Sarah Lec’Hvien, Française, à Gaza depuis 2003 : "Les nuits sont très angoissantes"
"J’aurais pu partir avec les autres étrangers, mais je ne pouvais pas laisser mon mari, palestinien. Psychologiquement, c’est très dur. A chaque minute, on a peur de la mort. Les attaques sont permanentes, de jour comme de nuit. Il n’y a pas de lieu pour se réfugier, pour fuir. Une amie habite chez moi avec ses trois enfants, elle a fui Beit Lahiya au moment de l’offensive terrestre.
Les nuits sont très angoissantes. On ne dort pas dans la chambre mais dans le couloir, on a peur que les fenêtres éclatent. Au début de la guerre, pendant la nuit, on se levait à chaque bombe. Maintenant on reste couchés. De toute façon, il n’y a aucun endroit où on se sent en sécurité.
Je n’ai pas perdu de membre de ma famille, et dans le centre-ville de Gaza, où j’habite, il n’y a pas encore de soldats. Mais j’ai beaucoup de proches plus touchés que moi, et nerveusement, j’ai du mal à tenir. Depuis trois ou quatre jours, la radio nous indique qu’on doit fermer nos fenêtres : apparemment, les Israéliens vont bientôt lâcher du gaz sur la bande de Gaza."
Nabila Kilani, institutrice à Gaza, habitante de Beit Lahiya : "La maison à côté de la nôtre a été bombardée"
"J’ai vu des images que je n’aurais jamais cru possibles. Devant moi, un enfant a perdu une jambe. Il jouait aux billes quand la rue a été bombardée. Beit Lahiya a subi l’attaque la plus sauvage. Les Israéliens ont appelé chez moi pour prévenir d’une attaque. Mon père a refusé de partir. La maison juste à côté de la nôtre a été bombardée, avec une famille dedans. Quatre martyrs. C’était une famille normale, ni du Fatah, ni du Hamas. Beaucoup ont fui Beit Lahiya, mais nous avons choisi de rester. Si je dois mourir, ce sera avec ma dignité. C’est mon droit de vivre dans ma maison.
Hier soir, un martyr a été tué dans la rue tout près de ma maison. On n’a pas pu aller le chercher avant ce matin, les tirs étaient trop intenses. Toute la nuit, il était encore vivant, il criait. Dix-neuf jours sans eau, sans gaz, sans électricité. On ne trouve presque plus rien à manger. On entend des bruits en permanence, des chars, des avions F-16. Je compte les jours. L’école où je travaille est fermée, elle est située dans le quartier Zeitoun, très durement touché. Trois de mes élèves sont morts, un autre a vu son père mourir."
Ihab Abumallouh, enseignant à Nuseirat : "Les Israéliens ne préviennent pas toujours avant de bombarder"
"Il y a un couvre-feu de fait. A partir de 18 heures, tout ce que les Israéliens voient bouger dans la rue est une cible. On est toujours sous la menace d’être attaqués par des avions. A Nuseirat, on a encore de l’électricité cinq à six heures par jours, mais plus de gaz ou de gasoil. Il n’y a plus rien dans les magasins, c’est la guerre pour avoir un sac de farine.
Les Israéliens ne préviennent pas toujours avant de bombarder. Ça dépend de l’humeur de celui qui bombarde. Un ami a perdu ses deux frères, son père et sa sœur sont blessés. On a bombardé leur maison à 5 heures du matin, pendant leur sommeil, sans les prévenir.
Le pire pour un adulte, c’est de voir ces images d’enfants de 5 ans massacrés. Regarder ça, c’est pire que la mort. Ce n’est pas une guerre. Ce n’est pas pour éliminer le Hamas, mais pour éliminer la population de Gaza."
Ahmed S., habitant de Khouza : "Mon frère était là en 1948, en 1967. Il n’a jamais vu une situation aussi grave"
"Il y a trois jours, l’armée israélienne a attaqué ma ville avec des tanks, soutenus par l’aviation. Le résultat ressemble à un tremblement de terre. Plus un bâtiment ne tient debout, il y a des morts partout, c’est l’enfer. L’hôpital le plus proche est à Khan Younès, à 10 kilomètres. Les ambulances ont du mal à passer. Un de mes proches a été tué hier matin, on n’a pu l’évacuer que douze heures après. Ma maison a été rasée comme les autres, j’habite maintenant chez des amis, à cinq kilomètres de Khouza. Mon frère a 75 ans, il était là en 1948, en 1967. Il n’a jamais vu une situation aussi grave."