Le quartier de Silwan, à Jérusalem-Est, où les Palestiniens manifestent depuis des semaines dans un contexte de campagne israélienne de démolition de maisons, a été transformé en zone militaire fermée. Les forces de sécurité israéliennes ont restreint l’entrée et la sortie de la ville, et ont installé des points de contrôle et déployé des forces à ses entrées.
Située au sud de la mosquée Al-Aqsa, Silwan est l’une des villes palestiniennes les plus grandes, les plus anciennes et les plus proches de la mosquée, car seul le mur sud de Jérusalem, qui est adjacent au quartier de Wadi Hilweh, sépare son entrée nord de la mosquée.
Les autorités israéliennes démolissent des maisons depuis des semaines dans la zone pour faire place à un parc à thème biblique, connu sous le nom de "Cité de David". Les Palestiniens affirment que ces démolitions visent à les chasser de Jérusalem dans le but de "judaïser" davantage la ville. Les autorités israéliennes, pour leur part, affirment que les maisons ont été construites illégalement. Pourtant, les Palestiniens font remarquer qu’il est quasiment impossible d’obtenir des permis de construire dans cette zone.
Silwan est situé à un peu plus de trois kilomètres de Sheikh Jarrah, un autre quartier de Jérusalem où les affrontements liés aux expulsions ont été l’un des principaux moteurs du conflit entre le Hamas et Israël en mai, qui a fait des centaines de morts.
Les historiens et les chercheurs estiment que Silwan est le premier noyau sur lequel Jérusalem a été construite il y a plus de 5 000 ans par les Jébusites, une tribu cananéenne qui habitait la Palestine et qui a été la première à faire pousser des oliviers dans le pays.
"Les autorités israéliennes ont pour objectif de transformer Silwan en un site militaire fermé pour éliminer la présence palestinienne, d’autant plus que la ville est la première ligne de défense de la mosquée Al-Aqsa depuis le côté sud. Il y a 59 000 habitants de Jérusalem qui vivent à Silwan, en plus des 2 800 colons israéliens extrémistes basés dans 78 avant-postes", a déclaré à Al-Monitor Fakhri Abu Diab, membre du Comité de défense de Silwan.
Il a ajouté : "Silwan risque d’être déplacé de force après que la municipalité d’occupation de Jérusalem a remis aux résidents 6 800 ordres de démolition, tandis que 40 % des maisons risquent d’être démolies sous prétexte d’absence de permis de construire. L’objectif est d’assiéger la mosquée Al-Aqsa et de faire avancer le projet dit du "Bassin sacré", qui s’étend du quartier de Sheikh Jarrah à Silwan."
Abu Diab a noté que "la ville de Silwan - qui s’étend sur une superficie de 5 640 dunams [1 394 acres] - comprend 12 quartiers, dont six risquent d’être démolis par l’armée israélienne, à savoir les quartiers d’Ain Lawza, Wadi Yasul, Wadi Hilweh, Wadi Rababa, Batn al-Hawa et al-Bustan, où vivent 1 550 personnes et où plus de 100 maisons risquent d’être démolies afin d’installer un jardin biblique sur ses ruines".
Il a ajouté : "Les autorités israéliennes exploitent la loi sur les biens des absents de 1950, qui permet aux [forces] d’occupation de saisir des milliers de maisons et de biens immobiliers et des millions de dunams [appartenant aux Palestiniens qui ont quitté leurs terres]. Cette loi vise à empêcher le retour des Palestiniens déplacés sur les terres et les propriétés qu’ils ont quittées avant, pendant ou après la guerre de 1948. Le Fonds national juif - également connu sous le nom de Keren Kayemeth LeIsrael - confisque les biens immobiliers et les terres, et transfère leur propriété à l’association de colonisation Elad."
Abu Diab explique : "Les autorités israéliennes profitent de la confiscation des maisons des quartiers de Silwan pour creuser d’autres tunnels sous la mosquée Al-Aqsa, et mettre en place des projets de judaïsation - comme le projet de téléphérique - dans le but d’imposer un nouveau fait accompli qui sert le droit de saisie des sionistes."
Il a ajouté : "Il y a actuellement un conflit idéologique ... à propos de la terre et de la propriété à Jérusalem, que les autorités israéliennes promeuvent pour montrer au monde qu’elles ont le droit à cette terre. De nombreux quartiers de Silwan ont été construits il y a plus de 1 000 ans, c’est-à-dire avant l’occupation israélienne de Jérusalem. Cela montre que le récit israélien est fabriqué de toutes pièces."
Le Times of Israël a rapporté le 26 mai que l’organisation juive Ateret Cohanim cherche à expulser les résidents arabes de la zone en soutenant diverses actions en justice intentées par des colons. Ces derniers soutiennent que les terres de Silwan étaient la propriété légale d’un fonds d’investissement juif actif dans la zone depuis plus de 100 ans.
Nasser al-Hadmi, responsable du Comité de Jérusalem pour la résistance au déplacement, a déclaré à Al-Monitor : " La transformation de Silwan en site militaire fermé intervient dans un contexte d’attaques féroces et systématiques contre Jérusalem, notamment contre les quartiers de Sheikh Jarrah et d’Issawiya, ainsi que contre Silwan, qui est adjacent à la mosquée Al-Aqsa. Ce dernier comprend de nombreux monuments archéologiques et historiques qui témoignent de l’identité islamique de la ville."
Il a ajouté que l’armée israélienne a installé un réseau de caméras de surveillance, mis en place des points de contrôle et procédé à de nombreuses arrestations contre les habitants de Jérusalem pour les forcer à partir.
Il a fait remarquer que "la plupart des maisons de Silwan ont été construites avant la Nakba de 1948, et d’autres ont été construites avant qu’Israël n’occupe Jérusalem. Pourtant, la municipalité d’occupation de Jérusalem empêche les habitants de Jérusalem d’obtenir des permis de construire. Ils attendent pendant de nombreuses années que la municipalité examine ne serait-ce que leurs demandes, qui sont souvent rejetées. L’objectif d’Israël est de déplacer les résidents, de resserrer l’étau sur eux et de confisquer leurs maisons et leurs terres."
Hadmi a ajouté : "La municipalité israélienne de Jérusalem prévoyait de supprimer près de 1 000 logements et biens immobiliers à Jérusalem en un an. Pourtant, elle n’a pu en supprimer que quelques centaines. C’est pourquoi elle fait chanter les habitants et les pousse à démolir leurs propres maisons. Lorsqu’un habitant de Jérusalem refuse de démolir sa maison, les bulldozers israéliens le font à sa place et le propriétaire doit payer une amende à la municipalité d’occupation de Jérusalem pour la démolition."
A propos du transfert de propriétés par des habitants de Jérusalem à des colons, Hadmi a déclaré : "Les transferts sont rares car tous les habitants de Jérusalem ne font pas cela. Parfois, ces transferts ont lieu parce que la municipalité israélienne accumule des dettes et des amendes financières sur les habitants de Jérusalem, ce qui aggrave leur situation économique."
Il conclut : " La municipalité d’occupation a changé de nombreux noms de rues dans la vieille ville de Silwan. Elle a changé le nom du quartier de Wadi al-Hilweh en ’Cité de David’, et celui du quartier d’al-Bustan en ’Gan Hamelekh’ [’Jardin du roi’]. La place de la Porte des Maghrébins est maintenant connue sous le nom de parking "Givati". L’objectif est de falsifier les faits et l’histoire de ces zones palestiniennes."
Le 25 mai, Amnesty International a indiqué que les lois israéliennes permettent aux Juifs de revendiquer et de prouver la propriété d’anciens biens devant les tribunaux, alors qu’elles refusent à la population arabe le même droit, et empêchent le retour de ceux qui ont quitté leurs propriétés après 1948.
Traduction : AFPS