La Cisjordanie a été témoin au cours des dernières semaines d’intenses campagnes d’arrestation de la part de l’armée israélienne à l’encontre de dizaines de cadres et dirigeants du Hamas, de députés au Conseil Législatif Palestinien (CLP), de dirigeants politiques, ainsi que d’étudiants ou militants syndicaux.
Plus récemment, Khaled al-Hajj et Adnan Asfour, tous les deux dirigeants du Hamas en Cisjordanie, et le député du Hamas au CLP, Yasser Mansour, ont été arrêtés le 16 février.
L’armée israélienne a par le passé effectué des arrestations périodiques de membres des factions palestiniennes en Cisjordanie, particulièrement du Hamas, pour contrecarrer leurs projets d’effectuer des opérations armées. Toutefois, depuis que le président palestinien Mahmoud Abbas a annoncé le15 janvier les dates des élections générales, Israël a peu à peu arrêté et convoqué les cadres du Hamas dans le cadre d’une campagne d’intimidation pour les empêcher de faire campagne aux élections.
En janvier seulement, le nombre des personnes arrêtées s’est élevé à 461.
La campagne d’arrestation israélienne en Cisjordanie à l’encontre du Hamas a pour but de faire dérailler le projet de l’organisation de participer aux élections législatives à venir, en maintenant les dirigeants et les cadres du Hamas derrière les barreaux jusqu’après que les élections se sont tenues en mai. En attendant, Israël menace aussi d’arrestation d’autres candidats potentiels du Hamas s’ils finissent par décider d’être candidats sur la liste de l’organisation.
Nayef al-Rajoub, ancien ministre des dotations dans le gouvernement dirigé par le Hamas et député au CLP, a déclaré à Al-Monitor : « Les récentes arrestations par Israël visent à altérer les élections à venir tout en intimidant les candidats éventuels. Ces arrestations affectent négativement les candidats et les électeurs, et leur effet persiste pendant plusieurs années. Nous n’avons pas encore oublié notre amère expérience des élections législatives de 2006. J’ai passé près de 100 mois dans les prisons israéliennes sans inculpation depuis ces élections, juste parce que je suis un député au CLP pour représenter le Hamas. [La récente campagne d’arrestations] pourrait susciter des inquiétudes parmi les candidats éventuels sur les listes de l’organisation de voir le même scénario se reproduire. L’Autorité Palestinienne (AP) pratique la même politique sécuritaire à l’encontre des cadres du Hamas pour influencer les élections ».
Le Hamas a déclaré le 16 février dans un communiqué de presse que l’arrestation par Israël des dirigeants de l’organisation en Cisjordanie est destinée à viser le processus électoral. Il a ajouté, toutefois, que cette campagne ne fera pas tomber l’organisation, ni n’affectera ses efforts pour mettre fin à la division palestinienne sur la base du partenariat et de la résistance à Israël.
Le Centre d’Etudes sur les Prisonniers Palestiniens a révélé le 21 janvier que le nombre des députés au CLP que Israël a arrêté depuis 2006 s’est élevé à 60, dont la plupart ont été arrêtés à plusieurs reprises, tandis que 10 députés demeurent actuellement détenus.
Khalil Assaf, membre de la Commission des Libertés Publiques en Cisjordanie, qui est une structure nationale qui comprend des représentants de toutes les factions, créée à la suite de l’Accord du Caire en 2011, a déclaré à Al-Monitor : « Les arrestations par Israël des dirigeants du Hamas ne feront qu’augmenter à l’approche des élections législatives prévues en mai, puisque Israël veut prouver qu’il est le principal acteur en Cisjordanie. Ceci compliquera encore plus les tentatives du Hamas de persuader les candidats de rejoindre ses listes électorales. Je conseille au Hamas de ne pas faire campagne pour les élections par le biais d’une liste électorale à son nom, étant donné que cette liste pourrait être directement visée par Israël. Il est important que l’organisation ne mette pas en danger ses citoyens et ses cadres, ce qui entraînera la désorganisation du CLP ».
En lien avec les arrestations par les Israéliens des cadres du Hamas en Cisjordanie, les agents des services de renseignement israéliens ont récemment appelé les dirigeants du Hamas pour les mettre en garde de ne pas participer aux élections à venir. Ils ont aussi envoyé des messages menaçant d’arrestation toute personne qui envisage de faire campagne sur la liste du Hamas.
Le 25 janvier, Omar al-Barghouti, important dirigeant du Hamas en Cisjordanie, a révélé que les autorités israéliennes l’avaient convoqué à la prison d’Ofer en dehors de Ramallah en Cisjordanie et l’avaient mis en garde contre le fait de faire campagne aux élections législatives. Selon Barghouti, les agents israéliens lui ont dit qu’il serait immédiatement arrêté s’il annonçait sa candidature. Barghouti, 67 ans, a été libéré à la fin de décembre 2020 de la prison israélienne où il était détenu depuis le mois de mars de cette année-là.
A un moment où l’AP ne souffle mot au sujet des arrestations par Israël des membres et des dirigeants du Hamas, Wasfi Qabha, qui a exercé la fonction de ministre des affaires des prisonniers dans le gouvernement dirigé par le Hamas, a déclaré le 6 février au site Internet Donia al-Watan que des militants et des partisans du Hamas ont reçu des menaces de la part des services de sécurité de l’AP qui les ont sommés à l’encontre du contexte de élections et qui leur ont envoyé des messages menaçants pour les empêcher de participer à de quelconques initiatives de masse dans la préparation des élections à venir.
Imad Abu Awwad, chercheur au Centre d’Etudes Palestiniennes et Israéliennes de Jérusalem, a déclaré à Al-Monitor qu’« Israël continuera ses arrestations de cadres du Hamas pour empêcher l’organisation d’influencer les résultats du vote et en fin de compte pour réduire le nombre de représentants du Hamas au CLP tout en le décrivant comme un courant politique mineur. Les candidats éventuels du Hamas savent qu’ils seront soumis au ciblage et aux arrestations par Israël, ce qui est la raison pour laquelle le Hamas doit organiser ses rangs en Cisjordanie et mettre en avant ses cadres pour sa propagande électorale, pour surveiller les urnes électorales et veiller à exercer son droit constitutionnel de se présenter aux élections et d’être élu ».
Les arrestations par Israël de dizaines de cadres et de dirigeants du Hamas en Cisjordanie soulèvent de nombreuses questions, étant donné qu’elles ont lieu dans le cadre des préparatifs du mouvement pour les prochaines élections et entravent les efforts du Hamas pour mobiliser les masses palestiniennes ou lancer des campagnes électorales. Ceci peut amener certains candidats éventuels à y réfléchir à deux fois avant de rejoindre une liste constituée par l’organisation de crainte d’une arrestation par les Israéliens.
Mahmoud Mardawi, membre du Bureau National des Relations du Hamas, a déclaré à Al-Monitor : « L’organisation considère le projet électoral comme faisant partie de sa vision nationale, qui entraîne de lourds coûts tels que les arrestations et les poursuites de sécurité israéliennes. Mais cela ne doit pas nous empêcher de participer aux élections. Nos candidats ne seront pas affectés malgré les menaces israéliennes. Le Hamas dispose d’une panoplie d’options pour affronter les arrestations israéliennes incessantes, dont l’augmentation du nombre de ses candidats dans la Bande de Gaza aux dépens de la Cisjordanie pour éviter d’y être pris pour cible ».
Les élections législatives se tiendront le 22 mai. Pendant cette période, de nombreuses évolutions pourraient avoir lieu et davantage d’arrestations par les Israéliens de cadres du Hamas en Cisjordanie pourraient être effectuées étant donné qu’Israël essaie d’éviter une réplique des élections de 2006, où il a été surpris par une victoire écrasante du Hamas.
Un responsable palestinien proche de Abbas a déclaré à Al-Monitor sous condition d’anonymat qu’« Israël veut sans aucun doute intervenir dans les élections palestiniennes parce qu’il ne veut pas que nous fassions l’expérience d’une vie démocratique et il cherche à nous maintenir sous son contrôle militaire. Mais nous poursuivrons sur la voie électorale malgré les pratiques israéliennes. Nous sommes en contact avec des partis internationaux pour faire pression sur Israël pour qu’il n’intervienne pas dans les élections palestiniennes, mais nous n’avons encore aucune garantie à ce sujet ».
Les arrestations en Cisjordanie amoindrissent la campagne du Hamas, alors que davantage d’électeurs sont enregistrés en Cisjordanie que dans la Bande de Gaza.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT prisonniers de l’AFPS