Dans une déclaration récente, la société Rafael, basée à Haïfa, s’est vantée que son système de missiles Spyder avait prouvé son "efficacité au combat, y compris en Europe".
Comme je n’avais aucune idée de la "bataille" à laquelle il était fait allusion, j’ai contacté Daniel Tsemach, un représentant de la société.
En réponse, il m’a envoyé par e-mail quelques liens Internet sur l’armée géorgienne.
Aucun de ces liens n’indiquait explicitement que les missiles Spyder avaient prouvé leur efficacité dans une bataille sur le sol européen. J’ai donc envoyé un nouveau message électronique à Tsemach, lui demandant de donner "une réponse claire" à ma question.
"Votre réponse peut être facilement obtenue par des sources ouvertes", a-t-il répondu. "C’est tout ce que j’ai à vous fournir. Nous ne parlons pas au nom de nos clients."
Une petite recherche a permis de clarifier les choses, du moins en partie.
En 2008, un certain nombre de missiles Spyder - alors de conception récente - auraient été livrés à la Géorgie.
Une entreprise israélienne a-t-elle maintenant admis - bien qu’avec un signe de tête et un clin d’œil - que la Géorgie a utilisé ses armes dans la guerre contre la Russie la même année ?
Il est difficile de voir quelle autre conclusion on peut tirer de la fanfaronnade de Rafael.
La Russie est, bien entendu, actuellement en guerre contre l’Ukraine. Parmi les nombreuses conséquences néfastes de cette guerre, il y a le fait qu’elle a créé de nouvelles opportunités pour les marchands d’armes.
Plutôt que d’opter pour l’option la plus raisonnable, à savoir négocier un cessez-le-feu et chercher à réduire les tensions, l’Union européenne a augmenté le flux d’armes vers l’Ukraine, prolongeant ainsi inutilement la guerre.
Un consensus dangereux
Un dangereux consensus s’est développé au sein de l’élite politique européenne pour que les budgets militaires augmentent.
Comme on pouvait s’y attendre, Israël veut participer à l’action autant que possible.
Avant l’invasion russe de l’Ukraine, l’Europe était déjà la principale destination des exportations d’armes d’Israël. De nombreuses nouvelles opportunités se sont présentées depuis lors.
La Suède et la Finlande - nominalement neutres jusqu’à leur demande d’adhésion à l’OTAN au début de cette année - ont toutes deux acheté ou se sont orientées vers l’achat d’armes à Israël dernièrement.
L’Allemagne a consacré près de 100 milliards de dollars à la remise en état de son armée. Les armes israéliennes sont susceptibles de figurer en bonne place sur la liste des achats établie à Berlin.
La société Rafael, déjà citée, a signé un contrat de 627 millions de dollars en 2021 pour installer le système Spyder en République tchèque.
L’entreprise espère maintenant faire des affaires ailleurs en Europe. Cela explique pourquoi elle utilise des euphémismes tels que "éprouvé au combat" pour commercialiser ses armes.
La vie privée bafouée
RT, un fabricant israélien de technologies de surveillance, a fait preuve de plus d’audace dans la promotion de ses activités.
On peut le constater dans un article publié récemment par le magazine spécialisé IsraelDefense.
Il explique comment Israël utilise des "ballons d’observation" fabriqués par RT au-dessus de Gaza.
Les données recueillies par ces engins gonflables volant à haute altitude sont retransmises à une salle d’opérations, où des images de "la vie quotidienne dans la bande de Gaza" apparaissent sur des écrans.
"Deux femmes travaillent sur le terrain", indique l’article, décrivant les images visionnées. "Un grand camion est garé près de la clôture du périmètre [la frontière de Gaza avec Israël], une jeep roule lentement sur un chemin de terre. Un peu plus loin, il y a un village avec des maisons et du linge suspendu à l’extérieur."
Même selon les normes israéliennes, la quantité de chutzpah contenue dans ces quelques lignes est extraordinaire.
C’est un aveu clair que la vie privée a été totalement refusée aux habitants de Gaza. Chaque aspect de leur vie est surveillé par l’armée israélienne.
Il est difficile d’imaginer qu’Israël et ses partisans seraient aussi désinvoltes à l’égard de l’espionnage de masse s’il était dirigé vers les Occidentaux. Ils ont généralement gardé le silence, par exemple, sur la controverse Pegasus, les révélations selon lesquelles les téléphones de militants et de journalistes dans divers pays avaient été infectés par un logiciel espion conçu par Israël.
Le Parlement européen a demandé une enquête sur ce scandale. S’il est vital que toute la vérité sur Pegasus soit établie, il est pratiquement impensable que les institutions de Bruxelles organisent une telle enquête si les Palestiniens sont les seules victimes.
C’est un secret de polichinelle qu’Israël teste de nouvelles armes sur les Palestiniens.
Israël a conquis une part très lucrative du marché mondial des drones. Israel Aerospace Industries et Elbit Systems ont décrit leurs drones comme étant "éprouvés au combat" ou "testés au combat", même si l’État n’a pas admis avoir utilisé des drones armés dans des opérations militaires.
Ce n’est qu’en juillet de cette année que la censure israélienne a retiré un ordre de bâillonnement de longue date. Cette ordonnance empêchait les médias du pays de rendre compte de la façon dont les Palestiniens étaient tués ou mutilés par des drones armés.
Avec cette plus grande transparence, l’Union européenne aura l’air encore plus ridicule lorsqu’elle se posera en défenseur des droits de l’homme tout en favorisant le commerce avec Israël, notamment son industrie de l’armement.
Après avoir été mis en sommeil pendant une décennie, le Conseil d’association UE-Israël se réunira le 6 octobre.
Réanimer ce conseil à tout moment serait odieux. Il est inexcusable de le faire quelques mois à peine après qu’Israël ait tué la journaliste Shireen Abu Akleh et lancé un nouvel assaut majeur sur Gaza, et dans un contexte d’horreurs continues comme les tirs réguliers sur les enfants palestiniens à Jénine et les menaces d’expulsion à Masafer Yatta.
Il est presque certain que la réunion du Conseil d’association débouchera sur des discours sur la recherche de la paix et de la justice.
En achetant les armes d’Israël, les pays de l’UE démontrent le peu de cas qu’ils font de ses objectifs.
Traduction et mise en page : AFPS / DD