Grâce, en particulier, à la poursuite de l’édification du
réseau de murs condamné par la Cour internationale
de Justice et l’Assemblée générale des Nations unies.
Au coeur du dispositif : Jérusalem. Entre projets de
destruction de quartiers palestiniens entiers,
d’édification de nouvelles chaînes de colonies de la
vieille ville jusqu’à la vallée du Jourdain, et hachure de
la partie orientale de la ville par la progression
inexorable du mur, c’est la survie même de la
Jérusalem palestinienne qui est aujourd’hui menacée.
La plus vaste opération de
démolition à Jérusalem-est
depuis 1967. C’est ce que prévoit la municipalité israélienne
dans le vieux quartier d’al-Boustan, au sein
de Silwan, quelques centaines de mètres
en contrebas des remparts de la ville.
Quatre-vingt-huit bâtiments d’habitation
sont menacés de disparition, et quelque
mille Palestiniens risquent ni plus ni
moins que d’être jetés à la rue par les
bulldozers. Pour l’ingénieur de la municipalité qui a ordonné l’expulsion et la destruction des maisons, Uri Shetrit, il s’agit de remplacer le quartier palestinien par
un « parc archéologique ». Rien moins.
Motif : le roi David aurait séjourné dans
ce site voici trois mille ans, y laissant des
traces archéologiques dont l’importance
aujourd’hui, à l’aube du XXI è siècle,
serait plus essentielle que la vie, le passé,
le présent et l’avenir d’un millier de Palestiniens, que leurs droits, que l’effacement des traces de leur existence dans
ce lieu depuis des générations, et que
l’hypothèse de la paix.
Car c’est bien ce qui est plus fondamentalement en jeu dans ce projet, nouvel avatar de l’israélisation forcée de la
ville entreprise depuis trente-huit ans.
Elle passe par l’éviction d’une partie de
sa population palestinienne et par l’érection de colonies, avec pour obsession la
démographie de la cité et l’objectif affiché d’y implanter et d’y pérenniser une
« majorité juive », en rupture totale avec
son histoire mosaïque, plurielle. Tandis
qu’Israël s’est approprié la totalité de
Jérusalem-ouest, il s’agit de s’approprier
aussi dans les faits l’Est illégalement
annexé, notamment en grignotant maison par maison, quartier par quartier,
faubourg par faubourg la partie orientale de la ville en la vidant de sa population actuelle. Et de préempter également
son avenir dans l’éventualité d’une négociation, simultanément rejetée dans son
principe. Principaux vecteurs de cet
expansionnisme sans limites : le réseau
de murs, qui encercle les quartiers palestiniens et les transforme en ghettos isolés et étranglés ; l’intensification de la
construction de colonies, qui n’ont plus
seulement pour vocation de séparer la ville de son arrière pays palestinien, mais
aussi de dissocier le nord du sud de la Cisjordanie, inaccessibles l’un à l’autre, de
rendre impossible une quelconque continuité territoriale de la Cisjordanie et dès
lors la viabilité d’un aléatoire Etat palestinien ; la pérennisation d’un plan d’aménagement de la ville enfin, qui empêche
l’expansion des quartiers palestiniens et
s’accompagne d’une incitation frénétique et agressive au départ de leurs habitants, par une politique d’occupation de
leurs institutions, de harassements, de
restriction des services publics, d’étouffement, mais aussi de retrait de cartes
de résidents ou de destructions de maisons. Et maintenant, d’un quartier entier
de la ville.
Silwan et la stratégie des
bulldozers
A Silwan, comme ailleurs en Cisjordanie, lorsque les bulldozers procèdent à
l’anéantissement de logements, les autorités israéliennes s’entourent de précautions légales. Non pas au regard du droit
international ; les Conventions de Genève
interdisent explicitement ces destructions autant que le déplacement des
populations. Mais au regard de tout un
système de lois, héritées de l’ère ottomane
et des lois d’exception du mandat britannique, ou spécialement conçues pour
permettre le projet colonial. Ainsi, d’abord,
des lois sur les « propriétés des absents »,
qui octroient à Israël les biens des Palestiniens absents de chez eux lorsque faisaient rage les guerres d’expulsion de
1947-1948, ou qui ne peuvent y avoir
accès. Mais pas seulement : si la Cour
suprême israélienne s’inquiète des possibles conséquences internationales de
l’usage de telles lois dans Jérusalem, le
droit de construire dans leurs quartiers
est refusé tout aussi illégalement aux
Palestiniens, depuis plusieurs décennies,
malgré la croissance démographique.
L’absence de permis de construire sert
ensuite de prétexte pour faire fonctionner les bulldozers. C’est précisément ce
qui se joue aujourd’hui dans ce quartier al-Boustan de Silwan. Les maisons plus
anciennes sont elles aussi menacées.
Mohammed Badran, l’un de ses habitants, vient de recevoir l’un des premiers
ordres de démolition. Sa maison date
pourtant de 1961, six ans donc avant
l’occupation de Jérusalem-est par Israël.
Il dispose d’un acte notarié de 1920 prouvant que le terrain appartenait à son
grand-père avant d’être transmis à ses
descendants, et avait reçu un permis de
construire... de la Jordanie.
Les colons, la municipalité et l’armée
n’en sont pas à leur premier essai dans
ce faubourg palestinien. Voici plus de
dix ans que des colons, principalement
de l’organisation extrémiste el-ad, y
occupent des maisons palestiniennes. Ils
y ont fait irruption de nuit, armés, ont
vidé une partie des habitants, se sont installés, sont restés avec l’appui de l’armée.
Certaines maisons sont coupées en deux :
la famille palestinienne dans une pièce,
les colons dans les autres. Des « Rambos » -pour reprendre leurs propres termes
fanfarons- travaillant pour des milices
privées au service des colons, saturés
d’armes ostentatoires, gardent l’entrée
des ruelles, fouillent ou refoulent les
visiteurs indésirables. Aujourd’hui, dans
les rues qui descendent vers al-Boustan,
où se pressent de petits groupes de colons
fanatiques en excursions idéologiques, se
sont érigées caméras et tours de gardes.
Les projets des colons se soutiennent
d’une totale collusion avec les objectifs
des autorités municipales et étatiques.
En 1992, le « rapport Klugman » (du nom
d’Haim Klugman, alors directeur général du ministère de la Justice israélien),
indiquait que plusieurs ministères avaient
attribué des dizaines de millions de dollars à des associations de colons comme
El-ad [1]. Uri Bank, du parti extrémiste
Moledet, évoque « un jeu de légo », qui
permet d’occuper le terrain, « d’isoler
les quartiers arabes » et de « créer une
continuité juive » dans la Jérusalem orientale.
Meir Margalit, animateur de l’organisation israélo-palestinienne contre les destructions de maisons (ICADH), souligne
que la disparition de ce quartier de Silwan permettrait aussi de relier les colonies de Silwan à celles de Ras-Al-Amoud,
plus à l’est. Et, à terme, à la colonie de
Ma’aleh Adoumim [2].
Tout un programme pour l’ensemble de la ville est en cours, qui passe par l’installation de ces points de colonisation.
« J’ordonne la suppression de toutes les
constructions illégales dans la Vallée des
Rois », s’autorise Uri Shetrit. Une rhétorique biblique pour un projet politique.
En évoquant le retour du site à « son
aspect originel », Uri Shetrit installe donc
une politique de « nettoyage ethnique »
– selon la qualification des organisations
de défense des droits humains - dans un
discours religieux. Une stratégie autant
qu’une argutie d’un autre temps. Car si
la bataille pour Jérusalem dérivait vers la
guerre de légitimité religieuse, elle risquerait de se dessaisir de son fondement :
la défense du droit.
Une colonisation ininterrompue
Cette politique israélienne à Jérusalem
n’est pas nouvelle. Le 6 juin dernier, des
défilés aux drapeaux israéliens ont célébré la conquête en 1967 de Jérusalem-
est, illégalement annexée en 1980, tout
comme sa partie occidentale [3]. Le quartier al-Maghrebi, dans la vieille ville, fut le premier entièrement rasé. Entre 1948
et 1967, Jérusalem-est s’étendait sur 6 km2,
constitués de la vielle ville et de ses faubourgs. 64 km2 y ont été intégrés en
1967, pour servir à la construction à venir de colonies [4]. Officiellement, l’Etat israélien et la municipalité alors dirigée par
le maire travailliste Teddy Kollek entendaient établir un rapport démographique
72/28, ce qui signifie « 72% de juifs et
28% de non-juifs ». Depuis 1967, 35%
des terres appartenant aux Palestiniens
ont servi à la construction de colonies
et de routes, 54 % ont été déclarées
« espaces verts ouverts », interdits à la
construction pour les Palestiniens. Restent 11%, sous contrôle... [5] La colonisation de la ville orientale n’a depuis
jamais cessé. On se souvient, en 1995,
alors qu’Yitzakh Rabin était Premier
ministre, du blocage de toute négociation
qu’avait engendré la confiscation des
terres du Jabal Abu Ghneim, où a ensuite
été érigée Har Homa, censée boucler la
ceinture de colonies autour de la ville.
Le 24 janvier 1993, le gouvernement
(Likoud) adopte les recommandations de
Shimon Sheves sur la « Jérusalem métropolitaine », comme « zone de développement prioritaire ». Cette « très grande
Jérusalem » couvre 15% de la superficie de la Cisjordanie. Le 22 janvier 1995,
le gouvernement d’ Yitzakh Rabin se
penche à son tour sur le projet [6]. Le
plan « Jérusalem métropolitaine » consiste
en un remaniement majeur des frontières, des populations, des conditions de
vie, souligne le géographe Jan de Jong.
Une grande agglomération relierait
Ramallah au nord à Bethléem au sud,
Latrun à l’ouest à Jéricho à l’est, sur un
territoire d’environ 1000 km2 dont 70%
en Cisjordanie. L’extension des colonies est conçue comme l’une des
« réponses » à la croissance de la population palestinienne dans cette région,
notamment celles de Givat Ze’ev au
nord-ouest, de Ma’aleh Adumim à l’est
et de Betar et Efrat au sud. Des routes
« de contournement », réservées aux
colons, donneraient la profondeur géographique et économique à l’ensemble,
y attirant une population israélienne susceptible de travailler dans les parcs industriels le long de la ligne verte, explique
le géographe. En septembre 2004, le
nouveau maire, Uri Lubliasky (Likoud),
qui a succédé à Ehud Olmert, dévoile lors
d’une conférence de presse les grandes
lignes du « schéma de planification
2000 » [7]. Le but est d’annexer environ 7.500 dunumsde terres palestiniennes [8].
Comme le constate le géographe palestinien Khalil Toufakji, des terres continuent à être confisquées et des points de
colonisation mis sur pieds. Tel est les
cas, par exemple, dans la vieille ville,
au coeur du Jabal Mukaber, dans le quartier de cheikh Jarrah.
Ma’aleh Adumim et le projet E1
Un autre projet, élaboré par le gouvernement d’Yitzhak Rabin en 1993 et
exhumé cette année, ne cesse d’inquiéter. « E1 », c’est son nom, consisterait à
relier le bloc de colonies d’Adoumim, au
coeur de la Cisjordanie, à Jérusalem. Le
projet permettrait, s’il se réalise, de créer
une continuité coloniale de Jérusalem à
la vallée du Jourdain, puisque les terres
confisquées pour ce bloc de colonies
stratégiquement décisif s’étendent quasiment jusqu’à Jéricho. Situé à l’Est de
Jérusalem, en effet, il se compose de six
colonies et d’une zone industrielle.
En mars dernier, la presse israélienne
révélait les intentions d’Ariel Sharon de
relancer ce programme « E1 ». C’est par
sa mise en oeuvre que le gouvernement
israélien entend couper en deux la Cisjordanie. Il prévoit la construction de
3.500 « unités de logements » pour les
colons, au nord-est de Jérusalem, à la
lisière des colonies de Pisgat Ze’ev et de
French Hill. De premières destructions
ont déjà eu lieu, en particulier sur les
terres d’Issawiya, et menacent 150 hectares de terres du village, dont certaines
ont déjà été confisquées voici une vingtaine d’années et déclarées « terres d’Etat » et d’autres sont encore
aujourd’hui cultivées, notamment de
céréales. Le village, faubourg de Jérusalem-est, qui compte quelque 12.000
habitants, perdrait dès lors ses terres,
ses ressources, son économie et son
mode de vie, et serait totalement isolé,
à la fois du reste de la ville et du reste
de la Cisjordanie.
Le projet « E1 » s’inscrit dans une stratégie plus large d’annexion de grands
blocs de colonies à Israël. Dans un entretien à Libération en février dernier [9],
l’ancien Premier ministre travailliste
israélien Ehud Barak, celui-là même qui
menait la délégation israélienne à Camp
David en juillet 2000 et entendait faire
de la renonciation au droit international un préalable
à la négociation finale, se dit « convaincu que
la seule solution viable pour l’avenir d’Israël est un retrait des territoires », mais
n’hésite plus à affirmer à ce sujet : « le tracé de la barrière de sécurité permet
d’inclure 70 à 80 % des colons dans Israël, le reste doit être rapatrié “à la maison” ».
Et, comme le remarquent les autorités palestiniennes, la question ne tient pas
seulement -voire pas d’abord- au pourcentage de terres concernées, mais aussi
à leur localisation, stratégique.
Ainsi, au nord-ouest de Jérusalem, du bloc de Givat Ze’ev, et de celui de Gush
Etzion, au sud. Au-delà, deux blocs de colonies s’inscrivent dans les projets
d’annexion. D’une part celui d’Ariel, au nord de la Cisjordanie, d’autre part,
au sud, celui de Kyriat Arba...
Les colons de l’ensemble de ces blocs représentent 80% de ceux de Cisjordanie, ceux-là mêmes que mentionne Ehud
Barak, outre ceux installés dans Jérusalem. Une démographie et une géographie bien plus substantielles que ce
que représentent les quelque 8000 colons occupant 40% du territoire de la petite bande de Gaza où sont aujourd’hui rivés les regards...
Un réseau de murs d’étranglement et d’annexion
S’approprier, et évincer. Deux volets indissociables d’une même entreprise.
Entre les interdictions de construire quand les nouvelles générations suffoquent dans des espaces restreints, les
retraits de cartes de résidence, les tracasseries administratives pour les époux
des habitantes de la ville, les choix impossibles mais imposés entre perte du statut de résident ou écartèlement des
familles, la détermination à rester malgré tout à Jérusalem relève souvent de
la résistance au quotidien. Des chercheurs palestiniens mettent en évidence
le nombre de plus en plus grand de Palestiniens habitant aujourd’hui dans des
bus ou des caves pour ne pas risquer de
ne plus pouvoir rester, voire entrer, à
Jérusalem. Pourtant, ils continuent à
s’acquitter d’impôts locaux. Sans bénéficier de services de la ville dans les
mêmes proportions. Karim Jubran, qui travaille pour l’association B’Tselem
dans le camp de réfugiés de Shufat évoque même « l’apartheid de l’éclairage des routes »... Quant aux institutions palestiniennes, elles connaissent
aussi fermetures, occupations, voire confiscations de leurs dossiers, telle la
Maison d’Orient, depuis août 2001.
Interdits d’entrée et de sortie
Le réseau de murs qui se construit dans
et autour de la ville malgré les recommandations de la Cour Internationale
de Justice et la résolution des Nations
unies crée de nouveaux obstacles.
D’abord en confisquant de nouvelles
terres, voire en rasant de nouvelles maisons et autres bâtiments privés ou publics
pour son tracé et ses environs. Mais pas
seulement. Danny Rubinstein, dans le
quotidien israélien Ha’aretz [10], met en
exergue les multiples desseins et conséquences de ces murs, qui coupent totalement les quartiers palestiniens les uns
des autres. Dahiet al-Barid est d’ores et
déjà divisé en deux. Ils créent aussi une
barrière entre les habitants de la ville et
ceux du reste de la Cisjordanie. Voilà plus
de dix ans que ceux-ci ne peuvent plus
accéder à leur capitale économique,
administrative, sanitaire, scolaire, culturelle, spirituelle... sans permis délivrés au compte-gouttes et pour des durées
Aujourd’hui, ils bloquent les entrées de
la ville. Mais ils en colmatent aussi la
sortie.
En janvier dernier, plusieurs automobilistes jérusalémites ont été bloqués par
l’armée au check-point de Qalandyia,
barrage militaire sous haute surveillance
sur la route menant vers Ramallah et les
villages du nord. Puis c’est la route entre
Abu Dis et Wadi an-Nar, vers le sud,
qui s’est trouvée coupée à son tour. Il ne
s’agit pas là que de l’arbitraire habituel
des soldats aux check-points : c’est en
juillet que le réseau de murs devrait être
bouclé dans et autour de la ville ; seules
une dizaine de portes permettront de le
franchir. L’hypothèse de l’instauration
de permis pour sortir de la ville, comme
de ses faubourgs de Joz, Ras al-Amoud,
Suwwana, al-Tour, Silwan ou Wadi...,
en direction du reste des territoires occupés est sérieusement envisagée. Durant
les négociations de Camp David, la partie israélienne prétendait maintenir ces
territoires sous sa juridiction.
Toute la vie des Palestiniens de Jérusalem serait bouleversée par cette politique. Dépossédés, enfermés dans une
série de ghettos à l’intérieur même de la
ville, ils perdraient aussi toute possibilité d’échanges avec le reste de la population, en particulier économiques et
commerciaux. Ils perdraient aussi l’accès à leurs propriétés en dehors de la ville,
alors que nombre d’entre eux ont terres
ou maisons à Hébron, par exemple, au
risque de s’en faire également déposséder, comme « absents ». Ils seraient
aussi privés de leur travail à l’extérieur
des murs, comme l‘explique Ziad Hammouri, responsable du Centre de Jérusalem pour les droits sociaux et économiques (JCSER), tandis que tous ceux
qui sont à l’extérieur des murs en
construction, eux, sont en train de perdre
leur statut de résident. Et leur droit
d’entrée dans leur ville.
Le 20 février, le conseil des ministres
israélien évoquait explicitement une
nouvelle frontière [11]. Il faut être atteint
de cécité pour refuser de voir l’avenir
qu’entend réserver Tel-Aviv à cette Jérusalem orientale, cernée de toutes parts,
éclatée en enclaves ligaturées, séparée
par des murs d’un futur Etat de plus en
plus fragmenté.
Résistance et appel à la
communauté internationale
La résistance à ces projets s’organise
cependant. Jusqu’à user de toutes les
voies dites « légales » auprès d’une Justice qui repose... sur les lois israéliennes.
Mais pas seulement. Des manifestations
tentent d’attirer l’attention de la communauté internationale, comme
celle du 31 mai dernier à Silwan
; ou bien les protestations, violemment réprimées, le 6 juin
dernier, au coeur de la vieille
ville, lorsqu’un groupe d’extrémistes israéliens a organisé une
provocation à l’image de celle
d’Ariel Sharon en septembre
2000, en pénétrant sur l’esplanade des mosquées, troisième
lieu saint de l’islam. Une provocation qui ne choque pas seulement les habitants de la ville
ni seulement les Palestiniens,
mais bien au-delà.
Les ONG palestiniennes, elles, lancent un appel précis à la communauté internationale.
Non seulement pour qu’elle respecte ses obligations concernant les murs, près d’un an après
le vote de l’Assemblée générale des
Nations unies, et alors que leur édification arrive à achèvement, mais aussi pour
que les élections législatives s’organisent dans d’autres conditions que la présidentielle du 9 janvier.
L’Autorité nationale palestinienne pour
sa part ne cesse de dénoncer les projets
et les faits accomplis israéliens à Jérusalem-Est. Tel était l’un des principaux
enjeux du voyage du Président Mahmoud Abbas aux Etats-Unis fin mai,
quelques semaines après celui du Premier ministre israélien, au menu duquel
le projet « E1 » tenait bonne place. Voici
un an, dans sa lettre du 14 avril 2004 à
Ariel Sharon, George W. Bush réécrivait le droit international pour annoncer qu’il ne pourrait y avoir de retour aux
frontières de 1967 en cas d’accord final
israélo-palestinien et qu’il faudrait intégrer les faits accomplis de la colonisation. Cette fois, le président américain
stipule que les frontières devraient être
négociées, mais joue d’atermoiements
pour éviter toute critique sérieuse du
programme « E1 ». Arguant de ce que le
retrait de la bande de Gaza demeure
l’hypothèse, même incomplet et selon
des modalités décidées unilatéralement,
le parrain américain soutient le Premier
ministre israélien. En attendant, c’est
sur le terrain que la frontière s’écrit,
que les murs balafrent le paysage, tronçonnent le territoire, fauchent les conditions de vie, abolissent toute viabilité pour
un Etat palestinien, déciment tout espoir
de paix.
La responsabilité européenne, une fois
encore, se trouve engagée. Par les recommandations votées. Mais aussi parce que
la démocratie n’a guère de sens sans respect du droit et sans perspective d’ Etat
palestinien avec Jérusalem pour capitale. Cela se joue maintenant.