Uri Avnery est rentré cette semaine d’une manifestation à Bil’in, et il s’est immédiatement assis à sa table pour écrire son article hebdomadaire, comme il le fait depuis 50 ans, aussi déterminé et plein d’énergie qu’un jeune poulain. L’ancien directeur de Haolam Hazeh (un hebdomadaire aujourd’hui disparu) a 83 ans, écrit maintenant sur internet, et dit qu’il n’a jamais eu autant de lecteurs.
L’ancien membre de la Knesset Avnery, a été entouré d’admirateurs dès le début des années 50, mais aussi, la plupart du temps, il a été critiqué et insulté, et même agressé physiquement parce qu’il était considéré comme un traître dangereux. Il fut l’un des premiers Israéliens à avoir compris qu’un Etat arabe devait être établi en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et il a entamé des conversations avec des dirigeants palestiniens, dont Yasser Arafat. A cette époque, l’OLP refusait de reconnaître Israël et Israël refusait de reconnaître l’OLP. Au fil du temps, le nombre des Palestiniens et des Israéliens qui comprenaient que la voie représentée par Avnery était la bonne augmentait. Ce qui, à une certaine époque, était considéré en Israël comme d’un extrémisme extravagant, et même hors la loi, est devenu la politique officielle du pays. C’est pourquoi il est raisonnable d’interroger Avnery sur le Hamas.
« Nous sommes revenus exactement au point où nous étions quand l’OLP refusait de reconnaître Israël et Israël refusait de reconnaître l’OLP, » a dit Avnery cette semaine. « Total déjà vu ».
Dans ce cas, suggérez-vous de leur parler comme vous l’avez fait dans le passé ?
« Absolument. Je suggère que le gouvernement israélien déclare sa volonté d’engager des négociations avec le représentant reconnu du peuple palestinien, sur la base des accords existants. S’ils veulent venir, c’est bien. S’ils ne veulent pas, nous n’avons rien perdu. »
Mais ce sont des religieux ; cela ne rend-il pas des négociations avec eux plus difficiles ?
« Plus difficile et meilleur. C’est comme le slogan selon lequel seul le Likoud peut faire la paix. L’avantage du Hamas est qu’il n’a pas le Hamas dans l’opposition. Tout ce que vous conclurez avec le Hamas sera acceptable pour tous. Ils mettront le Djihad islamique sous contrôle, tout comme [les Juifs] l’ont fait du Lehi [un groupe extrémiste de droite d’avant la création de l’Etat].
« La croyance religieuse ne doit pas les empêcher d’adopter une politique souple s’ils le désirent. L’islam leur interdit d’abandonner la terre d’Israël, mais il permet une hudna - c’est-à-dire un cessez-le-feu, même pour cent ans. J’ai toujours été opposé à des accords temporaires, mais de la part d’un religieux, il n’y a aucune raison de ne pas signer un accord temporaire, même pour 5.000 ans. Nous pouvons commencer avec un an, en vue de négociations. Au plus, nous écrirons dans le préambule de l’accord, que nous n’abandonnons pas notre droit à la Terre d’Israël de la mer [Méditerranée] au fleuve [Jourdain], et ils diront qu’ils n’abandonnent pas leur droit sur la terre du fleuve à la mer.
Et qu’en est-il des « Protocoles des sages de Sion », qui sont mentionnés dans leur charte ?
« La charte est absurde. Personne ne lit de telles chartes ni ne sait ce qui est écrit dans une charte. L’OLP a officiellement aboli sa charte des années après la signature des accords d’Oslo.
« Je n’ai pas besoin d’une déclaration disant qu’ils reconnaissent l’Etat d’Israël, leur seule volonté de parler avec nous pourrait être considérée comme une reconnaissance. Nous pouvons parler avec l’OLP, plutôt qu’avec le Hamas lui-même, nous pouvons parler au président - il y a toutes sortes de possibilités. Je suis encouragé par le fait qu’ils parlent du retrait sur les frontières de 1967. C’est la même chose qu’avec l’OLP. »
Et le terrorisme ?
« La demande d’arrêter le terrorisme est une condition raisonnable, à mon avis. Je crois que le Hamas peut arrêter le terrorisme du Djihad islamique, et s’il ne le fait pas, il n’y a pas de pourparlers. Mais il n’y aura pas de terreur, parce que le Hamas est attentif à l’opinion publique palestinienne qui ne veut pas de terrorisme. Le fait est qu’il l’ont arrêté avant les élections. Donc, il y a aussi une chance pour que le Hamas soit aussi d’accord pour négocier avec nous si nous le voulons, parce que c’est une organisation qui veut rester au pouvoir. »
On a dit la même chose à propos des nazis.
« Cette remarque est complètement sans fondement. C’est comme comparer la neige sur le mont Everest avec la neige sur le mont Thabor, seulement parce que les deux sont des montagnes. Une telle comparaison n’est pas pertinente. »
Connaissez-vous bien le Hamas ?
Je ne suis pas familier d’[Ismaïl] Haniyeh, mais je connais bien Mahmoud al-Zahar. N’oubliez pas que Gush Shalom [le bloc de la Paix, fondé par Avnery] a été créé à la suite de l’expulsion au Liban de 415 membres du Hamas. A l’époque, nous avions installé une tente devant le bureau du Premier ministre, et nous y sommes restés 45 jours, même sous la neige ; au bout d’un an, Israël les a tous fait revenir. Ils m’ont invité à Gaza, pour prendre la parole. Je suis monté à la tribune avec deux petits drapeaux sur mon veston, un israélien et un palestinien ; j’ai parlé en hébreu. J’ai vu environ 500 barbes noires devant moi. La mienne était la seule blanche. Ils m’ont invité à un repas. J’ai vu qu’ils n’étaient pas des monstres. Il y en a de toutes sortes, tout comme dans le Shas. Si leur rabbin le veut, il maudit et condamne, et s’il le veut, il devient plus accommodant. »