Photo : Destructions massives des infrastructures causées par le raid de l’armée israélienne à Tulkarem, le 9 janvier 2025 © Quds News Network
Ibtisam Darwish se recueille chaque jour sur les tombes de ses quatre fils, tués par Israël lors d’une seule frappe aérienne près de la ville de Jénine en janvier de l’année dernière.
Depuis le début de la guerre contre Gaza en octobre 2023, Israël a également intensifié ses frappes aériennes sur la Cisjordanie occupée, après les avoir interrompues pendant près de vingt ans.
L’armée israélienne a récemment annoncé qu’elle avait tué 770 Palestiniens en Cisjordanie occupée depuis la guerre contre Gaza et lancé 110 frappes aériennes au cours desquelles près de 200 Palestiniens ont été tués et 6 000 autres arrêtés.
Avec un seul missile
Le 7 janvier 2023, Ibtisam se réveille avec un appel téléphonique. L’un de ses fils lui demandait de prendre des nouvelles de ses quatre frères, qui étaient partis passer la nuit chez leurs proches dans la région de Muthalath Alshuhada, à l’ouest de Jénine, après avoir entendu le bruit d’une explosion à proximité.
Elle a essayé de les appeler, mais leurs téléphones étaient éteints, puis elle a parcouru les réseaux sociaux pour trouver des vidéos circulant de quatre jeunes hommes gisant sur le sol, couverts de leur sang.
« Je savais que c’étaient mes fils. Je les ai reconnus à leurs vêtements. Un missile les a tous tués. Alaa, 29 ans, Hazza, 26 ans, Ahmed, 25 ans, et Rami, 22 ans. J’ai couru en criant hors de la maison et je suis allée à pied jusqu’à l’endroit, qui se trouve à des centaines de mètres de ma maison ».
Lorsqu’elle est arrivée sur place, l’ambulance les avait emmenés à l’hôpital. C’était la première fois que la zone était visée par une frappe aérienne.
Des huit fils, il n’en reste que trois pour Ibtisam, dont l’un est le jumeau de Hazza, et comme le lieu du bombardement était une grande rue publique, elle est obligée de toujours passer devant et de se souvenir de ce qui s’est passé.
« Le trou où se trouvait le missile est toujours là. Chaque fois que je passe devant, je me souviens de ce jour noir où Israël a tué mes fils sans aucune faute », a déclaré Ibtisam.
Akshaya Kumar, directeur de la défense des droits en cas de crise à Human Rights Watch, a écrit dans un article l’année dernière que les combats en Cisjordanie occupée ont atteint le niveau d’un conflit armé et que, par conséquent, les forces israéliennes doivent se conformer aux règles du droit humanitaire, qui n’autorisent le recours à la force meurtrière que dans des circonstances très limitées et uniquement lorsque des méthodes moins agressives ne suffisent pas à atteindre les objectifs fixés.
M. Kumar a ajouté que les Nations unies avaient constaté qu’Israël revenait à « ce qui ressemble à des tactiques de guerre plus meurtrières ». Après des années sans attaques aériennes, des centaines de Palestiniens ont été tués par des frappes aériennes israéliennes en Cisjordanie occupée, dont près de 40 en l’espace d’un mois seulement.
« Tout recours intentionnel à la force meurtrière qui n’est pas strictement nécessaire dans chaque cas pour prévenir une menace imminente pour la vie est inapproprié en tant qu’outil d’application de la loi. Selon les Nations unies, les frappes aériennes israéliennes dans les camps de réfugiés ont tué des enfants dans leurs maisons et dans la rue, ainsi qu’un homme qui préparait du lait pour son enfant dans sa cuisine », a écrit M. Kumar.
« Le monde a les yeux rivés sur Gaza depuis des mois, mais il est nécessaire de prévenir les atrocités en Cisjordanie également », conclut-elle.
Pression sécuritaire
Parallèlement aux frappes aériennes, l’armée israélienne a également intensifié ses raids sur les villes et les villages de Cisjordanie occupée et a récemment annoncé l’envoi de forces régulières supplémentaires pour combattre dans cette région.
Les Palestiniens de Cisjordanie occupée affirment que l’augmentation des bombardements aériens israéliens vise à rassurer les colons israéliens illégaux en leur montrant que l’armée de l’air israélienne est capable de poursuivre la résistance armée palestinienne.
Un expert des affaires israéliennes, Jalal Rummana, a déclaré à The New Arab que la situation sécuritaire est la principale priorité des Israéliens, ce qui explique les événements survenus ces derniers mois sur plusieurs fronts, y compris en Cisjordanie occupée.
« Israël a partiellement réussi à contrôler la situation sécuritaire en Cisjordanie occupée et a recours à la sécurité, même s’il sait que la situation s’aggrave en raison de la poursuite de sa guerre contre la bande de Gaza », selon lui.
« L’utilisation de drones et d’avions de guerre sont des méthodes militaires de terrain déterminées par le commandant militaire israélien parce qu’elles sont les moins nuisibles et les moins dangereuses pour éliminer ce qu’ils considèrent comme une menace pour eux », a-t-il ajouté.
Le fait que certains Palestiniens de Cisjordanie parviennent de temps à autre à résister à la sécurité d’Israël met ce dernier sous pression, d’autant plus qu’il estime que les combats menés à Gaza n’ont rien résolu.
« Israël craint une escalade due à la poursuite de l’agression contre Gaza et tente donc de poursuivre toute forme de résistance en Cisjordanie, même en intensifiant les frappes aériennes », a conclu M. Rummana.
Traduction : AFPS