec la participation d’observateurs internationaux, et les apports financiers, est-ce le retour dans le jeu de la Communauté internationale ? Dix candidats sont déclarés : Abu Mazen est le candidat investi par le Fatah ; à la surprise générale Marwan Barghouti (emprisonné à vie) est l’un des six candidats indépendants. Ce sont les deux candidats qui auraient le plus de voix. Le Hamas boycottera ces élections (les élections présidentielles légitiment en quelque sorte les accords d’Oslo, que le Hamas condamne) mais revendique l’unité nationale. Par ailleurs, faut-il voir dans l’assouplissement récent des conditions d’emprisonnement de Marwan Barghouti (droit de visite pour son épouse, interventions autorisées dans la campagne électorale) une manœuvre de Sharon pour affaiblir Abu Mazen ?
Dans le même temps, en Israël la situation se dégrade : Sharon n’a plus de majorité gouvernementale, il va devoir nouer de nouvelles alliances avec les travaillistes et des partis religieux (en échange d’avantages financiers). En externe, va-t-on assister à une modification de la stratégie américaine, à l’occasion du 2è et dernier mandat de Bush, lui-même confronté au bourbier irakien ?
En quoi le débat inter-palestinien nous intéresse-t-il ? Quelles en sont les conséquences pour le mouvement de solidarité en France ?
Le discours israélien sur le début d’une ère nouvelle de l’après Arafat (avec en arrière-plan une accusation permanente des dirigeants palestiniens) et, d’autre part, le fait que ces dirigeants sont incapables de donner une perspective politique à leur peuple aboutissent, en France, à une mobilisation pour la paix, mais une paix "à tout prix " (le Droit international est dépassé ? ), en invitant au dialogue mais en se gardant bien de parler de ce qui fâche (la colonisation, le mur...), tout en demandant à la société palestinienne de se débarrasser du Hamas. Les débats organisés par l’association "2 peuples, 2 Etats", se référant à l’initiative de Genève illustrent parfaitement cette évolution.
L’AFPS de son côté n’a pas à relayer le discours israélien, elle doit au contraire insister sur les victoires, parler de la Cour de Justice internationale (la plus haute instance juridique mondiale) et la citer : les Palestiniens constituent presque un Etat ; il est question de frontières, de viol par Israël du Droit international...
Quant à l’Intifada, la candidature à la présidentielle de Marwan Bargouthi va relancer le débat : faut-il poursuivre ou non l’Intifada ? Pour beaucoup même s’il faut faire une pause, ce n’est qu’une pause, quand perdure une situation coloniale. Après Arafat , personne n’aura la légitimité pour aller plus loin que les lignes de compromis qu’il avait dessinées. Mais peut-on mesurer les conséquences de la dégradation économique, sociale, psychologique...sur les stratégies de résistance, sur le potentiel de mobilisation des Palestiniens ? Ce qui est certain, c’est que tant qu’il y aura une occupation, l’économie palestinienne ne pourra que se dégrader.
Quelles sont les stratégies développées par les groupes locaux ? Quels sont les questions et problèmes posés ? Quels enseignements en tirer pour l’assemblée générale ?
Le groupe de Nantes cible les élus. Dans le cadre de la plate-forme des ONG nantaises, deux modèles de motion ont été envoyés aux 220 maires du département de Loire Atlantique. 30 en ont fait voter une par leur conseil municipal (objectif fixé 50) ; une exposition sur le mur, commandée à l’AFPS par deux communes, circule dans les mairies ; plusieurs élus (Président du conseil général, maires, sénateur, conseillers municipaux) ont participé à la journée du 13 novembre contre le mur ; des microprojets sont appuyés, une mission d’élus est projetée en Palestine...Cependant, dans le contexte de cette mobilisation encourageante en soi, il faut noter la préférence accordée par plusieurs villes à la pétition de Cités Unies France au contenu politiquement insipide, passant sous silence l’occupation, la violation du droit par Israël, la question des réfugiés...
Le groupe des Alpes de Haute Provence, depuis octobre 2002, développe autour du projet de l’olivier une stratégie d’alliance et de partenariat (Chambre d’agriculture, syndicat mixte de communes, Conseil général, Conseil régional.., agriculteurs palestiniens) permettant de structurer la filière de l’huile d’olive. Ce projet reconnu et soutenu par les politiques prend de plus en plus d’ampleur. Comment faire pour qu’il reste d’abord un projet politique ? Jusqu’où le porter, avec quels relais et sans être récupéré ?
Le groupe de Grenoble était membre du collectif local pour la Palestine dont les objectifs étaient ceux de l’AFPS. Il s’en est retiré ; l’AFPS mène des actions ciblées (pétitions...), le collectif les actions de masse.
Le groupe Drôme Ardèche, fort de plus de 200 adhérents répartis dans des sous groupes arrive à bien mobiliser (succès récent d’un repas solidaire) mais se trouve confronté à la continuité des actions avec une fluctuation sensible des adhérents (mouvement de 50 départs et de 50 arrivées). Un projet de régionalisation Rhône Alpes avance avec deux objectifs : le partage d’expériences et l’organisation de manifestations culturelles. Il sera soumis au conseil d’administration national et à l’Assemblée Générale.
Le groupe de Nîmes arrive à mener des actions de sensibilisation au niveau des quartiers mais recherche les modes d’action susceptibles d’élargir son audience.
Le groupe de Marseille vient de se créer ; il doit émerger dans un contexte politique défavorable et associatif au passé compliqué.
A Paris et dans la région parisienne, un rapide bilan sur les expériences passées et actuelles de coordination a été présentée. Après plus d’un an de tâtonnements un Groupe d’Animation de la Région Parisienne (GARP) a vu le jour en septembre avec pour objectif d’animer et de rendre visible l’AFPS en mobilisant l’ensemble des forces (adhérents individuels et groupes locaux).
Les résultats obtenus montrent que nous sommes sur la bonne voie : la préparation du défilé du 13 novembre contre le mur a permis à l’AFPS d’être très présente (sonorisation, mots d’ordre, pancartes...) bien que la presse nationale l’ait (volontairement ?) occultée ; la manifestation devant le théâtre du Gymnase contre le concert de soutien au soldats israéliens aux côtés de la GUPS, de l’UJFP, du CCIPPP, des Femmes en noir...a rassemblé plusieurs centaines de personnes. Paris-Sud, de son côté développe de son côté des actions avec d’autres associations.
Il y a aussi l’Action citoyenne pour la Palestine (ACP) qui mène deux types d’action : un travail pédagogique au niveau des collèges, des lycées, des IUFM sur la nature du conflit colonial (mais il est difficile d’entrer dans les établissements) et un meeting à Nanterre sur deux conflits coloniaux, l’Algérie et la Palestine avec des soldats réfractaires d’Algérie et des refuzniks.
La confrontation à des organisations prônant la paix sans la définir et la nature des alliances à développer ont été un peu le fil conducteur de toutes les interventions. En échos à ces problématiques, les propos d’Isabelle Avran ("la stratégie d’unité suppose l’affichage d’objectifs clairs et de ne pas se contenter de moments unitaires" et "le travail sur les quartiers est fondamental face au risque de lecture communautaire que les sionistes souhaitent pour camoufler leur politique") semblaient refléter l’opinion de l’assemblée et pourraient fournir des pistes de réflexion intéressantes.
En concluant cette journée Bernard Ravenel a souligné le "saut qualitatif" observé dans le travail des groupes et le souci de faire dans la durée qui conditionnent notre rapport aux forces politiques pour faire pression sur elles et non pas faire à leur place. Mutualiser les moyens, consolider et développer les actions dans la durée, diversifier les thèmes et les lieux d’intervention, évaluer l’impact du conflit dans la société française, approfondir la notion de politique d’alliances, intervenir dans le débat politique autant de thèmes pour alimenter l’Assemblée générale du mois de mai prochain et dont il faut débattre dès maintenant au sein des groupes locaux.
Daniel COUTANT.