Le besoin de cohérence a fait que, cette semaine, durant leur voyage à Bruxelles, les représentants d’Israël présentent au chef de la politique étrangère de l’UE, Federica Mogherini, une convocation pour interrogatoire au commissariat de police de Ma’aleh Adumim pour suspicion d’activité terroriste.
D’une part les représentants d’Israël, sous le couvert de leur sous-traitant palestinien, recevront de l’UE un gros chèque en compensation du coup de hache de Donald Trump au financement de l’Autorité Palestinienne et de l’UNRWA. (Voir ci-dessous : « Les coupes dans le financement de l’AP sape la coordination sécuritaire. ») D’autre part ils remettront la convocation pour interrogatoire pour suspicion de terrorisme et d’aide au terrorisme.
A cause d’Auschwitz, ou à cause des liens scientifico-militaires avec Israël, les représentants européens recevront la convocation avec un sourire. “Nous avons toujours su que les Juifs avaient un sens de l’humour fortement développé,” diront-ils.
Mais ils se trompent. Ce n’est pas une blague. C’est la préparation d’une autre expulsion. Sur le site Internet de la Knesset il y a l’apparition d’une nouvelle catégorie de terrorisme, “la terreur par les constructions.” Parmi ceux condamnés d’avance il y a l’AP, les Bédouins et l’Union Européenne. Le procureur, le juge et l’exécutant est le député Moti Yogev du Habayit Hayehudi (le Foyer Juif) [1], qui est aussi le président de la sous-commission sur l’expulsion des Palestiniens de la Commission de la Knesset des Affaires Etrangères et de la Défense, connue aussi comme la sous-commission des affaires civiles et sécuritaires en Judée et Samarie [2].
Il a aussi déclaré que toute construction palestinienne en Cisjordanie est du « terrorisme » quand elle a lieu dans la zone que la ruse israélienne a transformé en un autre roc de notre existence – la Zone C, dans laquelle chaque tente, chaque enclos pour les animaux, et chaque conduite d’eau nécessite un permis de construire israélien, qui n’est jamais accordé. Quiconque veut loger un jeune couple dans une pièce à eux, ou remplacer une tente usée, prenant l’eau, ou construire une classe de maternelle, est forcé d’enfreindre les lois du maître.
Jeudi dernier, la sous-commission des expulsions dansait de joie : en 2017 il y a eu une progression dans la démolition des constructions palestiniennes dans la Zone C, dont certaines avaient été construites avec un financement européen. Dans les séances de la commission, les députés ne se sont jamais lassés d’attirer l’attention sur le culot de l’Europe de financer les constructions. En créant une réalité imaginaire par leur terminologie, ils ont qualifié les constructions de “villages de caravanes.” Les localités palestiniennes ont été appelées “avant-postes” et leur existence en cet endroit depuis des décennies, “prise de contrôle.” Le territoire occupé est appelé “terre d’état.”
Nous avons inventé le terme de “terrorisme populaire” pour décrire les manifestations de civils contre nos soldats en armes. Nous avons criminalisé le BDS comme du terrorisme alors même que le boycott est l’outil le plus ancien dans les annales de la lutte non-violente contre les régimes oppressifs. Nous avons hurlé “guerre juridique” quand les Palestiniens ont osé porter leur affaire devant les tribunaux internationaux. Maintenant nous avons aussi reconnu coupable de terrorisme quiconque construit une école ou des latrines. Bientôt nous les reconnaîtrons coupables de terrorisme pour leur insistance acharnée à respirer.
Jeudi dernier la réunion s’est concentrée sur la communauté des Jahalin, qui a construit une école à partir de vieux pneus dans une zone où ils ont habité pendant des décennies, mais qui est convoitée par la colonie de Kfar Adumim. L’Administration Civile [3] est déterminée à déplacer la communauté de force vers une zone qui leur a été attribuée à Abu Dis, contre la volonté d’Abu Dis.
L’orateur le plus osé lors de la réunion a probablement été Le Maire Adjoint de Ma’aleh Adumim, Guy Yifrah. Pour des fins d’extension de sa colonie dans les années 1990, en pleines négociations d’Oslo, nos soldats et nos bureaucrates ont expulsé des centaines de membres de la tribu des Jahalin de terres sur lesquelles ils avaient habité depuis leur expulsion du Néguev après 1948.
Ils ont été déchargés sur les terres près de la décharge d’ordures d’Abu Dis. Maintenant, le maire adjoint a déclaré, que donner encore davantage de terres dans la même zone à un autre clan de la même tribu serait une faute. “Cela pourrait amener les Jahalin près de Ma’aleh Adumim à croire que l’état s’est résolu à leur présence ici.”
Que voulait-il dire, exactement ? Que, en fait, l’état ne s’est pas résigné à leur présence, même à Abu Dis. M. Yifrah nous dit que l’expulsion forcée prévue doit être un pas sur le chemin menant à l’expulsion finale vers un lieu inconnu.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers