Pour l’heure, les Israéliens ont les yeux tournés ailleurs. Sur la mutation de l’« Intifada des couteaux », qui voit décliner le nombre d’attaques à l’arme blanche au profit des fusillades (4 morts mercredi à Jérusalem) et se durcir la riposte de Benyamin Nétanyahou, qui autorise désormais le bouclage de villes et villages palestiniens de Cisjordanie où résidaient les « terroristes ». Mais en coulisses, les dirigeants de l’Etat hébreu aiguisent également leurs armes pour combattre l’isolement grandissant de leur pays et les appels à son boycott qui se multiplient à peu près partout.
Une menace qu’ils considèrent comme tellement importante qu’ils ont décidé d’y répondre en créant une structure opérationnelle anti-boycott. Le nouvel organisme fonctionnera sous la forme d’un département du ministère des Questions stratégiques. Il sera dirigé par un ancien haut responsable du Shabak (la Sûreté générale) et comprendra des ex-membres de l’appareil sécuritaire israéliens. Des anciens officiers de Tsahal et de l’Aman (Renseignements militaires), entre autres.
Sa mission ? Se procurer tous les renseignements possibles sur le mouvement favorable au boycott, en connaître les rouages, décrypter sa stratégie et préparer des réponses israéliennes adaptées. Cela, avec l’aide d’autres ministères dont celui des Affaires étrangères, qui reçoit quotidiennement les rapports de ses postes à l’étranger traitant, entre autres, des activités du mouvement Boycott-Désinvestissement-Sanction (BDS) créé en 2005 pour pousser l’Etat hébreu à évacuer les territoires occupés, par le biais de pressions économiques, culturelles ou académiques.
Jusqu’à ces derniers mois, Nétanyahou et ses ministres ne prenaient pas plus au sérieux les actions de BDS que celles des intellectuels et activistes pro-palestiniens qui appelaient à la mise au ban de leur pays sur la scène internationale. Certes, ils les accusaient de « remettre en cause la légitimité d’Israël » et d’« antisémitisme déguisé en antisionisme », mais cela n’allait jamais beaucoup plus loin. D’autant qu’en onze années d’existence, les activistes pro-boycott n’ont jamais mis sérieusement l’économie israélienne en danger. Et si quelques dizaines d’artistes ont effectivement annulé leurs prestations sur les scènes de l’Etat hébreu, des centaines d’autres continuent de s’y produire chaque année.
Punition
Mais l’idée d’une « punition » civile internationale d’Israël pour l’occupation des territoires palestiniens a fini par tracer son chemin. Surtout depuis que les gouvernements successifs de l’Etat hébreu sont de plus en plus marqués à droite. Indépendamment de BDS, des centaines d’initiatives ont par exemple été lancées en Espagne où 25 municipalités pratiquent officiellement le boycott et plus de 1 500 universitaires ont coupé les contacts avec leurs homologues israéliens.
Même phénomène en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, où une partie du monde académique et estudiantin, voire des organisations gay, refusent désormais toute collaboration avec « un pays colonisateur ». Certes, le gouvernement israélien riposte aux campagnes du BDS et de ses satellites en envoyant ici et là des délégations d’étudiants bien propres sur eux ou d’anciens soldats chargés de démontrer que leur pays n’est pas celui que décrivent les pro-palestiniens. Quant aux stratèges de Tsahal (l’armée), ils tentent de faire oublier l’image affligeante de l’occupation en publiant depuis quelques jours sur les réseaux sociaux des images de jeunes soldates au sourire enjôleur.
Mais cela ne suffit pas car l’effet de ces initiatives est limité. Les premiers à s’en rendre compte sont d’ailleurs les dirigeants de l’Etat hébreu qui ont pris la mesure du phénomène au printemps 2015, lorsque leur pays a failli être exclu de la Fifa à la demande de l’Autorité palestinienne soutenue de l’extérieur par les partisans du boycott. Par la suite, d’autres voyants rouges se sont allumés à Jérusalem en raison de prises de position de décideurs et de syndicats scandinaves.
De cette conjonction est née l’idée de créer une structure opérationnelle censée couper l’herbe sous le pied de BDS et de ses sympathisants. Celle-ci entamera ses activités durant le « congrès international anti-boycott » organisé le 28 mars à Jérusalem. « BDS et consort, nous allons les vaincre », a déclaré jeudi le président israélien, Reuven Rivlin, qui patronne l’événement.
En tout cas, lorsqu’ils entreront en fonction, les agents « anti-BDS » n’auront pas le temps de se croiser les bras car au-delà des milieux pro-palestiniens, l’idée d’un boycott international censé faire plier Israël à propos de l’occupation et de la colonisation éveille désormais un intérêt prudent chez certains diplomates et responsables européens.