La semaine d’action internationale contre le mur
du 9 au 16 novembre a été essentiellement
marquée en France par l’initiative de la Plateforme
des ONG françaises pour la Palestine sur
Jérusalem.
En effet, point fort de la campagne
« Jérusalem, ville confisquée » lancée il y a
plus d’un an, Mgr Sabbah, patriarche latin de
Jérusalem, a été invité par la Plateforme, en
liaison avec le Secours catholique et Pax Christi.
Il était accompagné de Menachem Klein,
professeur de sciences politiques à l’Université
Bar-Ilan à Tel-Aviv et membre du conseil
d’administration de B’tselem.
Trois initiatives principales ont été organisées.
D’abord une conférence de presse, qui s’est
déroulée au Secours catholique, avec la
participation de Hind Khoury, déléguée générale
de la Palestine en France, en présence d’Elias
Sanbar, observateur permanent de la Palestine
auprès de l’Unesco. Quinze journalistes étaient
présents et la couverture de presse (journaux et
radios), a été importante (La Croix, l’Humanité, Le
Figaro, RFI, RMC Moyen-Orient et Radio-Orient.)
Pour sa part, Le Monde a publié une tribune libre
de Hind Khoury sur Jérusalem.
Ce fut ensuite une conférence à
l’Assemblée nationale devant une dizaine de
parlementaires et des attachés parlementaires,
une majorité de députés UMP dont Etienne Pinte,
député-maire de Versailles qui fit une intervention
remarquée de soutien chaleureux à Mgr Sabbah.
Un député PS et un député PC représentaient
leurs groupes.
Enfin le soir, à l’initiative d’« Adala », groupe
d’étudiants de l’Institut des Sciences Politiques
intéressés par le Moyen-Orient, Mgr Sabbah et
Menachem Klein, avec la participation de Majed
Bamya, représentant la Gups, ont donné une
conférence publique en présence d’environ
300 personnes.
A l’issue d’un débat de qualité, « Pax Christi »
annonçait son adhésion à la Plateforme des
ONG françaises pour la Palestine...
Par ailleurs, Mgr Sabbah a été reçu par le ministre
des Affaires étrangères, M. Douste-Blazy.
Sa venue a permis de mesurer la mobilisation de
chrétiens français contre la confiscation par
Israël de la Ville Sainte qui choque une grande
partie du monde chrétien. Des évêques français
devraient bientôt se rendre en Palestine pour
manifester la grande inquiétude de l’Eglise de
France face à la politique israélienne et pour
exprimer leur solidarité avec la population
palestinienne. Ce serait une première.
B.R.
Un appel des Patriarches et chefs des Eglises chrétiennes locales à Jérusalem
« Une fois encore, nous avons connu
une nouvelle période de violence
mortelle dans la guerre au Sud
Liban. Et, jusqu’à aujourd’hui, nous ne cessons
d’être confrontés à la mort et à la démolition
à Gaza, et à plus d’insécurité dans la
société israélienne. C’est pourquoi nous
disons qu’il est grand temps de commencer
un effort sérieux, par toutes les parties, pour
une paix totale, juste et définitive. De plus, nous
croyons que la paix doit commencer dans la
cité sainte de Jérusalem.
C’est pourquoi nous présentons la déclaration
suivante, espérant qu’elle apportera une
modeste contribution à la naissance de la paix
dans notre terre.
En 1994, nous, Patriarches et Chefs des Eglises
chrétiennes locales à Jérusalem, nous avons publié un mémorandum sur la « Signification
de Jérusalem pour les Chrétiens » qui
insistait sur le caractère chrétien de Jérusalem
et sur l’importance de la présence chrétienne
dans la ville. Le mémorandum parlait
aussi du statut politique spécial qui doit
s’accorder avec sa nature de Ville sainte.
Depuis ce temps-là, nous avons vu une tendance
croissante des autorités politiques à décider
du sort de la ville et à définir son statut
de façon unilatérale. L’accès de nos fidèles à
Jérusalem, de même que celui du personnel
religieux, reste toujours difficile. Avec la
construction du mur, une grande partie de
nos fidèles de Jérusalem se trouve exclue de
la Ville sainte et, selon les plans publiés par
la presse locale, un nombre plus grand encore
en sera exclu à l’avenir. Entourée de murs, Jérusalem
n’est plus le centre et le coeur de la vie
comme elle devrait l’être.
Nous voyons qu’il est de notre devoir d’attirer
l’attention des autorités locales comme de
la communauté internationale et des Eglises
du monde sur cette situation très grave et
d’appeler à un effort concerté afin de chercher
à trouver une vision commune pour le statut
de la Ville sainte, basée sur les résolutions internationales
et prenant en considération les
droits des deux peuples et des trois religions.
Dans cette cité, dans laquelle Dieu voulut parler
à l’humanité et réconcilier les peuples avec
Lui et entre eux, nous élevons notre voix pour
dire que les chemins suivis jusqu’à présent
n’ont pas porté la paix à la ville, ni ramené la
vie normale à ses habitants. C’est pourquoi
ils doivent être changés. Les chefs politiques
doivent arriver à une nouvelle vision et trouver
de nouveaux moyens d’action.
Dans le plan même de Dieu, trois religions et
deux peuples furent amenés à vivre ensemble
dans cette ville. Nous estimons qu’ils doivent
continuer à vivre ensemble dans l’harmonie,
le respect, la coopération et l’acceptation
mutuelle.
1. Jérusalem, Ville sainte et ville de la vie
quotidienne pour deux peuples et trois religions
Jérusalem, patrimoine de l’humanité et Ville
sainte, est aussi la ville de la vie quotidienne
pour ses habitants, Palestiniens et Israéliens,
Juifs, Chrétiens et Musulmans, et pour tous
ceux qui sont liés à eux par des liens de
parenté et pour qui elle est le lieu de la prière,
de l’école, de l’hôpital ou du gagne-pain de
chaque jour. Non seulement les souvenirs
historiques et les lieux saints de pèlerinage,
mais aussi les communautés vivantes des
croyants, juifs, chrétiens et musulmans, rendent
la ville de Jérusalem chère et unique
pour chacune des trois grandes religions
monothéistes. Lieux saints et communautés
humaines vivantes sont inséparables.
De plus, le caractère sacré de la Ville sainte
et les besoins de ses habitants y ont attiré et
y attirent aujourd’hui encore de nombreuses
institutions religieuses. Celles-ci ont été reconnues
et ont obtenu, des gouvernements successifs
tout au long des siècles, des droits qui
leur ont permis de s’acquitter de leurs obligations
à l’égard de la Ville sainte et de ses
habitants. En conséquence, les droits fondamentaux
des personnes et des communautés
doivent y être respectés : pour les
personnes, les droits fondamentaux qui leur
permettent d’exercer leurs devoirs religieux,
politiques et sociaux et de répondre à leurs
besoins éducatifs, culturels et médicaux ; et
pour les communautés, le droit de posséder,
de gérer librement les oeuvres nécessaires pour
leur ministère et leur développement humain
intégral (églises, monastères, écoles, hôpitaux,
oeuvres sociales, instituts pour études
théologiques et bibliques, services d’accueil
des pèlerins, etc.) Cela inclut aussi le droit de
faire venir le personnel et de disposer des
moyens nécessaires pour le bon fonctionnement
de ces institutions.
2. Exigences pour une solution juste et
durable à la question de Jérusalem
L’avenir de la ville doit se décider d’un commun
accord, par la collaboration et la consultation,
et ne doit pas être imposé par la puissance
ou la force. Les décisions unilatérales
ou une solution imposée continueront à mettre
en danger la paix et la sécurité.
Diverses solutions sont possibles. La ville de
Jérusalem pourrait rester unifiée, avec une souveraineté
partagée, exercée à égalité par les
Israéliens et les Palestiniens. Elle pourrait
être aussi divisée, si tel était le désir de ses
deux peuples, avec deux souverainetés distinctes,
afin d’arriver à une véritable unité des
coeurs dans les deux parties de la ville. Le mur
qui a déchiré la ville en plus d’un point et qui
a exclu un grand nombre de ses habitants
devrait faire place à une éducation à la confiance
et à l’acceptation mutuelle.
Face à l’incapacité des parties impliquées à
trouver, jusqu’à aujourd’hui, une solution
juste et durable, l’aide de la communauté
internationale est nécessaire. Dans l’avenir
aussi, cette aide devrait continuer sous la forme de garanties qui assurent la stabilité
des accords auxquels les deux parties seront
arrivées.
Nous recommandons de créer aussitôt que
possible un comité ad hoc afin de réfléchir
sur l’avenir de la ville. A ce comité les églises
locales doivent pouvoir participer.
3. Statut spécial Ville ouverte
Jérusalem, Ville sainte, patrimoine de l’humanité
et ville de deux peuples et de trois religions,
a un caractère unique qui la distingue
de toutes les villes du monde et qui dépasse
toute souveraineté politique locale. « Jérusalem
est trop précieuse pour dépendre
exclusivement d’autorités politiques nationales
ou municipales » (Mémorandum 1994).
Ses deux peuples sont les gardiens de sa
sainteté et portent la double responsabilité
d’y organiser leur vie et d’y accueillir tous les
« pélerins » du monde. La collaboration internationale
demandée n’est pas supposée remplacer
le rôle et la souveraineté de ses deux
peuples. Elle est plutôt requise afin d’aider
ses deux peuples à arriver à la définition et
à la stabilité du statut spécial de la ville. C’est
pourquoi, aux plans politique, économique
et social, ses deux peuples doivent donner
à Jérusalem un statut spécial qui corresponde
à son double caractère, d’un côté, de
Ville sainte et universelle et, de l’autre, de ville
ordinaire et locale où se déroule leur vie quotidienne.
Une fois ce statut trouvé et défini,
la communauté internationale est appelée à
le confirmer par des garanties internationales
qui assureront la paix stable et le respect
pour tous.
Les composantes de ce statut spécial sont les suivantes :
✔ Le droit humain de liberté de culte et de
conscience pour tous, individus et communautés
religieuses (Mémorandum 1994)
✔ L’égalité devant les lois de tous ses habitants
en conformité avec les résolutions
internationales.
✔ Le libre accès à Jérusalem pour tous,
citoyens, résidents ou pèlerins, en tout temps,
de guerre ou de paix. C’est pourquoi Jérusalem
doit être une ville ouverte.
✔ « Les droits de propriété, de garde et de
culte que les différentes Églises ont acquis
à travers l’histoire doivent continuer à être
détenus par les mêmes communautés. Ces
droits, déjà protégés par le Statu Quo des
Lieux Saints selon les firmans et les autres
documents historiques, doivent continuer
à être reconnus et respectés. » (Mémorandum
1994)
Quelle que soit la solution envisagée, les
divers lieux saints chrétiens de la ville, partout
où ils sont, doivent rester géographiquement
unis entre eux.
Conclusion
Pour les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans,
Jérusalem est un haut lieu de la Révélation
et de la rencontre de Dieu avec les
hommes. C’est pourquoi nous ne pouvons
rester indifférents à son sort et nous ne pouvons
garder le silence face à ses souffrances
présentes : « Pour la cause de Jérusalem,
je ne me tiendrai pas tranquille, jusqu’à ce que
ressorte, comme une clarté, sa justice et son
salut, comme un flambeau qui brûle » (Is
62,1)
Nous lançons un appel solennel à la collaboration
de tous les chefs religieux dans
cette Terre Sainte afin d’arriver à une vision
commune de la ville qui puisse unifier les
coeurs de tous les croyants. Nous appelons
nos autorités politiques à rechercher de commun
accord et en collaboration avec les autorités
religieuses une solution qui réponde
au caractère sacré de la ville.
Nous espérons que notre appel pourra être
entendu et que les chefs politiques sauront
respecter la nature de cette Ville sainte et se
montrer capables, enfin, d’arriver à un accord
définitif qui fasse de Jérusalem vraiment le
signe de la présence de Dieu et de sa paix
parmi tous les peuples.
Signataires :
Patriarche Theophilos III, Patriarcat grec orthodoxe
Patriarche Michel Sabbah, Patriarcat latin
Patriarche Torkom II, Patriarcat arménien apostolique
orthodoxe
P. Pier Battista Pizzaballa, ofm, Custode de Terre Sainte
Anba Abraham, Patriarcat copte orthodoxe
Swerios Malki Mourad, Patriarcat syrien orthodoxe
Abune Grima, Patriarcat éthiopien orthodoxe
Paul Nabil Sayah, Exarchat patriarcal maronite
Riah Abu Al-Assal, Eglise épiscopalienne à Jérusalem
et au Moyen Orient
Mounib Younan, Eglise luthérienne évangélique en
Jordanie et en Terre Sainte
Pierre Malki, Exarchat patriarcal syrien catholique
George Bakar, Exarchat patriarcal grec melkite
catholique
P. Raphael Minassian, Exarchat patriarcal arménien
catholique.
Jérusalem, 29 septembre 2006.