Photo : Attaque israélienne sur la soit-disant zone humanitaire d’al-Mawasi à Gaza, le 5 décembre 2024 © Quds News Network
Depuis la reprise des frappes sur le territoire palestinien le mois dernier, Israël a discrètement cessé de désigner des secteurs de Gaza comme zones humanitaires.
Cette décision a renforcé les craintes des travailleurs humanitaires quant à la sécurité des civils qui s’abritent dans des lieux auparavant considérés comme protégés.
En décembre 2023, Israël a désigné une petite bande de terre dans le sud de la bande de Gaza comme « zone humanitaire », où les civils étaient censés pouvoir se rassembler en toute sécurité. Cette zone a été élargie en mai dernier pour couvrir une zone plus vaste dans le sud-ouest de Gaza, y compris Khan Younis, Deir al-Balah et al-Mawasi.
Jusqu’en janvier, la zone humanitaire était indiquée sur des cartes publiées en ligne et larguées par l’armée israélienne. Plus d’un million de personnes avaient alors afflué dans ces zones.
Les zones humanitaires n’étaient pas entièrement sûres. Les chiffres officiels montrent qu’elles ont été touchées par au moins 28 frappes israéliennes avant janvier et une enquête de la BBC a porté ce nombre à 97, avec 550 personnes tuées. L’armée israélienne a accusé les militants du Hamas d’utiliser ces zones comme protection et comme base de lancement d’attaques contre les troupes israéliennes.
La mention des zones humanitaires a disparu des cartes depuis l’effondrement du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas en mars. L’armée israélienne a repris ses frappes aériennes et s’est emparée de pans entiers de territoire pour en faire une « zone tampon de sécurité ». Les Nations unies estiment que 70 % de la bande de Gaza fait désormais l’objet d’un ordre d’évacuation ou est une « zone interdite ».
Lors des réunions avec les agences d’aide, l’armée israélienne et le Cogat - l’unité du gouvernement israélien chargée de coordonner la politique à Gaza - ont éludé les questions relatives aux zones humanitaires, selon un haut fonctionnaire international qui a demandé à ne pas être nommé afin de pouvoir s’exprimer librement.
La source a ajouté : « [Les autorités israéliennes] n’ont pas indiqué si elles allaient rétablir certaines désignations de zones humanitaires. Il y a une logique à cela : si elles ne rétablissent pas les zones humanitaires, elles ne peuvent donc pas garantir la sécurité des mouvements à l’intérieur de ces zones pour les travailleurs humanitaires ou les civils ».
Dans un commentaire au Guardian, l’armée israélienne a déclaré : « Al-Mawasi n’est actuellement pas définie comme une zone sûre, et les zones d’évacuation changent en fonction des opérations de l’armée israélienne visant à contrecarrer les activités terroristes qui menacent la sécurité d’Israël. »
« L’armée israélienne demande et facilite l’évacuation des civils des zones qui mettent en danger leur sécurité, en émettant des avertissements préalables clairs et détaillés par le biais de multiples canaux. »
Des dizaines de milliers de Palestiniens ont continué d’affluer à al-Mawasi, une zone sablonneuse avec peu de bâtiments, beaucoup pensant qu’il s’agit toujours d’une zone protégée. Mais la zone a été touchée par 23 frappes aériennes depuis la fin du cessez-le-feu, selon l’ONU.
La semaine dernière, deux missiles israéliens ont frappé des camps de réfugiés à al-Mawasi, mettant le feu à des dizaines de tentes, à l’intérieur desquelles se trouvaient souvent des femmes et des enfants. Ces attaques ont fait au moins 16 morts et de nombreux blessés. « Les images d’enfants brûlés alors qu’ils s’abritaient dans des tentes de fortune devraient tous nous ébranler », a déclaré Catherine Russell, directrice exécutive de l’Unicef.
Nasser, père de quatre enfants, a cherché refuge avec sa famille à al-Mawasi après que leur maison à Deir al-Balah a été détruite l’année dernière.
« Mawasi n’était pas vraiment mieux », a déclaré ce comptable de 35 ans. « Les conditions étaient surpeuplées, chaudes et sales, il n’y avait nulle part où se laver ou avoir de l’intimité. Il y avait parfois des frappes aériennes sur al-Mawasi lorsque nous étions déplacés et ils mettaient le feu aux tentes. Les Israéliens nous disaient de nous déplacer à nouveau, même à l’intérieur du camp ».
La famille est rentrée chez elle lorsque le cessez-le-feu a été déclaré, mais Nasser a déclaré qu’il était désormais clair pour tout le monde à Gaza que personne n’était à l’abri.
« Nous ne savons pas quoi faire », a-t-il ajouté. « J’ai passé toute la journée à chercher de l’eau potable et du bois pour faire du feu afin de faire bouillir l’eau usée. Mais Mawasi est également dangereuse, elle a été prise pour cible 20 fois au cours du mois dernier et il y a eu de nombreux martyrs ».
Les Nations unies ont averti mardi que Gaza était menacée de famine après plus de 50 jours de blocus israélien total sur l’aide entrant dans le territoire. Toujours mardi, des frappes aériennes israéliennes ont tué 17 personnes, principalement des femmes et des enfants, selon le ministère de la santé de Gaza.
Philippe Lazzarini, directeur de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, a décrit Gaza comme une « terre de désespoir ».
« La faim se répand et s’aggrave, de manière délibérée et artificielle », a déclaré M. Lazzarini mardi. Il a ajouté que les deux millions d’habitants de Gaza subissaient une « punition collective » et a accusé Israël d’utiliser l’aide humanitaire comme « une monnaie d’échange et une arme de guerre ».
Ses commentaires ont été repris par Jens Lærke, porte-parole de l’agence humanitaire des Nations unies OCHA, qui a déclaré aux journalistes mardi : « Il est vrai que la situation humanitaire actuelle est probablement la pire que nous ayons connue depuis le début de la guerre à Gaza. »
Traduction : AFPS