Photo : couverture du rapport de B’Tselem intitulé "Bienvenue en enfer" sur la torture systématique des détenus Palestiniens dans les prisons israéliennes.
Les autorités israéliennes maltraitent systématiquement les Palestiniens dans des camps de torture, les soumettant à de graves violences et à des agressions sexuelles, a déclaré B’Tselem lundi.
Dans un nouveau rapport de 118 pages, le groupe israélien de défense des droits accuse le gouvernement de mener une politique d’abus et de torture institutionnalisés à l’encontre de tous les détenus palestiniens depuis le 7 octobre.
Des actes de torture ont été enregistrés dans des centres de détention civils et militaires à travers Israël, entraînant la mort d’au moins 60 Palestiniens détenus par Israël en moins de 10 mois.
La nature systématique des abus dans tous les établissements ne laisse "aucune place au doute quant à l’existence d’une politique organisée et déclarée des autorités pénitentiaires israéliennes".
Le rapport, intitulé "Bienvenue en enfer" est basé sur 55 témoignages d’anciens détenus de la bande de Gaza, de la Cisjordanie occupée, de Jérusalem-Est et de citoyens d’Israël, dont l’écrasante majorité a été détenue sans avoir été jugée.
Les personnes interrogées ont décrit les abus avec "des détails horribles et des similitudes qui font froid dans le dos" a déclaré B’Tselem.
Selon le rapport, les tortures subies par les prisonniers sont les suivantes : "Des actes fréquents de violence sévère et arbitraire, des agressions sexuelles, des humiliations et des dégradations, la privation délibérée de nourriture, des conditions insalubres forcées, des privations de sommeil, l’interdiction du culte religieux et des mesures punitives, la confiscation de tous les biens communaux et personnels et le refus de dispenser les traitements médicaux adéquats.
Le rapport explique que la torture visait les détenus parce qu’ils étaient Palestiniens, quelles que soient leur origine et leurs opinions politiques.
Parmi les personnes maltraitées figuraient des prisonniers détenus avant que la guerre n’éclate le 7 octobre, ainsi que près de 4 800 personnes détenues arbitrairement sans inculpation ni jugement.
Parmi eux, des personnes détenues pour avoir exprimé de la compassion à l’égard des souffrances des Palestiniens, des hommes emmenés de Gaza sur la base d’une vague définition de "l’âge de combattre" et d’autres emmenés sur la base de soupçons - fondés ou non - selon lesquels ils seraient des partisans ou des membres de groupes armés palestiniens.
"Des milliers de Palestiniens sont détenus dans des conditions inhumaines et soumis à des abus incessants" a déclaré Yuli Novak, directeur exécutif de B’Tselem.
"Certains ne savent pas pourquoi ils ont été arrêtés ; beaucoup seront libérés sans procès. C’est la définition d’un camp de torture : un endroit où, une fois entré - peu importe qui vous êtes ou pourquoi vous avez été arrêté - vous serez soumis à une douleur et une souffrance sévères, délibérées et implacables."
Novak a déclaré que le gouvernement avait "cyniquement exploité notre traumatisme collectif" causé par l’attaque du 7 octobre menée par le Hamas pour mettre en œuvre le "programme raciste et violent" du ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, qui supervise les autorités pénitentiaires.
"Ce gouvernement nous a conduits à un niveau moral historiquement bas, prouvant une fois de plus son mépris total pour les vies humaines - celles des otages israéliens à Gaza, des Israéliens et des Palestiniens qui vivent une guerre permanente, et des Palestiniens détenus dans des camps de torture", a ajouté Novak.
Crime contre l’humanité
Les abus décrits dans le rapport de B’Tselem correspondent à des dizaines de témoignages donnés à Middle East Eye et à d’autres médias depuis le début de la guerre.
Le mois dernier, MEE s’est entretenu avec le culturiste palestinien Muazzaz Abayat après sa sortie de prison, émacié, incapable de marcher sans aide, le bras droit agité de soubresauts illogiques devant lui et montrant le plus grand désarroi sur son visage.
Avant que l’armée israélienne ne l’arrête à la fin de l’année dernière, Abayat était un homme musclé et sûr de lui. Il pesait 109 kg et était un culturiste amateur. Après neuf mois passés dans les prisons israéliennes, le Palestinien a perdu plus de la moitié de son poids et souffre de problèmes psychologiques dus au traumatisme qu’il a subi.
Abayat a été battu si régulièrement, si brutalement et par tant de personnes différentes en prison qu’il voit maintenant tout le monde comme une menace potentielle. Les premiers mots qu’il a adressés à MEE sont les suivants : "Je n’ai pas été battu pendant les trois jours qui ont suivi ma sortie de prison. On m’a dit que je ne serais pas battu dans cet hôpital."
S’exprimant lentement mais sans interruption, il a déclaré qu’il ne se souvenait pas de sa vie avant que les soldats israéliens ne l’arrêtent : "Je n’arrive pas à me sortir la prison de la tête et je ne m’en souviens pas. Je vis toujours dans la prison. J’ai la prison à l’intérieur de moi."
B’Tselem a fait état de témoignages similaires, plusieurs personnes faisant état d’agressions sexuelles.
Le groupe de défense des droits a déclaré que les rapports sur les violences sexuelles suggéraient qu’elles étaient "récurrentes, d’une gravité variable, et perpétrées par des soldats ou des gardiens de prison à l’encontre de prisonniers palestiniens".
La semaine dernière, neuf soldats israéliens de la célèbre prison de Sde Teiman ont été placés en détention pour être interrogés sur des allégations d’abus sexuels contre un détenu palestinien, qui a été hospitalisé avec de graves blessures au rectum. Les soldats nient les accusations.
Depuis le 7 octobre, les autorités israéliennes ont déclenché une répression massive contre les Palestiniens dans les territoires occupés et en Israël.
Près de 10 000 personnes ont été arrêtées rien qu’en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est au cours des dix derniers mois, et environ 3 000 à 5 000 personnes ont été arrêtées dans la bande de Gaza.
Selon HaMoked, un groupe de défense des droits humains basé en Israël, environ 10 000 personnes sont toujours détenues en juillet, soit près du double du nombre de détenus palestiniens avant la guerre.
B’Tselem a déclaré que les violations commises par Israël à l’encontre des détenus palestiniens conduisent à la "conclusion inévitable qu’Israël commet des actes de torture qui équivalent à un crime de guerre et même à un crime contre l’humanité".
Le groupe a appelé les organismes internationaux, y compris la Cour pénale internationale (CPI), à intervenir immédiatement pour "mettre fin au traitement brutal des Palestiniens dans ces centres de détention".
Traduction : AFPS