Photo : Tous les systèmes qui ont échoué à arrêter la guerre devraient contribuer à reconstruire Gaza, 24 janvier 2025 © Rula Alqawasmi via X
Israël a interrompu l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza afin de faire pression sur le Hamas pour qu’il accepte de modifier l’accord de cessez-le-feu afin de permettre la libération des otages sans retrait des troupes israéliennes.
Le bureau du premier ministre, Benjamin Netanyahu, a déclaré dimanche qu’il imposait un blocus à Gaza parce que le Hamas n’acceptait pas un plan qui, selon lui, avait été présenté par l’envoyé spécial américain, Steve Witkoff, pour prolonger la première phase du cessez-le-feu et continuer à libérer les otages, et reporter la deuxième phase, qui prévoyait un retrait israélien de la bande de Gaza.
« Avec la fin de la première phase de l’accord sur les otages, et à la lumière du refus du Hamas d’accepter les grandes lignes de Witkoff pour la poursuite des pourparlers - qu’Israël a acceptées - le Premier ministre Netanyahu a décidé qu’à partir de ce matin, toutes les entrées de marchandises et de fournitures dans la bande de Gaza cesseraient. Israël n’autorisera pas de cessez-le-feu sans la libération de nos otages », a déclaré le gouvernement israélien dans un communiqué. « Si le Hamas persiste dans son refus, il y aura d’autres conséquences. »
Après l’annonce, le porte-parole de M. Netanyahu, Omer Dostri, a écrit dans un message sur les réseaux sociaux : « Aucun camion n’est entré à Gaza ce matin, et il n’y en aura pas à ce stade. »
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé dimanche à ce que « l’aide humanitaire revienne immédiatement à Gaza ».
L’existence et les détails d’un plan Witkoff n’avaient pas été confirmés par Washington dimanche matin. Dans une déclaration, le Hamas a qualifié la suspension de l’aide de « crime de guerre » et de violation de l’accord de cessez-le-feu. Il a déclaré que la « décision de M. Netanyahu de suspendre l’aide humanitaire est un chantage de bas étage, un crime de guerre et un coup d’État flagrant contre l’accord [de cessez-le-feu] ».
Le Hamas a déclaré qu’il était attaché au cessez-le-feu initialement convenu, qui devait passer à une deuxième phase, avec des négociations visant à mettre un terme définitif à la guerre, et qu’il rejetait l’idée d’une prolongation temporaire de la trêve de 42 jours.
Un haut responsable du Hamas, Mahmoud Mardawi, a déclaré à Al Jazeera que le groupe ne libérerait les otages israéliens restants que selon les termes de l’accord progressif déjà convenu.
Au cours des 15 mois de guerre entre Israël et Gaza, le gouvernement Netanyahu a démenti à plusieurs reprises les affirmations des organisations humanitaires selon lesquelles il bloquait les livraisons humanitaires, imputant le flux très limité à d’autres facteurs. Avant le cessez-le-feu, les représentants des Nations unies avaient prévenu qu’une famine généralisée était imminente. Au cours des six semaines de la première phase de la trêve, les livraisons sont revenues à leur niveau d’avant-guerre, soit environ 600 camions par jour, transportant principalement de la nourriture.
Les responsables de l’aide humanitaire ont déclaré que même avec le rétablissement des livraisons de nourriture, le manque d’eau potable, la destruction presque complète des hôpitaux et des cliniques de Gaza, le manque d’abris en plein hiver et l’accumulation d’eaux usées non traitées dans les décombres pourraient être mortels pour la population survivante de 2,2 millions de personnes.
M. Netanyahu a fait cette annonce, qui, selon son bureau, a reçu le soutien des États-Unis, après l’échec des pourparlers au Caire visant à maintenir le cessez-le-feu à l’approche de la fin de sa première phase de six semaines, sur la question de savoir si la trêve devait passer à une deuxième phase.
Le bureau du premier ministre a déclaré plus tôt dimanche qu’il était d’accord sur l’adoption de ce qu’il a décrit comme la proposition de Witkoff d’étendre la première phase du cessez-le-feu jusqu’au Ramadan et à la Pâque, qui se terminent le 20 avril, au cours desquels la moitié des otages vivants et la moitié des corps des otages décédés seraient libérés.
En ce qui concerne la conclusion de cette prolongation temporaire, le communiqué indique que « si un accord est conclu sur un cessez-le-feu permanent, les otages encore en vie et les otages décédés seront libérés. »
La première phase du cessez-le-feu prévoyait principalement la libération d’otages israéliens en échange de Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, une augmentation des livraisons d’aide et un retrait des troupes israéliennes de certaines positions. La deuxième phase exige un retrait complet d’Israël et une cessation plus durable des hostilités.
Le plan Witkoff, tel qu’il a été décrit par le bureau de M. Netanyahu, semble similaire à la proposition d’Israël de prolonger de six semaines la première phase du cessez-le-feu, avec des libérations d’otages, mais il ne mentionne pas le retrait des troupes qui faisait partie de l’accord de trêve initial de janvier.
Le Hamas a déclaré que la proposition montrait clairement qu’Israël cherchait à désavouer l’accord qu’il avait signé précédemment.
Le ministère égyptien des affaires étrangères a accusé Israël d’utiliser la famine comme « une arme contre le peuple palestinien », des propos repris par le Qatar qui a déclaré qu’il « condamnait fermement » la décision d’Israël. L’Arabie saoudite a également condamné le blocage de l’aide et la Jordanie a déclaré que l’action d’Israël « menace de raviver » les combats à Gaza.
L’Union européenne a condamné ce qu’elle a appelé le refus du Hamas d’accepter l’extension de la première phase, et a ajouté que le blocage de l’aide par Israël « risquait d’avoir des conséquences humanitaires ». Bruxelles a appelé à « une reprise rapide des négociations sur la deuxième phase du cessez-le-feu ».
Le Hamas n’a pas participé directement aux pourparlers du Caire, mais il s’est coordonné avec les responsables qataris et égyptiens qui se trouvent à la table des négociations avec les délégations américaine et israélienne. Les négociateurs ont quitté le Caire vendredi soir et rien n’indiquait qu’ils se réuniraient à nouveau samedi en fin de journée.
Un retrait israélien impliquerait d’abord un retrait du corridor de Philadelphie le long de la frontière sud de Gaza avec l’Égypte, mais un tel retrait pourrait provoquer l’effondrement de la coalition de droite de M. Netanyahu, ce qui obligerait à organiser de nouvelles élections, à l’issue desquelles son avenir politique serait incertain.
Des analystes politiques israéliens ont suggéré que M. Netanyahu avait accepté le cessez-le-feu sous la pression de Donald Trump, persuadé que l’accord n’aboutirait jamais à une deuxième phase. Depuis le début du cessez-le-feu, il a empêché les négociateurs israéliens de discuter d’une deuxième phase. M. Witkoff a toutefois insisté sur le fait qu’une deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu devait être mise en œuvre, afin de garantir la libération des 59 otages restants, dont 25 seulement seraient encore en vie. La plupart des Israéliens souhaitent également que le gouvernement fasse de la libération des otages une priorité, mais cette position est contestée par l’extrême droite israélienne, sans laquelle la coalition ne pourrait pas rester au pouvoir. Les partis de droite soutiennent que la priorité d’Israël devrait être la destruction du Hamas.
Le ministre israélien des finances d’extrême droite, Bezalel Smotrich, a déclaré que la décision d’interrompre le flux d’aide était « un pas important dans la bonne direction ».
Faisant référence à la menace antérieure de M. Trump d’ouvrir les « portes de l’enfer » sur Gaza, M. Smotrich a déclaré dans un message sur les réseaux sociaux : « Nous devons maintenant ouvrir ces portes aussi rapidement et aussi mortellement que possible sur l’ennemi, jusqu’à la victoire complète ».
Il n’y a toujours pas d’accord sur la question de savoir qui devrait diriger Gaza une fois qu’une fin durable à la guerre aura été décidée. M. Trump a semé la consternation et la confusion au début du mois de février en suggérant que les États-Unis devraient « posséder » Gaza, qui serait en quelque sorte vidée de ses plus de 2 millions d’habitants palestiniens pour faire place à une « Riviera sur la Méditerranée ».
Traduction : AFPS