Ils étaient nombreux à manifester
fin juin dans les rues des villes des
territoires palestiniens occupés pour
la libération des milliers de prisonniers
politiques palestiniens détenus par Israël.
Le 25, des combattants palestiniens
étaient parvenus à surprendre une unité
de tanks israéliens basée au sud-est de
la bande de Gaza et à s’emparer d’un de
ses membres lors d’une opération audacieuse,
avec notamment en jeu l’hypothèse
d’un échange. De quoi s’agit-il ?
Après avoir vainement espéré du processus
d’Oslo la libération des prisonniers
palestiniens, leurs familles se mettaient
ainsi à rêver d’un échange semblable à
celui qui s’était déroulé en janvier 2004.
On se souvient qu’après vingt-deux ans
d’occupation du Liban-sud, l’armée israélienne
s’en était unilatéralement retirée
en mai 2000, emmenant dans ses bagages
les miliciens de l’ALS qui avaient collaboré
avec elle ; du coup les portes du
bagne de Khiam s’étaient ouvertes sur
les 250 Libanais, hommes et femmes,
qui s’y trouvaient détenus sans procès,
depuis de nombreuses années pour certains
d’entre eux. Mais vingt-cinq Libanais
continuaient à croupir dans les geôles
israéliennes, après avoir été condamnés
à de lourdes peines par des tribunaux
israéliens, lesquels s’étaient arrogé le
droit de juger ces prisonniers de guerre,
en infraction aux dispositions de la troisième
Convention de Genève.
Il fallut attendre près de quatre ans pour
que vingt-et-un d’entre eux retrouvent la
liberté. Cela s’est produit dans le cadre
d’un échange entre eux et 429 prisonniers
d’autres nationalités, dont 400 Palestiniens,
3 Syriens, 3 Marocains, 3 Soudanais,
un Lybien et un Allemand, ainsi
que 59 dépouilles de combattants libanais
d’une part, et de l’autre le colonel
de réserve Tennenbaum qui avait été
enlevé dans une rue de Beyrouth ainsi
que les dépouilles de trois soldats israéliens.
Cet échange avait été négocié par
un tiers, les autorités allemandes.
D’autres échanges avaient eu lieu auparavant,
qui n’avaient pas nécessité d’intermédiaires.
Ce fut le cas au lendemain
des invasions israéliennes de 1978 et de
1982, après les heurts ayant opposé les
militaires israéliens aux combattants
palestiniens et libanais (à l’époque nationalistes
et communistes). Au fil des ans,
les échanges étaient devenus de plus en
plus disproportionnés et macabres, les
Libanais ne détenant plus de prisonniers
israéliens mais seulement des dépouilles
trouvées sur les champs de bataille.
Ce sont effectivement des dépouilles qui
ont été échangées en 1996 : celles de
deux soldats israéliens contre celles de
123 Libanais. En 1998, le Hezbollah a
obtenu, contre le cadavre d’un officier
israélien, ceux de quarante combattants
libanais ainsi que la libération de soixante
prisonniers dont cinquante se trouvaient
à Khiam.
Au-delà de la question de la nécessaire
libération des prisonniers
politiques, la politique israélienne
en matière d’échanges
de prisonniers semble appartenir
au passé. D’un côté les
dirigeants israéliens actuels
ne paraissent pas aussi intéressés
que leurs prédécesseurs
à récupérer leurs concitoyens
porteurs d’uniforme,
morts ou vifs ; ils semblent
jusqu’à présent écarter l’idée
d’échanger des prisonniers
palestiniens ou libanais aussi bien avec
le tankiste capturé le 25 juin par des
combattants palestiniens qu’avec les
deux soldats arrêtés par le Hezbollah le
12 juillet sur la frontière libanaise.
Par ailleurs, pourquoi Israël détient-il
toujours quatre Libanais « oubliés » lors
de l’échange de 2004 et aussi trente-cinq
Jordaniens dont les autorités n’arrivent
pas à obtenir l’élargissement, en dépit du
traité de paix en bonne et dûe forme qui
lie les deux pays ?
Quant aux prisonniers palestiniens, leur
nombre avoisine aujourd’hui dix mille,
après les arrestations répétées auxquelles
procède ces derniers mois encore l’armée
israélienne en Cisjordanie, où elle aide
les colons à s’approprier toujours plus
de terres palestiniennes tout en protégeant
la construction du mur qui vise à les
annexer au territoire israélien. En raison
du nombre effrayant de ces prisonniers
par rapport à la population totale des
Territoires occupés, la politique israélienne
d’incarcération des Palestiniens
ressemble de plus en plus à une des
formes du « sociocide » - selon l’analyse
de l’historien palestinien qui dirige
le département d’histoire moderne de
l’université de Bir-Zeit, Saleh Abdeljawad-
dont sont victimes les Palestiniens
coupables d’être demeurés sur
leur terres après 1948 et 1967.
Christiane Gillmann,
2 septembre 2006