L’image restera : David Friedman, l’ambassadeur des États-Unis en Israël, détruit à coups de marteau un mur. Pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit de l’entrée du tunnel découvrant une ancienne voie romaine, où, selon certains historiens, les pèlerins juifs allaient du bassin de Siloé jusqu’au temple d’Hérode.
La scène a eu lieu ce dimanche, dans le quartier palestinien de Silwan, sous les remparts de la vieille ville de Jérusalem. Et monsieur Friedman n’était pas seul. Sarah Netanyahu, l’épouse du Premier ministre, Miri et Sheldon Adelson, les milliardaires américains, étaient là, ainsi que Jason Greenblatt, l’émissaire de Donald Trump pour le Proche-Orient.
Pour la direction palestinienne, cette opération réalisée avec la participation des deux diplomates américains est un acte hostile et l’expression de leur soutien à la judaïsation de Jérusalem. Ce à quoi monsieur Greenblatt a répondu en tweetant : « C’est ridicule. Nous ne pouvons pas judaïser ce que montrent l’histoire et l’archéologie. Nous ne pouvons que le reconnaître et vous devez arrêter de prétendre que c’est faux. La paix ne peut être construite que sur la vérité. »
« Au contraire de la position de toutes les administrations américaines depuis 1967… »
Le mouvement La Paix maintenant a publié un communiqué : « Cela n’est pas moins que la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté israélienne sur ce secteur très sensible du « bassin sacré », au contraire de la position de toutes les administrations américaines depuis 1967… Cela fait partie de la transformation de Silwan en la « cité de David », un Disneyland pour l’extrême droite messianique en Israël et aux États-Unis. Et cela, à quelque pas de la mosquée al-Aqsa/mont du Temple. » Monsieur Friedman, qui est un chaud partisan du mouvement de colonisation, a répondu : « Ce lieu est une composante essentielle du patrimoine national de l’État d’Israël. Ce serait comme si l’Amérique renonçait à la statue de la Liberté. »
Le tunnel en question, de 8 mètres de large, court sur 850 mètres, du bassin de Siloé jusqu’au mur des Lamentations. Les travaux ont été réalisés par l’organisation Elad, qui s’est donné pour mission de judaïser la partie orientale de Jérusalem. Des archéologues de renom sont très critiques de la façon dont les fouilles ont été réalisées. Non pas couche par couche, mais de côté, sans tenir compte donc des périodes postérieures à celle de la voie romaine.
Ce n’est pas tout. Le tunnel passe par endroits à quelques mètres sous des maisons palestiniennes de Silwan, où des fissures importantes sont apparues. Cinq familles ont été obligées de quitter leur domicile, sur ordre de la mairie qui a considéré que l’immeuble n’était plus habitable. Pour les quelque 20 000 Palestiniens habitant ce quartier, le parc archéologique de la cité de David, complété à présent par le tunnel, a pour but de les forcer à partir. Depuis 1991, selon La Paix maintenant, Elad a réussi à prendre le contrôle de 70 logements dont les habitants palestiniens ont été expulsés.
Cette dernière initiative de la diplomatie américaine est, pour Mahmoud Abbas, le président palestinien, une nouvelle preuve de ce que le fameux « deal du siècle » de l’administration Trump n’est que du vent. C’est également l’avis de certains éditorialistes israéliens. Anshel Pfeffer, du quotidien Haaretz, écrit : « Par leurs coups de marteau, les deux avocats new-yorkais (Friedman et Greenblatt) et les milliardaires propriétaires de casinos à Las Vegas ont fait voler en éclats un mur et la coexistence à Jérusalem. »
Réchauffement avec les pays du Golfe
À Ramallah les dirigeants palestiniens répètent donc : « Nous avons eu raison de boycotter la conférence de Bahreïn. » À cet « atelier économique » organisé par Jared Kushner, du côté israélien, seuls des journalistes avaient été invités. Il n’y avait pas de représentants du gouvernement Netanyahu. Ces envoyés spéciaux sont rentrés en Israël enchantés de leur séjour à Manama. Ils ont adoré cette excursion, dans un pays arabe qui leur était interdit jusqu’à présent. Là, ils ont pu confirmer l’existence, depuis des années, de relations – certes très discrètes mais réelles – entre Israël et les États sunnites du Golfe, notamment l’Arabie saoudite. Le ministre des Affaires étrangères du Bahreïn a, pour la première fois, donné des interviews à la presse israélienne : « La place d’Israël est au Proche-Orient » a-t-il dit.
Mais Khalid bin Ahmed al-Khalifa a pris soin de rappeler que son pays soutenait la solution à deux États, donc une Palestine indépendante aux côtés d’Israël. « Les Palestiniens méritent un État souverain et la citoyenneté, tout comme les Israéliens. » De fait, tous les participants arabes à la conférence de Bahreïn ont répété que l’absence de solution au problème palestinien restait un obstacle majeur à la paix avec Israël.