Photo : Trois Palestiniens ont été tués par une frappe israélienne sur un appartement du quartier de Tuffah à Gaza ville, le 7 août 2024 © Quds News Network
Samedi, Israël a justifié le meurtre de plus de 100 Palestiniens réfugiés dans une école de la ville de Gaza en affirmant que l’attaque visait 20 combattants du Hamas et du Jihad islamique palestinien. Le mois dernier, le meurtre d’au moins 90 Palestiniens à al-Mawasi a également été justifié par les Israéliens, qui ont déclaré que l’attaque visait deux commandants du Hamas, dont Mohammed Deif, le chef de longue date des Brigades Qassam.
Depuis le début de la guerre, Israël a tué près de 40 000 Palestiniens à Gaza et en a blessé des dizaines de milliers d’autres. Tout en contestant parfois le nombre de morts, Israël a clairement indiqué qu’il considérait que la destruction de Gaza et des civils tués était justifiée en échange de la destruction du Hamas, à la suite de l’attaque du groupe contre Israël, qui a fait environ 1 139 morts.
Indépendamment de la question de savoir si ces combattants palestiniens étaient présents sur les sites attaqués par Israël (le Hamas nie qu’il opère à partir d’installations civiles et que Deif est même mort), ces massacres soulèvent la question de la proportionnalité et du nombre de civils qu’Israël est prêt à tuer pour assassiner une personnalité du Hamas.
Il n’existe pas de formule de proportionnalité en droit international humanitaire (DIH). Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) indique toutefois qu’en vertu du principe de proportionnalité, une attaque susceptible de causer incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures ou des dommages à des biens de caractère civil qui sont "excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu, est interdite".
L’armée israélienne utilise stratégiquement une violence disproportionnée, ont déclaré des analystes à Al Jazeera.
"L’armée israélienne n’a pas réussi à obtenir la libération des otages ni à porter un coup fatal au Hamas", a déclaré Tariq Kenney-Shawa, chargé de mission à Al-Shabaka, un réseau politique palestinien. Les attaques massives donnent au gouvernement et à l’armée israéliens un motif de "victoire" si elles entraînent la mort de dirigeants du Hamas et d’un grand nombre de civils, car elles s’inscrivent dans la stratégie plus large d’Israël de dissuasion par la destruction inégalée.
La "doctrine Dahiyeh"
Lors de la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah au Liban, l’armée israélienne a déployé une stratégie de représailles disproportionnées en ciblant des quartiers et en détruisant des infrastructures civiles afin de faire pression sur ses ennemis. Cette stratégie est connue sous le nom de "doctrine Dahiyeh".
Mais cela peut-il fonctionner ?
"Tous les autochtones résisteront aux colonisateurs tant qu’ils auront le moindre espoir de s’en débarrasser", a déclaré Hani Awad, chercheur au Centre arabe de recherche et d’études politiques, à Al Jazeera. Cette fermeté signifie que l’armée israélienne estime "nécessaire de répondre à tout acte de résistance par une puissance redoutable, mortelle et dévastatrice jusqu’à ce que les autochtones perdent tout espoir et acceptent les revendications et la volonté coloniales des colons".
Depuis le début de la guerre contre Gaza, l’armée israélienne a rasé des maisons, des écoles, des universités, des hôpitaux et des sites culturels dans ce qui a été qualifié de "génocide" et de "domicide". Selon un rapport des Nations unies, plus de 55 % des bâtiments ont été détruits par Israël entre le 7 octobre et le 31 mai.
L’armée israélienne affirme que les destructions ont été nécessaires pour cibler les personnalités du Hamas à Gaza.
"Indépendamment des affirmations d’Israël sur la présence de dirigeants du Hamas dans les zones ciblées, il est inacceptable de tuer des civils, de cibler des ambulances et de viser le personnel de la défense civile", a déclaré à Al Jazeera Ihab Maharmeh, chercheur au Centre arabe de recherche et d’études politiques de Doha.
Le concept de proportionnalité dans la conduite de la guerre a également changé pour Israël depuis le 7 octobre. Des sources militaires israéliennes ont déclaré au magazine +972 en avril que les soldats étaient autorisés à tuer jusqu’à 20 civils pour tuer un jeune combattant palestinien. Ce nombre pouvait atteindre des centaines pour un commandant du Hamas, ont indiqué ces sources, ajoutant que cette politique officielle était sans précédent en Israël ou dans l’histoire récente de l’armée américaine.
"Il serait difficile pour un juriste humanitaire international de dire qu’il s’agit d’une application acceptable de la proportionnalité", a déclaré Shane Darcy, professeur au Centre irlandais pour les droits humains de l’université de Galway, interrogé sur les chiffres rapportés par +972. "Il s’agit là de possibles crimes de guerre."
L’impunité comme moteur
Lorsque les attaques israéliennes contre des zones abritant un grand nombre de civils sont condamnées par les acteurs internationaux, les analystes affirment que les alliés d’Israël ou la communauté internationale n’ont guère pris de mesures concrètes pour modifier les tactiques de l’armée israélienne.
Le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, cherche actuellement à obtenir des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la défense Yoav Gallant pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité présumés. Cela n’a guère modifié la stratégie de guerre d’Israël, puisque les attaques contre les civils se sont poursuivies avec la même intensité dans les jours qui ont suivi l’annonce de M. Khan en mai.
"Les massacres ethniques répétés d’Israël suggèrent qu’ils se sentent à l’abri de toute répercussion pour avoir violé les lois internationales et humanitaires, en partie grâce au soutien inébranlable des États-Unis, qui comprend la fourniture d’armes létales avancées", a déclaré M. Maharmeh.
Les analystes estiment que tant qu’Israël n’aura pas à répondre de ses actes, notamment de la part de son allié américain, le nombre élevé de civils tués lors des attaques se poursuivra probablement.
"L’impunité est le moteur d’Israël", a déclaré Mme Kenney-Shawa. "Israël n’a subi aucune conséquence pour les meurtres massifs de civils palestiniens, ce qui l’a encouragé à mener les attaques les plus brutales à volonté, sachant que personne ne lui demandera de rendre des comptes."
Traduction : AFPS