Photo : L’armée israélienne détruit des routes au bulldozer dans le camp de réfugiés de Jénine © Quds News Network
Israël a lancé une vaste offensive militaire en Cisjordanie occupée mercredi, attaquant au moins trois villes depuis la terre et les airs.
Des frappes de drones ont touché Jénine, Tulkarem et Tubas, tandis que les troupes ouvraient le feu sur les Palestiniens au sol, tuant au moins neuf personnes, dont sept à Tubas et deux à Jénine, selon le ministère palestinien de la santé.
L’assaut a commencé juste après minuit heure locale (21h00 GMT) après que des soldats israéliens en civil sont entrés dans le camp de réfugiés de Jénine et dans le camp de réfugiés de Nur Shams à Tulkarem.
À Tubas, les troupes israéliennes sont arrivées par hélicoptère militaire et ont mené l’assaut, notamment dans le camp de réfugiés de Far’a, selon les médias israéliens et palestiniens.
Des forces israéliennes en grand nombre ont ensuite investi les camps et assiégé les hôpitaux, empêchant le personnel paramédical de s’y rendre, selon des témoins oculaires et le Croissant-Rouge palestinien.
Un ambulancier de la ville a déclaré à Middle East Eye que les forces israéliennes avaient fait une descente dans une station d’ambulances du camp de réfugiés de Far’a et avaient brièvement retenu les ambulanciers à l’extérieur.
Adnan Ghoneimi a déclaré que les soldats israéliens ont forcé les équipes médicales à quitter la station et les ont alignées contre un mur pendant qu’ils fouillaient les installations.
Les ambulanciers de la ville ont été empêchés d’atteindre le camp depuis le début du raid à minuit, a-t-il ajouté.
Un siège a été imposé aux trois villes - Jénine, Tulkarem et Tubas - dans le nord de la Cisjordanie, les coupant du reste du territoire palestinien.
Shatha Sabagh, une habitante du camp de Jénine, a décrit le raid comme le plus important qu’elle ait vu depuis des années.
"Le nombre de véhicules militaires qui ont pris d’assaut Jénine est très important", a-t-elle déclaré à MEE.
"Les trois principaux hôpitaux sont assiégés et toutes les rues menant à la ville sont fermées par des barrières de terre. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas assisté à une incursion d’une telle ampleur, et il semble qu’elle se poursuivra pendant plusieurs jours."
Les soldats israéliens ont pris position dans plusieurs bâtiments de la ville et ont déployé des tireurs d’élite sur les toits, tirant sur toute personne se déplaçant devant eux, a-t-elle ajouté.
Pendant ce temps, la ville est paralysée, les travailleurs et les étudiants étant contraints de rester à l’intérieur. Les habitants n’ont pas encore pu enterrer les personnes tuées lors du raid en raison du siège serré imposé par l’armée, selon Mme Sabagh.
Khaled Sobh, du camp de Far’a, a décrit une scène similaire.
"La situation dans le camp est catastrophique et l’incursion est la plus importante qu’il ait jamais connue", a-t-il déclaré à MEE.
"Les ambulances ne peuvent pas circuler. Les blessés ont été acheminés clandestinement vers les hôpitaux à cause de tous ces bouclages."
Selon M. Sobh, les forces israéliennes font des descentes "brutales" dans les maisons et utilisent les habitants comme boucliers humains. Il a déclaré qu’au moins une famille a servi de couverture aux soldats lorsqu’ils se sont installés sur le toit de leur maison pour s’y installer.
M. Ghoneimi a confirmé qu’un drone israélien avait bombardé le camp à l’aube, tuant quatre personnes.
Les équipes d’ambulanciers ont réussi à atteindre la zone quelques heures plus tard et ont été choquées par l’impact de la frappe.
Dans le camp de Nur Shams, près de Tulkarm, Bayan Mansour, témoin oculaire, a déclaré que les soldats avaient commencé à terroriser les habitants et à assiéger les deux principaux hôpitaux dès leur arrivée après minuit.
"Le raid et le mouvement des véhicules et des soldats prouvent qu’ils se préparent à rester pour une longue période", a déclaré Bayan Mansour à MEE.
"Les affrontements ne se sont pas calmés et nous entendons de temps en temps le bruit d’engins explosifs", a-t-elle ajouté.
Un grand nombre de bulldozers militaires ont été signalés dans les trois villes, rasant les routes et détruisant les infrastructures essentielles de l’eau et de l’électricité.
Le plus grand raid depuis la seconde Intifada
L’armée israélienne a déclaré qu’elle menait une vaste opération de "lutte contre le terrorisme" à Jénine et à Tulkarem, sans donner plus de précisions.
Des sources militaires ont déclaré au Times of Israel que l’attaque devrait durer plusieurs jours. La chaîne israélienne Channel 12 a déclaré que quatre bataillons étaient impliqués dans l’offensive, y compris des troupes terrestres et l’armée de l’air.
Par ailleurs, le radiodiffuseur public Kan News a indiqué que l’assaut est le plus important mené par l’armée israélienne depuis l’attaque "Bouclier défensif" de 2002, au plus fort de la seconde Intifada.
Peu après le début du raid, le ministre israélien des affaires étrangères, Israël Katz, a demandé l’"évacuation temporaire" des Palestiniens de certaines parties de la Cisjordanie occupée.
M. Katz a déclaré que l’armée travaillait "intensivement" dans les camps de réfugiés de Jénine et de Tulkarem pour "contrecarrer les infrastructures terroristes islamo-iraniennes" qui, selon lui, existent dans ces camps.
"Nous devons faire face à cette menace de la même manière que nous faisons face à l’infrastructure terroriste à Gaza, y compris par l’évacuation temporaire des résidents palestiniens", a ajouté M. Katz.
"Il s’agit d’une guerre pour tout et nous devons la gagner."
Pendant ce temps, les groupes armés palestiniens dans les villes ciblées, y compris les sections locales du Hamas, du Jihad islamique et du Fatah, ont déclaré que leurs membres affrontaient l’armée israélienne, y compris en faisant exploser des engins explosifs contre les troupes.
Le média Israel Hayom a décrit les combats dans les camps entre les soldats et les Palestiniens comme étant "lourds et difficiles".
La branche de Tulkarem du Jihad islamique a assumé la responsabilité d’une attaque contre un bulldozer de l’armée israélienne à l’aide d’une bombe placée en bord de route.
Des images diffusées par les médias locaux montrent les forces israéliennes évacuant de la ville un bulldozer endommagé.
Le Djihad islamique a également affirmé avoir touché des tireurs d’élite à Tulkarem lors d’un échange de tirs et a déclaré que ses combattants avaient abattu un drone israélien.
Aucune victime israélienne n’a été signalée dans l’immédiat.
Hôpitaux assiégés
L’hôpital gouvernemental de Jénine, également connu sous le nom d’hôpital Khalil Suleiman, est toujours assiégé par Israël près de 12 heures après le raid sur la ville de Cisjordanie, a déclaré le directeur de l’hôpital à MEE.
Le Dr Wissam Abu Bakr a déclaré que des véhicules militaires israéliens encerclaient l’hôpital, empêchant les gens d’y entrer et d’en sortir librement.
"Les ambulances qui ont transporté plusieurs blessés de la ville ont été soumises à une inspection minutieuse lorsqu’elles ont tenté d’entrer dans l’hôpital, tandis que les soldats ont fouillé les cartes d’identité de certaines des personnes piégées dans l’hôpital avant de les autoriser à le quitter après plusieurs heures", a déclaré Abu Bakr.
Des unités de tireurs d’élite sont également déployées dans les bâtiments adjacents à l’hôpital et surplombant celui-ci, ce qui limite les déplacements des résidents.
Dans le camp de Far’a, M. Ghoneimi a indiqué qu’en raison de la fermeture des routes menant au camp, les ambulanciers ont été contraints d’emprunter une route cahoteuse pour transporter les morts et les blessés.
Certains habitants ont été contraints de couper des arbres près de leur maison pour permettre aux ambulances de passer dans les allées étroites.
Chaque fois que les équipes médicales ont essayé d’atteindre les entrées du camp, elles ont été menacées par des soldats qui leur ont dit qu’ils allaient leur tirer dessus, a déclaré M. Ghoneimi.
"Si nous recevons un appel concernant des cas d’urgence à l’intérieur du camp, les ambulanciers essaient de s’en occuper sur le terrain, et s’ils ont besoin d’être transportés à l’hôpital, l’ambulance essaie de l’atteindre en empruntant des chemins de terre accidentés qui prennent plus de temps à passer".
Ghoneimi a déclaré à MEE que le bombardement du camp était le "bombardement aérien le plus violent" qu’il ait connu.
"L’un des martyrs n’avait plus de crâne, d’épaules ou de cerveau, comme s’il avait fondu pendant le bombardement", a-t-il déclaré.
Traduction : AFPS