- Manifestation contre les attaques de l’extrême droite envers le président israélien Reuven Rivlin et les ONG de défense des droits de l’Homme, à Tel Aviv, le 19 décembre. Reuters/Baz Ratner
Une loi en préparation sur les ONG reçevant des fonds de l’étranger suscite une vive émotion dans le camp libéral en Israël. Elle s’en prend tout particulièrement aux ONG critiques envers le gouvernement.
C’est un projet de loi incompatible avec une démocratie, accusent ses détracteurs : le texte visant à durcir la législation sur les ONG recevant des fonds de l’étranger a été adopté dimanche en conseil des ministres en Israël. L’initiative est vécue comme une chasse aux sorcières dans les rangs de la gauche israélienne, mais aussi à l’étranger, où elle est comparée aux mesures passées en Russie par Vladimir Poutine.
German pro-Israel MP, @Volker_Beck , warns that anti-NGO bill is incompatible with Israel's democratic nature. Israel is emulating #Putin
— Azriel Bermant (@azrielb) 28 Décembre 2015
Badges spéciaux pour les ONG
Les ONG israéliennes dont au moins 50% des revenues viennent d’"entités étatiques à l’étranger" devront désormais mentionner l’identité et l’adresse de leurs donateurs dans leurs déclarations financières aux organismes publics israéliens. Le projet de loi impose également aux membres de ces ONG de porter des badges spéciaux les identifiant lorsqu’ils se présenteront devant des comités parlementaires, comme c’est déjà le cas pour les membres de lobbies.
"C’est une avancée préoccupante dans les efforts de la droite pour délégitimer ces organisations et les réduire au silence", s’insurge le quotidien de centre gauche Haaretz. Porté par la ministre de la Justice Ayelet Shaked, étoile montante de la droite nationaliste religieuse, le texte "porte un rude coup à la liberté d’expression", estime le journal.
Ayelet Shaked dénonce les nombreuses "interférences flagrantes de gouvernements étrangers dans les affaires internes israéliennes", comme cette enquête de l’ONU sur la guerre de l’été 2014 qui a conclu à de possibles crimes de guerre d’Israël dans la bande de Gaza. Selon la ministre, les Nations unies se sont basées sur des preuves recueillies par B’Tselem, Adalah et Breaking the Silence, des ONG israéliennes qui reçoivent des fonds étrangers.
Réduire au silence Breaking the Silence
Depuis quelques semaines, l’ONG Breaking the Silence est particulièrement dans le colimateur du gouvernement. Naftali Bennett, ministre de l’Education mais également dirigeant du Foyer juif, le parti d’Ayelet Shaked, a interdit mi-décembre aux anciens soldats de cette organisation pacifiste de témoigner dans les écoles au motif qu’ils y répandraient des "mensonges".
Fondée par d’anciens militaires qui dénoncent les exactions de l’armée israélienne dans les Territoires palestiniens occupés, Breaking the Silence récolte et divulgue les témoignages d’abus auxquels ces soldats ont assisté ou pris part dans le cadre de leur service militaire.
For those interested in better understanding what all the recent buzz on Breaking the Silence is about, read on>>https://t.co/DGpyEOOXqy
— Breaking the Silence (@BtSIsrael) 20 Décembre 2015
Les ONG de droite épargnées
Nombre d’ONG israéliennes de gauche reçoivent une part importante de leur financement de gouvernements occidentaux. Plusieurs d’entre elles se disent attaquées par l’actuel gouvernement de droite en raison de leurs critiques à son égard. La Paix Maintenant qualifie le texte de "crime odieux contre la démocratie", qui n’a "rien à voir avec la transparence et tout avec la délégitimation des organisations qui critiquent les politiques gouvernementales".
Les ONG de droite, elles, préfèrent se financer, souvent à l’étranger également, auprès de particuliers. De ce fait, elles ne sont pas concernées par les mêmes restrictions.
Le projet de loi doit encore être soumis au Parlement pour trois lectures, la première mercredi, avant d’être définitivement adopté. Il devrait être soutenu par les partis de la coalition au pouvoir ainsi que par le parti Israel Beitenou d’Avigdor Lieberman.
Avertissement de l’UE
Le projet de loi sur les ONG a été critiqué par l’Union européenne, rapporte le Jerusalem Post, qui cite un document rendu public par la radio de l’armée : Lars Faaborg-Andersen, l’ambassadeur de l’UE en Israël, qui a rencontré Ayelet Shaked, aurait mis l’Etat hébreu en garde contre des actions qui compliquent le travail des ONG et porteraient atteinte à la liberté d’expression et d’association.
Jugeant légitime le besoin de transparence, l’ambassadeur constate que le projet de loi ne concerne que les organisations qui critiquent le gouvernement. "De telles restrictions sur la société civile sont pratiquées par les régimes tyranniques", se serait offusqué l’ambassadeur, alors qu’Israël se targue d’être la seule démocratie du Moyen-Orient.
Les relations entre Israël et l’Union européenne, son principal partenaire économique, avait déjà été rafraîchies par la décision de Bruxelles, en novembre, d’étiqueter les produits issus des colonies israéliennes des territoires occupés.
EU : If Israel approves Death of Democracy NGO bill it should be sanctioned as if it were Russia or North Korea.
— Tikun Olam (@richards1052) 27 Décembre 2015