"Il semble qu’il ne soit pas possible de déterminer sans équivoque l’origine des tirs qui ont touché et tué Mme Abu Akleh. Cependant, il est fort probable que Mme Abu Akleh ait été accidentellement touchée par un tir des forces de défense israéliennes en direction de suspects identifiés comme des tireurs palestiniens armés lors d’un échange de tirs", ont déclaré les "Forces de Défense Israéliennes" (IDF) dans un communiqué.
Israël a également déclaré qu’il ne portera pas plainte contre le soldat responsable. "Après un examen complet de l’incident, et sur la base de toutes les conclusions présentées, l’avocat général des armées a déterminé que dans les circonstances de l’incident, malgré le résultat désastreux, il n’y avait pas de soupçon d’infraction criminelle justifiant l’ouverture d’une enquête du MPCID", peut-on lire dans une déclaration séparée du bureau de l’avocat général des armées.
Peu après l’assassinat, le gouvernement israélien a suggéré qu’Abu Akleh était mort dans un duel de tirs entre les FDI et des militants palestiniens, jusqu’à ce que cette hypothèse soit démentie par des images vidéo, des témoignages et de multiples enquêtes médiatiques. Cependant, un haut responsable des FDI, qui a informé les journalistes avant la publication du rapport, a continué à soutenir ce récit.
"Nous estimons qu’il y avait des militants à proximité de Mme Abu Akleh. Peut-être pas à un mètre d’elle, mais ils étaient dans cette zone", a-t-il déclaré. Il n’a fourni aucune preuve de cette affirmation.
La famille d’Abu Akleh a publié une déclaration condamnant le rapport israélien et réitérant sa demande à l’administration Biden de prendre des mesures significatives. "Notre famille n’est pas surprise par ce résultat, car il est évident pour tout le monde que les criminels de guerre israéliens ne peuvent pas enquêter sur leurs propres crimes", peut-on lire. "Cependant, nous restons profondément blessés, frustrés et déçus".
Abu Akleh Family Response to Israel’s Statement on Shireen’s Killing
We could never expect any type of accountability or legitimate investigation from the very entity responsible for gunning down an unarmed and clearly identifiable journalist. pic.twitter.com/bTfUqj5KV3
— Lina Abu Akleh (@LinaAbuAkleh) September 5, 2022
Le groupe de défense des droits de l’homme B’Tselem, basé à Jérusalem, a également dénoncé le rapport. "Ce n’est pas une enquête, c’est du blanchiment ; ce n’était pas une erreur, c’est une politique", peut-on lire dans leur déclaration. "Une énorme pression publique et internationale a été nécessaire pour qu’Israël fasse jaillir un faible aveu qu’un de ses soldats avait tué la journaliste Shireen Abu Akleh, tout en se dégageant de toute responsabilité pour sa mort."
"Le meurtre d’Abu Akleh est le résultat prévisible de la politique scandaleuse d’Israël de tir ouvert dans les Territoires occupés", poursuit le document. "Cette politique fait de plus en plus de victimes tandis que le blanchiment se poursuit sans être perturbé".
B'Tselem in response to the military's announcement on the killing of Shireen Abu Akleh :
It's not an investigation, it's whitewash ; it was no mistake, it's policy. > pic.twitter.com/XOhfSyoGQV
— B'Tselem בצלם بتسيلم (@btselem) September 5, 2022
Le porte-parole de la présidence palestinienne, Nabil Abu Rudeineh, a qualifié le rapport de "nouvelle tentative israélienne d’échapper à la responsabilité du meurtre de Shireen Abu Akleh."
L’administration Biden a été confrontée à une pression croissante concernant sa position sur le meurtre. Alors qu’elle a appelé à plusieurs reprises à la transparence et à l’obligation de rendre des comptes, elle n’a pas renoncé à affirmer qu’Israël était capable de mener une telle enquête de son propre chef. Elle a également rejeté les appels à la Cour pénale internationale (CPI) pour enquêter sur la mort d’Abu Akleh. "Nous pensons que la CPI doit rester concentrée sur sa mission principale, et cette mission principale est de servir de tribunal de dernier recours pour punir et dissuader les crimes d’atrocité", a déclaré le porte-parole du département d’État Ned Price en mai.
En juin, 24 sénateurs démocrates ont envoyé une lettre à Biden pour lui demander d’agir. Cette démarche est intervenue peu après que 57 membres démocrates de la Chambre des représentants aient envoyé une lettre similaire. En juillet, les législateurs des deux chambres ont tenu une conférence de presse, aux côtés de la famille d’Abu Akleh, devant le capitole des États-Unis. "Un journaliste américain a été tué à l’étranger par une armée étrangère, par un sniper", a déclaré la représentante Alexandria Ocasio-Cortez (D-NY) aux participants. "Cette situation exige une enquête approfondie et objective".
Axios a récemment rapporté que l’administration Biden fait pression sur Israël pour qu’il revoie ses "règles d’engagement" lors des opérations militaires en Cisjordanie illégalement occupée. "La pression exercée par les États-Unis sur Israël pour qu’il revoie ses directives est inhabituelle, mais elle intervient alors que l’administration Biden est confrontée à des pressions pour qu’elle fasse davantage pour garantir la responsabilité dans la mort d’Abu Akleh", a écrit Barak Ravid.
Traduction et mise en page : AFPS / DD